Comment la circularité peut contribuer à la réduction des émissions au Canada

Les approches d’économie circulaire peuvent rendre notre monde à la fois plus sain et plus prospère.

Partout dans le monde, on s’intéresse de plus en plus à l’économie circulaire, selon laquelle « les produits sont fabriqués pour durer plus longtemps, les communautés partagent les ressources et économisent de l’argent, et les entreprises entretiennent, réutilisent, remettent en état et recyclent les matériaux pour créer plus de valeur pour vous et les générations futures ». Dans leur dernière soumission à l’Organisation des Nations Unies concernant la contribution déterminée au niveau national, 79 pays ont mentionné adopter des mesures de circularité, comme des plans d’action pour réduire les émissions et s’adapter aux répercussions climatiques.

Au Canada, l’adoption et l’application de principes d’économie circulaire en sont encore à leurs débuts. Toutefois, comme de plus en plus de pays tendent vers ce modèle, nous avons jugé bon d’examiner les façons dont la circularité pourrait aider le Canada à atteindre ses objectifs climatiques.

De nombreuses études révèlent que les initiatives climatiques actuelles ne suffisent pas à maintenir le réchauffement climatique en dessous de deux degrés Celsius ni à atteindre les cibles de carboneutralité. Selon le Circularity Gap Report de 2021, le travail et l’utilisation de la matière sont à l’origine de 70 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. La transition vers des sources d’énergie carboneutres ou le captage du carbone permettrait d’éliminer une partie de ces émissions, mais pas toutes.

En parallèle, le Circularity Gap Report de 2023 souligne que, dans les 50 dernières années, l’extraction de matière a plus que triplé. Donc, le problème de réduction des émissions liées à l’extraction de ressources, au traitement et aux cycles de vie des produits s’aggrave plutôt que se résorbe.

La Fondation Ellen MacArthur estime que l’adoption de mesures de circularité dans quatre grands secteurs (ciment, acier, plastique et aluminium) pourrait réduire les émissions de 40 % d’ici 2050. Pour le secteur agroalimentaire, elle soulève aussi la possibilité de réduire ces émissions de près de 50 % dans le même délai en optant pour des pratiques circulaires et régénératrices.

Comme le Canada est un pays riche en ressources, il commence tout juste à adopter et à appliquer des pratiques circulaires dans son économie. Or, on craint de plus en plus les effets sur l’air, l’eau, le territoire et le climat d’une économie « extraction-fabrication-déchet ».

Autre défi : pour favoriser la transition du Canada vers des systèmes d’énergie renouvelable, on a besoin de ressources comme les métaux et le ciment. Mais si on répond à cette demande en accentuant l’extraction de ressources, on risque d’engendrer plus d’émissions et de répercussions environnementales, sans nécessairement réussir à combler les lacunes majeures. En intégrant des principes de circularité aux plans de réponse à la demande, le Canada peut mieux se préparer à réduire les répercussions sur le climat tout en veillant à avoir les matériaux nécessaires.

Sans surprise, des pays comme le Japon, qui ne sont pas très riches en ressources naturelles, ont depuis longtemps adopté les principes de circularité. Celui-ci a d’ailleurs pris un engagement culturel à maximiser la valeur extraite des ressources, engagement qui peut servir d’exemple.

Comme l’ont démontré le Japon et d’autres pays, la circularité va bien au-delà de l’amélioration du recyclage ou du captage et de la réutilisation des déchets; elle requiert un changement bien plus radical des mentalités et des systèmes industriels, commerciaux et de consommation. Une approche de circularité véritable comporte plusieurs étapes : éliminer l’utilisation superflue de ciment ou d’acier dans les bâtiments, prolonger la vie des produits, passer à des modèles de servicisation, revoir la conception et réduire la contamination pour créer des matériaux et des produits plus faciles à recycler, et réduire la taille des maisons et des véhicules. C’est le genre de processus qu’il faudra mettre en place.

La mesure des répercussions climatiques de la circularité n’est pas encore à point. Cependant, plusieurs études d’universités et d’organisations non gouvernementales portent sur le potentiel de l’économie circulaire dans la réduction des émissions. Le Circularity Gap Report de 2022, par exemple, laisse croire qu’en adoptant ses propositions de stratégies de circularité, la demande en ressources pourrait baisser de 28 %, et les émissions de gaz à effet de serre, de 39 %.

Toutefois, une bonne partie du potentiel de réduction d’émissions reste hypothétique. En effet, même les pays avec de forts engagements envers la circularité, comme les Pays-Bas, la Finlande et l’Écosse, commencent tout juste à mettre en œuvre leur feuille de route. La Chine et le Japon ont certes fait de grandes avancées, mais leurs efforts ont débuté avant l’adoption de leurs stratégies actuelles.

La mesure des répercussions est encore en chantier. Plusieurs organismes internationaux travaillent à normaliser les approches de mesure et à créer un cadre statistique solide pour évaluer convenablement la réduction des émissions attribuable à la circularité. Un meilleur suivi de l’acheminement des matières, une entente de gestion des émissions basée sur la consommation plutôt que sur la production, et l’aptitude à compiler les comptes à l’échelle régionale et nationale sont toutes des tâches auxquelles les pays et les organismes internationaux continuent de s’évertuer.

Pour élaborer un ensemble de politiques et de mesures financières encourageant la circularité, il faudra aussi porter attention aux effets inverses et aux rebonds potentiels. L’adoption d’approches circulaires efficaces et économiques accentue la demande de produits et l’utilisation d’énergie, ce qui a pour effet fortuit d’augmenter les émissions.

On ne conteste guère le fait que l’économie mondiale doit devenir plus circulaire. On extrait dans le monde plus de 100 milliards de tonnes de ressources annuellement. Ce degré d’exploitation n’est pas viable. Pour atteindre ses cibles climatiques et les objectifs de développement durable, le Canada doit adopter des approches d’économie circulaire qui rendront notre monde plus sain et plus prospère.

Comment la circularité peut contribuer à la réduction des émissions au Canada dresse l’état des lieux de notre compréhension de la circularité et de son potentiel de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il ne fait aucun doute que le développement futur sera probablement rapide à mesure que les pays réaliseront le pouvoir de cette nouvelle vague d’action climatique.