Cet article a précédemment été publié dans le Vancouver Sun.
Ce printemps, alors que la fumée remplit à nouveau le ciel des villes canadiennes, un débat bien connu refait surface : qu’est-ce qui a causé les incendies?
Bien que le discours public préfère souvent se concentrer sur l’origine des feux incontrôlés, on devrait en fait s’intéresser plutôt à la façon dont les changements climatiques créent les conditions nécessaires pour exacerber leur ampleur, leur vitesse de propagation et le danger associé.
Sur les médias sociaux, des publications affirment que beaucoup de feux incontrôlés étaient « d’origine humaine ». Certaines suggèrent que la responsabilité revient à des incendiaires, ou encore que les changements climatiques n’ont rien à voir. Malheureusement, soit cette perspective est totalement erronée, soit elle minimise le risque beaucoup plus grave auquel le Canada est exposé.
La cause initiale d’un incendie – foudre, feux de camp, étincelles causées par l’équipement, lignes électriques ou, plus rarement, intervention humaine volontaire – n’est qu’une partie de l’équation : il faut aussi se questionner sur ce qui a mené à son expansion incontrôlée.
Ce qui détermine la propagation et l’intensité d’un feu, c’est l’état du paysage qu’il traverse. Les sécheresses prolongées, la chaleur intense, les vents forts et la sécheresse de la végétation exacerbent le potentiel de propagation et de destruction des feux incontrôlés. Sans combustible, une étincelle seule est inoffensive; dans une forêt desséchée, elle peut être catastrophique.
La recherche scientifique a établi un lien clair entre les changements climatiques et le risque de feux incontrôlés.
Le Canada connaît des saisons des feux de plus en plus longues et intenses en raison de la fonte hâtive des neiges, des sécheresses prolongées, de la chaleur extrême et de la sécheresse accrue de la végétation. Ces changements créent des conditions idéales pour une hausse de la fréquence et de la gravité des feux incontrôlés.
Des études d’attribution climatique ont établi un lien direct entre la gravité des récentes saisons des feux et les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. En 2023, le Canada a connu sa pire saison des feux jamais enregistrée, avec plus de 18 millions d’hectares brûlés, soit six fois la moyenne historique. Au début de juin 2025, de vastes superficies avaient déjà brûlé en Alberta, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba et aux Territoires du Nord-Ouest; si la tendance se maintient, il s’agira de la deuxième saison des feux la plus importante jamais enregistrée.
Bien que les faits soient clairs, un faux argumentaire refait surface chaque été, selon lequel les feux incontrôlés au Canada – de plus en plus dévastateurs – seraient causés par des personnes mal intentionnées, et non par les changements climatiques.
Au Canada, les organismes de lutte contre les feux incontrôlés utilisent le terme « d’origine humaine » pour décrire tout début d’incendie qui n’est pas déclenché par la foudre. Les sources d’étincelles comprennent les feux de camp, les véhicules hors route, l’équipement agricole, les trains, les lignes électriques… et les incendies volontaires (bien qu’il s’agisse d’une petite fraction des incidents). En général, les incendies d’origine humaine représentent environ la moitié de tous les incendies déclenchés chaque année. Ce qui a changé, c’est le paysage forestier qu’ils embrasent.
Par le passé, bon nombre de ces incendies se seraient éteints d’eux-mêmes ou auraient été rapidement maîtrisés. Aujourd’hui, les sécheresses prolongées, la chaleur record et les conditions météorologiques instables amplifiées par les changements climatiques signifient que même un incendie accidentel est plus susceptible de dégénérer en brasier incontrôlable.
De plus, bien que les incendies d’origine humaine dominent souvent le débat public, ce sont plutôt les incendies causés par la foudre qui sont responsables de la majeure partie de la superficie forestière brûlée au Canada, y compris 93 % de la superficie brûlée au cours de la saison record de 2023. Les changements climatiques font augmenter la fréquence des coups de foudre, tandis que les incendies d’origine humaine sont en baisse au Canada depuis 1980.
On ne peut pas empêcher les feux de végétation de s’allumer au Canada. Et avec les effets des changements climatiques, le risque ne pourra qu’augmenter dans les années à venir.
En investissant dans la prévention des feux incontrôlés, la modernisation de la gestion forestière, le renforcement des systèmes d’intervention d’urgence et la protection des communautés vulnérables, on peut réduire les dommages.
Mais surtout, nous devons cesser de jeter de l’huile sur le feu. Nous devons réduire les émissions pour ralentir le réchauffement qui exacerbe nos saisons des feux.
La mésinformation détourne l’attention des vraies solutions, retarde l’action et laisse le problème s’aggraver. Même les dirigeants internationaux se tiennent cois : à preuve, la Charte de Kananaskis sur les feux de forêt proposée lors du Sommet des dirigeants du G7 ne mentionnait pas du tout les changements climatiques.
Les incendies qui font rage partout au Canada sont un avertissement. Si nous nous concentrons uniquement sur l’étincelle et ignorons le carburant, la dévastation ne pourra que s’amplifier.