Crédit d'image: PurpleImages. Bâtiment 'One Central Park', un complexe d'appartements avec un centre commercial appelé "Central" situé aux niveaux inférieurs.

La Banque verte de l’Australie

Le Canada peut tirer des leçons de la Banque verte de l’Australie et les appliquer pour la mise en œuvre de son nouveau Fonds de croissance et pour l’évolution de la Banque de l’infrastructure du Canada.

La Clean Energy Finance Corporation (CEFC) de l’Australie – communément appelée la Banque verte du pays – finance des activités qui contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle vise surtout à combler les lacunes d’investissement qui ralentissent le déploiement de l’énergie propre, tout en stimulant les investissements privés pour soutenir la croissance propre. Depuis sa fondation, il y a plus de dix ans, elle a accordé 10,8 milliards de dollars australiens (10 milliards de dollars canadiens) de financement dans toute l’économie de l’Australie, ciblant l’agriculture, la production et le stockage d’énergie, les infrastructures, la propriété, le transport et la gestion des déchets.

En 2012, le Parlement australien a adopté la loi Clean Energy Finance Corporation Act, s’engageant à verser 10 milliards en allocation initiale. Les premiers projets de financement ont débuté l’année suivante. La CEFC vise à générer du profit sur ses investissements, un modèle d’abord critiqué par certains détracteurs, qui voyaient mal comment on peut concilier sobriété en carbone et profitabilité. Dix ans plus tard, la Banque verte jouit de l’appui des deux côtés de l’échiquier politique, affiche un bilan financier positif et des réductions d’émissions observables, tout en faisant état d’un taux de financement privé de 242 %. Autrement dit, pour chaque dollar public investi, le secteur privé investit au moins 2,42 dollars.

La Banque verte australienne investit dans les entreprises et les projets qui développent, commercialisent ou utilisent l’énergie renouvelable, l’efficacité énergétique et les technologies sobres en carbone ou celles qui aident à améliorer les chaînes de valeurs connexes. En l’absence d’une définition claire des technologies sobres en carbone, le conseil de la Banque verte détermine au cas par cas les activités qui appartiennent à cette catégorie. Compte tenu des sensibilités politiques, la Clean Energy Finance Corporation Act défend à la CEFC d’investir dans l’énergie nucléaire et la captation et le stockage du CO2.

La CEFC ne fait pas de cadeaux, n’alloue pas de subventions. Elle accorde plutôt des prêts à des conditions libérales, parfois assortis de taux d’intérêt inférieurs à celui du marché, de longues échéances et de délais de grâce plus longs ou plus souples avant le paiement en capital et intérêts. La CEFC propose aussi un financement par actions, qui consiste en l’acquisition de parts de l’entreprise, souvent au moyen d’ententes avec des fonds connexes, y compris plusieurs fonds de croissance pour les infrastructures.

En tolérant un degré de risque plus élevé pour les projets et les entreprises sobres en carbone, la CEFC stimule l’investissement privé. En plus de se présenter comme un co-bailleur de fonds fiable, la Banque verte propose des outils comme des garanties de prêt et d’autres formes de rehaussement de crédit, qui donnent plus de certitude aux prêteurs privés concernant les remboursements et les profits. En général, la CEFC n’assume pas le financement d’un projet d’investissement dans l’énergie propre dans son entièreté; elle doit habituellement s’entourer de co-bailleurs de fonds ou de partenaires de financement par capitaux propres.

La CEFC prend ses décisions d’investissement indépendamment du gouvernement, même si un mandat mis à jour régulièrement lui donne une direction générale. Après un processus de sélection initial pour vérifier qu’un projet ou une entreprise contribue à l’atténuation des changements climatiques, un comité de direction émet des recommandations au conseil basées sur la rigueur commerciale et la possibilité d’obtenir un rendement du capital investi.

Dotation

La CEFC investit au nom du gouvernement australien et a gardé jusqu’à maintenant la même structure de prêt que pour sa dotation initiale de 10 milliards de dollars australiens et son rendement du capital investi. Plus précisément, elle disposait de 2 milliards par année de 2013 à 2017 conformément à la Clean Energy Finance Corporation Act. La loi prévoit que le gouvernement conserve une certaine mainmise sur la dotation, précisant que le ministre autorisé a le droit de demander un remboursement partiel ou total à l’État si le compte spécial de la CEFC affiche un excédent de 20 milliards.

