Gaz naturel renouvelable : l’erreur de calcul de la Colombie-Britannique

Le gaz naturel renouvelable est considéré comme une solution climatique incontournable, mais la Colombie-Britannique fait face à de sérieux problèmes de reddition de comptes et de comptabilisation des avantages des émissions des États-Unis.

Cet article a précédemment été publié dans le National Observer.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé récemment la fin de l’importation de biocarburants liquides américains, qu’il mélange à son essence et son diesel, dans le but d’encourager la production locale et de favoriser la sécurité et l’indépendance énergétique de la province. Ainsi, tout le biocarburant utilisé sur son territoire devra être canadien.

Toutefois, un autre problème de même ordre – ou pire encore – se pose pour Colombie-Britannique quant à sa dépendance des États-Unis pour les biocarburants gazeux.

Les consommateurs de gaz naturel en Colombie-Britannique connaissent peut-être déjà la section de leur facture expliquant la proportion de leur consommation attribuable au gaz naturel renouvelable, ou GNR. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que seule une toute petite partie de ce GNR est réellement produite ou consommée dans la province. Cette situation amène des problèmes de comptabilisation et de reddition de comptes qui minent la contribution potentielle du GNR aux objectifs climatiques de la Colombie-Britannique.

Fortis BC, le fournisseur en gaz, fait l’éloge du GNR (aussi connu sous le nom de biométhane) comme option de recharge moins émettrice que le gaz naturel. Le GNR provient de la capture de gaz émis par la décomposition de déchets organiques autrement relâché dans l’atmosphère. Récemment, l’autorité de réglementation du fournisseur d’électricité de la Colombie-Britannique a approuvé une politique qui réserve automatiquement une partie du gaz consommé par chaque client au GNR, et ce sont les clients qui absorbent les coûts supplémentaires. Cette proportion était d’abord de 1 %, puis est passée à 2 % le 1er janvier 2025. Les consommateurs peuvent aussi choisir une consommation de GNR allant jusqu’à 100 % moyennant des frais supplémentaires.

Mais les réserves provinciales en GNR sont limitées, malgré la faible proportion des réserves de Fortis qu’elles représentent. Dans les contrats de 2022 de Fortis BC, les entreprises de la province ne fournissaient que de 14 à 17 % de la demande totale en GNR, le reste provenant d’ailleurs. Plus des deux tiers du GNR que Fortis BC achète proviennent en réalité de contrats de crédits avec les États-Unis.

Le GNR n’est pas transporté par pipeline de l’Iowa ou de la Pennsylvanie vers les foyers britanno-colombiens : Fortis BC achète plutôt l’« attribut environnemental » du gaz. Ainsi, il peut apposer l’étiquette de GNR à une quantité équivalente de gaz britanno-colombien conventionnel, alors que le producteur américain vend du GNR à sa population sous le couvert de gaz conventionnel.

Du moins, c’est le but. Aucun mécanisme crédible n’évite la comptabilisation en double des mêmes avantages environnementaux aux États-Unis et en Colombie-Britannique. La British Columbia Utilities Commission (BCUC) – qui a approuvé l’approche de Fortis BC dans une décision rendue en 2022 – recommande la création d’un processus à cet effet, mais rien n’a encore été fait.

Pour ajouter au problème, le Canada ne peut s’approprier la réduction des émissions du GNR hors du pays et n’a pas le mérite des attributs environnementaux qu’achète Fortis BC. Selon les règlements de comptabilisation internationaux pour le climat, c’est aux États-Unis que sont attribuables les réductions de carbone du GNR qu’ils produisent et consomment.

En théorie, le Canada a tout de même quelques recours pour obtenir le mérite des réductions d’émissions aux États-Unis. Selon l’article 6 de l’Accord de Paris, un pays peut signer une entente qui transfère formellement l’appartenance de réductions d’émissions à un autre. Cette mesure évite la comptabilisation en double et précise les conditions de reddition de compte.

Or pour l’instant, il n’existe aucune entente du genre pour les crédits de GNR de Fortis BC, et il serait difficile d’en conclure une. En effet, les Américains pourraient possiblement refuser de donner leurs crédits de réduction d’émissions. De plus, comme le président américain Donald Trump a annoncé son intention de se retirer de l’Accord de Paris lors du premier jour de son entrée en fonction, il a fermé la porte à toute entente potentielle concernant l’article 6.

La Colombie-Britannique se retrouve donc avec des crédits de GNR que des Américains pourraient également réclamer et ne fait rien pour contribuer aux objectifs climatiques du Canada.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique devrait revoir ses politiques permettant aux services publics de comptabiliser les crédits de GNR à l’extérieur de la province. Si les consommateurs britanno-colombiens paient plus cher pour ces crédits, la BCUC doit instaurer des mesures qui font la distinction claire entre le biométhane produit en région et le gaz naturel jumelé à des crédits GNR achetés. Un processus crédible et indépendant se doit de vérifier que rien n’est compté en double; la Colombie-Britannique ne peut s’attribuer le mérite de réductions si elles sont également réclamées ailleurs.

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