Les coûts des changements climatiques pour le PIB du Canada

Notre nouvelle étude montre que les coûts macroéconomiques des changements climatiques sont déjà élevés et risquent fort d’augmenter au fil du temps.

Notre nouvelle étude montre que les coûts macroéconomiques des changements climatiques sont déjà élevés et risquent fort d’augmenter au fil du temps. L’accumulation des répercussions rend particulièrement difficile l’évaluation de la pleine mesure des dommages potentiels. Il n’est pas question ici de chocs périodiques qui minent la croissance dans une année donnée : les changements climatiques freineront en fait la croissance chaque année. Et si nous n’adoptons pas de nouvelles politiques, ces coûts s’accumuleront considérablement.

Modélisation des coûts des changements climatiques

Limiter les dégâts est l’aboutissement de la série Coûts des changements climatiques de l’Institut climatique du Canada, un projet de modélisation et de recherche pluriannuel dont le but était de mieux comprendre et quantifier les coûts potentiels de l’évolution du climat au pays. L’analyse comprend deux scénarios d’émissions mondiales de gaz à effet de serre, des projections à échelle réduite basées sur sept modèles climatiques mondiaux, et deux scénarios d’adaptation dans un modèle macroéconomique de l’économie canadienne. Au total, notre analyse compte donc 84 scénarios, de manière à réduire le plus possible la marge d’incertitude.

La conclusion? Les coûts des changements climatiques au Canada sont déjà élevés – et ne cessent d’augmenter.

Dommages climatiques et baisse du PIB

Les ralentissements économiques annoncés approchent plus vite qu’on pourrait le croire : notre analyse indique qu’en 2025, les 10 dernières années de changements climatiques auront grugé 25 milliards de dollars du PIB national. Autrement dit, l’économie du pays sera inférieure de 25 milliards de dollars à ce qu’elle aurait été si le réchauffement de la planète s’était stabilisé en 2015. L’économie continue de croître à un bon rythme, mais les pertes s’accumulent inéluctablement.

Ce chiffre a de quoi impressionner. À titre de comparaison, c’est une demi-année de croissance de l’économie canadienne, ou 630 $ de revenus nationaux par personne qui sont perdus, soit plus du double du coût des inondations qui ont ravagé la Colombie-Britannique en novembre 2021, et 12 fois le total des pertes assurées liées à des catastrophes météorologiques au pays en 2021.

Et ce n’est que le début. Il faut voir que le chiffre de 25 milliards de dollars ne tient pas compte que des chocs climatiques – tempêtes, inondations, incendies, etc. – qui auront lieu en 2025. Il représente l’accumulation des effets pour chacune des années écoulées. Notre modélisation commence en 2015, et chaque année, les répercussions des changements climatiques font diminuer le PIB par rapport à ce qu’il aurait pu être, tout en ralentissant légèrement sa croissance.

C’est donc dire qu’en réalité, les coûts des changements climatiques s’accumulent au fil du temps. Le ralentissement économique attribuable au climat deviendra de plus en plus important à long terme, comme l’illustre la figure ci-dessous. En 2030, le PIB sera inférieur de 35 milliards de dollars à ce qu’il aurait pu être – et en 2055, cet écart atteindra entre 80 et 103 milliards de dollars.

Coûts réels encore plus élevés pour les Canadiens

Les effets des changements climatiques sur le PIB annoncés dans Limiter les dégâts montrent bien l’urgence de la crise climatique pour le Canada. Et pourtant, ces graves répercussions ne sont qu’une partie de l’histoire.

La mesure du PIB laisse dans l’ombre certaines des conséquences les plus graves. Il ne s’agit pas simplement des répercussions sur l’économie, mais aussi de savoir qui devra payer. Dans notre modélisation, les gouvernements mettent en place un filet de sécurité en aidant à reconstruire les infrastructures et les biens endommagés par les changements climatiques et en réparant les dégâts des catastrophes météorologiques. Ces activités de reconstruction détournent des fonds d’autres activités porteuses de croissance. Et ce sont les contribuables qui, au bout du compte, souffriront le plus des répercussions climatiques.

Selon notre analyse, tous les ménages essuieront des pertes de revenu, mais ce sont ceux à faible revenu qui en souffriront le plus. En effet, ces derniers pourraient connaître d’ici la fin du siècle des pertes de revenus de 12 % dans un scénario d’émissions modérées et de 23 % dans un scénario d’émissions élevées.

C’est sans compter que nos résultats ne représentent que la pointe de l’iceberg des dégâts dans l’économie et la société du Canada. Sous la surface se cachent encore de nombreux risques : des répercussions économiques plus graves sont probables, mais encore trop incertaines et complexes à quantifier.

À long terme, rien n’est encore joué

Pour le Canada, les enjeux économiques liés aux changements climatiques sont majeurs. Cela dit, notre analyse se veut essentiellement un avertissement plutôt qu’une prédiction : nous pouvons encore agir pour éviter le pire.

Les mesures visant à réduire les effets négatifs des changements climatiques, comme la construction de digues et le renforcement des ponts et des lignes électriques – les mesures d’adaptation – sont très rentables. Si l’on compte les bénéfices directs et indirects, chaque dollar investi dans l’adaptation rapporte de 13 $ à 15 $. L’adoption proactive de telles mesures diminue les coûts des changements climatiques de moitié. Ainsi, la future Stratégie nationale d’adaptation du Canada revêt une énorme importance, car c’est l’occasion pour le pays de commencer à se préparer aux changements climatiques et de profiter d’économies potentielles appréciables.

Cela dit, il s’avère encore plus rentable de limiter le réchauffement tout en s’adaptant aux changements déjà amorcés. En combinant l’adaptation proactive à la réduction des émissions mondiales, le Canada pourrait voir ses coûts liés aux changements climatiques divisés par quatre.

Le Canada fait des progrès, mais les leçons de Limiter les dégâts sont sans équivoque : pour maximiser la croissance économique – et par ricochet la prospérité des ménages canadiens –, il nous faut des politiques climatiques beaucoup plus volontaires, sur le plan de l’adaptation comme de la réduction.

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