Récemment, la CEFC a reçu une première injection de capitaux depuis 2017. Dans son budget fédéral d’octobre 2022, le gouvernement s’est engagé à allouer 8,6 milliards supplémentaires à la CEFC pour remplir les objectifs de sa politique énergétique nationale (Rewiring the Nation policy). Celle-ci vise à transporter l’énergie renouvelable dans tous les marchés énergétiques du pays, et le rôle de la CEFC est d’investir dans les projets prioritaires liés au réseau. L’expansion de la production d’électricité propre est considérée comme fondamentale à l’atteinte des cibles nationales de réduction d’émissions de 43 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030 et de carboneutralité d’ici le milieu du siècle.

Par ailleurs, en novembre 2022, le gouvernement s’est engagé à verser une somme de 500 millions de dollars à la CEFC réservée au fonds de technologies d’électrification de l’Australie (Powering Australia Technology Fund) pour soutenir la commercialisation de technologies novatrices, comme des capteurs écoénergétiques pour les villes intelligentes et des innovations dans les réseaux de panneaux solaires et dans le domaine des batteries. Cette bonification a été rendue possible grâce à une modification de la Clean Energy Finance Corporation Act dans le cadre d’un processus de modification d’un projet de loi du Trésor.

Supervision

La CEFC découle de la Clean Energy Finance Corporation Act (2012); c’est elle qui en dicte le but, les fonctions et les modalités de dotation en personnel. Son conseil indépendant reçoit quant à lui plutôt ses directives du mandat d’investissement du gouvernement australien (Australian Government Investment Mandate), mis à jour régulièrement. Responsable des décisions d’investissement finales, ce conseil se compose de sept membres nommés par le gouvernement pour un mandat renouvelable de cinq ans. Un directeur général voit à l’administration des activités quotidiennes de l’organisation.

Le mandat d’investissement émet les dernières directives sur l’allocation ciblée des investissements parmi les différentes catégories de technologies d’énergie propre, les attentes concernant les conditions privilégiées, les types d’instruments financiers dans lesquels la CEFC peut investir et la nature des cautionnements financiers octroyés.

La Clean Energy Finance Corporation Act comporte elle-même des exigences de transparence, comme la publication de rapports trimestriels sur les investissements réalisés faisant état de leur valeur, des échéanciers, de l’emplacement du projet et du taux de rendement prévu, ainsi qu’un rapport annuel sur tous les investissements et la valeur estimée des concessions fournies.

Plans et mécanismes financiers

Selon l’envergure de la demande et la nature du projet, le soutien financier de la Banque verte peut prendre diverses formes, notamment des investissements directs, des investissements dans des fonds spécialisés et le programme d’expertise en financement d’actifs.

Les investissements directs de la CEFC dans les projets et les fonds d’envergure avoisinent les 20 millions de dollars australiens, mais ils commencent à 5 millions et n’ont pas de plafond, et ils comptent environ 265 transactions jusqu’à présent. Les technologies qui entrent dans cette catégorie doivent être prêtes à la mise en marché, c’est-à-dire avoir franchi l’étape de recherche et développement et être dotées d’un plan de commercialisation clair, y compris un potentiel d’application sur les marchés intérieurs et étrangers.

Les instruments pertinents pour l’investissement direct dans les projets d’envergure comprennent un prêt flexible, un financement par actions ou une combinaison des deux, adaptés à chaque projet. Par exemple, la CEFC a investi 5 millions dans le projet d’énergie solaire et de batterie de 300 mégawattsde la centrale solaire Blind Creek. Une entente en coentreprise a été conclue entre la CEFC et Octopus Investments Australia, un des plus grands investisseurs dans l’énergie propre au monde.

Les petits projets ou les projets agricoles sont quant à eux financés au moyen de programmes de financement garanti par des actifs offerts par d’autres bailleurs de fonds, comme de grandes banques ou des prêteurs spécialisés. Les promoteurs de projet doivent faire appel directement à ces cofinanciers pour demander un financement. La CEFC leur accorde une somme allant de 10 000 dollars à 5 millions de dollars, mais les cobailleurs de fonds doivent eux aussi investir et administrer le financement du projet.

Ces transactions à petite échelle sont administrées par le programme d’expertise en financement d’actifs (Specialist Asset Finance Program) de la CEFC, conçu pour permettre à la banque d’élargir l’accès à son financement pour des dizaines de milliers de petits investisseurs sans avoir à intensifier ses activités ou à engager davantage de personnel. Les projets admissibles s’inscrivent dans divers secteurs, allant des panneaux solaires de toiture et du stockage par batterie à petite échelle, jusqu’à l’équipement agricole ou manufacturier écoénergétique, en passant par l’optimisation de l’isolation, du chauffage et de la climatisation des immeubles, et les véhicules zéro émission.

