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Répercussions de l’Inflation Reduction Act : quelles options pour le Canada ?

Trois options pour s’assurer que le Canada ne soit pas laissé pour compte de l’Inflation Reduction Act.

L’Inflation Reduction Act des États-Unis redessine le paysage international des politiques climatiques et pousse les autres gouvernements à repenser leurs propres politiques climatiques et leur compétitivité économique dans un monde sobre en carbone.

Cette loi représente l’investissement dans les solutions climatiques le plus complet de l’histoire des États-Unis. Totalisant 370 milliards de dollars américains sur 10 ans pour accélérer la transition énergétique, elle prévoit un large éventail de crédits d’impôt, de subventions et de prêts pour les technologies propres, dont des subventions pour la fabrication de technologies propres, l’électrification des ménages et la mise en place de projets d’adaptation dans les collectivités. L’objectif : faire descendre les émissions des États-Unis à 40 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030, créer des emplois verts et réduire l’inflation.

La loi complique cependant les choses pour le Canada. En effet, si le manque de mesures climatiques aux États-Unis a souvent été cité comme argument contre les politiques ambitieuses au pays, voilà que nous prenons du retard sur notre plus grand partenaire commercial. Sans mesures de rattrapage, investisseurs et promoteurs risquent de migrer au sud, laissant le Canada dans l’incapacité de mobiliser les capitaux privés nécessaires pour décarboner son économie et atteindre sa cible de carboneutralité d’ici 2050. Néanmoins, cette loi pourrait aussi créer des occasions d’exportation pour le Canada, notamment sur les marchés des véhicules électriques, des batteries et des matériaux de construction.

Comment les gouvernements peuvent-ils donc s’assurer que le Canada ne soit pas laissé pour compte de cette nouvelle orientation? Voici trois options.

Option 1 : Renforcer les politiques existantes

La première option repose sur les politiques déjà en vigueur. Contrairement à la plupart des régions américaines, le Canada ne part pas de zéro lorsqu’il est question d’incitatifs aux investissements dans les technologies propres. C’est que plusieurs mesures fédérales et provinciales existent déjà pour mobiliser les investissements privés dans la décarbonisation de l’économie, dont une tarification du carbone, des règlements (p. ex. normes sur les combustibles propres) et quelques subventions (p. ex. crédit d’impôt proposé pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone). Le budget fédéral 2022 comprend aussi deux nouveaux mécanismes pour stimuler les investissements privés dans les technologies sobres en carbone : un fonds de croissance du Canada et une agence canadienne d’innovation et d’investissement.

Cette option implique d’exploiter le plein potentiel des politiques et des outils existants. La tarification du carbone est par exemple un outil efficace pour détourner les flux de capitaux des investissements à forte intensité d’émissions vers des options plus écologiques. Il est important que les gouvernements renforcent les signaux du marché en instaurant des contrats d’écart compensatoire appliqué au carbone, qui réduisent grandement l’incertitude pour les investisseurs à un coût relativement modeste pour les gouvernements. Les crédits d’impôt et les mécanismes de financement promis dans le dernier budget pourraient aussi accroître la confiance des investisseurs.

Toutefois, ces outils ont leurs limites. Au Canada, la tarification du carbone n’aide pas les promoteurs de projets à compenser l’écart de profits, surtout en ce qui a trait aux produits d’exportation sobres en carbone. Même en les combinant, les programmes subsistants au pays demeurent parfois moins généreux que ceux de la loi américaine – et plus compliqués à comprendre et à utiliser pour les investisseurs.

Option 2 : Voir grand et ratisser large

Les gouvernements canadiens pourraient aussi calquer leurs politiques sur l’Inflation Reduction Act, en annonçant des subventions semblables pour l’énergie et les technologies propres.

Le Canada devra rattraper son retard s’il espère continuer d’attirer des investissements internationaux dans la transition, lesquels seront déterminants dans la création d’emplois et la réduction des émissions au pays. Cette option pourrait aussi soulager la crise du coût de la vie en permettant aux ménages à faible revenu de participer à la transition énergétique grâce à des subventions ciblées.

Il lui faudrait toutefois avoir le courage de ses ambitions; en suivant l’exemple des États-Unis, le Canada risque de subventionner certaines technologies à l’excès, transformant les fonds publics en profits pour les entreprises, surtout dans les secteurs traditionnels. Il ne faut pas non plus oublier la question de la capacité fiscale : les gouvernements canadiens sont déjà au bout du rouleau en raison des phénomènes météorologiques extrêmes et des vastes programmes de soutien financier appelés par la pandémie et les autres crises en cours, comme la guerre en Ukraine.

Option 3 : Miser sur des politiques ciblées

Les gouvernements canadiens pourraient viser un entre-deux combinant de nouveaux programmes publics, le renforcement des politiques existantes et des subventions pour quelques technologies ou types de projets ciblés. Cette façon de faire amène toutefois des questions difficiles. Par exemple, quels sont les avantages concurrentiels dont peut se prévaloir le Canada dans un monde carboneutre? Quelles technologies rapporteraient le plus à la société canadienne (emplois, développement économique en zone rurale, leadership économique autochtone, sécurité énergétique)? Et enfin, quels sont les principaux outils technologiques du Canada pour atteindre ses cibles de réduction des émissions?

Pour réduire les excès de profits et les pressions budgétaires, les gouvernements pourraient aussi choisir des outils stratégiques reposant sur les forces du marché pour répartir les risques.

Cependant, cette approche comporte le risque d’investir dans des technologies qui ne réduisent pas les émissions comme prévu ou n’attirent pas suffisamment de capitaux privés. Les investisseurs internationaux pourraient continuer de préférer les projets américains, pour lesquels le soutien gouvernemental direct est abondant et facile d’accès.

Les excès de lenteur ou d’empressement, deux erreurs coûteuses

Tandis que les effets de l’Inflation Reduction Act continuent de se faire sentir au Canada, les gouvernements doivent agir sans tarder pour rassurer le secteur privé et les investisseurs. En effet, les capitaux mondiaux n’attendront pas; ils seront vite réinvestis dans les entreprises les plus rentables.

Parallèlement, les investisseurs sont toujours à la recherche de certitude. Peu importe l’avenue choisie par les gouvernements, ceux-ci devront présenter un plan transparent et stable s’ils souhaitent que les investisseurs aient confiance en leurs promesses. Les décisions précipitées sur lesquelles il faut revenir sont coûteuses et pourraient faire plus de mal que de bien.

Pour choisir la meilleure option, des questions se posent. Comment les incitatifs canadiens actuels à l’investissement dans l’énergie et les technologies propres se comparent-ils aux subventions américaines? Quelles sont les difficultés que rencontrent les promoteurs de technologies propres du Canada qui cherchent des investisseurs? Que cela signifie-t-il pour le développement économique autochtone? Quels outils stratégiques autres que les subventions les gouvernements étrangers utilisent-ils pour encourager les projets de technologies propres et attirer des investissements privés? Dans les prochains mois, l’Institut climatique du Canada se penchera sur ces questions et sur les différentes options pour déterminer la meilleure voie à suivre pour le Canada. Restez à l’affût!

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