Compte tenu de la nature des technologies novatrices, la CEFC a instauré un fonds d’innovation en énergie propre (Clean Energy Innovation Fund) en 2015. Les technologies que vise ce financement n’ont pas à être prêtes à la commercialisation; elles peuvent recevoir un soutien financier adapté dès les premières phases de développement.

Ce financement est accordé au moyen de trois programmes d’accélération et d’incubation des technologies propres : Artesian, Tenacious Ventures et Startmate. Outre l’aspect financier, ces programmes proposent d’autres formes d’aide pour accompagner les entreprises en démarrage dans leurs premières années tumultueuses, et leur faire rencontrer des investisseurs locaux et étrangers dans les technologies propres.

Jusqu’à présent, une quatre-vingtaine d’entreprises de technologies propres ont reçu du financement par l’entremise du fonds d’innovation, représentant un investissement de 18,3 millions de dollars. Si cette somme comprend certains prêts, elle est surtout composée de participations en capital dans des projets et des entreprises de technologies propres, des investissements qui reconnaissent les caractéristiques uniques de ce domaine émergent et génèrent des profits à la fin du processus d’innovation. La société d’investissement dans les entreprises en démarrage Virescent Ventures administre le fonds d’innovation au nom de la CEFC en partenariat avec l’Agence australienne de l’énergie renouvelable (Australian Renewable Energy Agency [ARENA]).

Parmi les autres programmes de la CEFC, on peut mentionner les premiers prêts pour maisons écologiques, lancés en 2020 en partenariat avec Bank Australia et les premiers investissements dans le secteur de l’hydrogène en 2021. Les investissements prévus dans l’hydrogène se chiffrent actuellement à 23 millions sur trois transactions. De plus, l’investisseur est également un chef de file dans le marché émergent des obligations vertes, qui ouvrent les possibilités pour les investisseurs, les émetteurs et les promoteurs. Elle stimule également l’investissement privé en regroupant des prêts dans des portefeuilles, un type de titrisation qui permet de réduire le risque des investissements en les étendant sur une gamme de projets d’énergie propre.

Avantages

1. La Banque verte affiche un rendement du capital investi positif.

Dans sa première décennie, la CEFC a investi un total de 10,76 milliards de dollars de sa dotation initiale de 10 milliards. En juin 2022, la CEFC a déclaré avoir accès à 4,57 milliards en capital d’investissement, en plus de ses rendements constants. Ces chiffres montrent un rendement du capital investi substantiel jusqu’à maintenant, qui continuera vraisemblablement de croître si l’on se fie aux investissements actuels et futurs.

2. La Banque verte génère d’importantes réductions d’émissions.

En juin 2022, la CEFC estimait l’ensemble des réductions d’émissions générées par ses investissements à plus de 200 mégatonnes d’équivalent dioxyde de carbone. Ces investissements comptent plus de 3 milliards de dollars dans l’énergie renouvelable, notamment dans des projets qui produisent plus de 5 gigawatts d’énergie solaire et éolienne. De nouveaux investissements dans le secteur manufacturier pourraient bientôt bonifier le total des réductions d’émissions de 0,9 mégatonne par année.

3. La Banque verte a réussi à attirer les investissements privés.

Les banques vertes encouragent les investisseurs à financer des projets ou des technologies sobres en carbone parfois perçus comme risqués, souvent en assumant elles-mêmes une part de risque. La Banque verte australienne attire aussi des bailleurs de fonds dans des domaines émergents ou non éprouvés, en convainquant les investisseurs privés à suivre son exemple. Ces opérations « d’attraction » ont été fructueuses : ce sont plus de 37,15 milliards qui ont été investis dans des projets sobres en carbone à partir de la dotation initiale de 10 milliards, selon les estimations de la CEFC qui tiennent compte des investissements supplémentaires du secteur privé.

4. La Banque verte a su empêcher l’exclusion des investisseurs privés.

La CEFC a le mandat d’équilibrer ses objectifs de réductions d’émissions et de profitabilité, et se doit de ne pas empiéter sur le terrain du secteur privé. Elle indique que cet impératif l’oblige à se retirer lorsque le secteur privé est efficace et à favoriser les activités d’investissement où, en l’absence du secteur privé, elle vient combler des lacunes dans le marché. Concrètement, la CEFC analyse chaque transaction pour vérifier la pertinence d’une intervention. En résultat, la Banque verte sera moins active durant les périodes de prospérité, caractérisées par la certitude et l’abondance des investissements, et plus active durant les périodes d’instabilité.

Limites

1. La Banque verte est potentiellement vulnérable aux interférences politiques.

Bien que la CEFC soit indépendante, c’est le gouvernement au pouvoir qui nomme son conseil et définit un mandat d’investissement à suivre. Il peut ainsi donner des directives sur les types d’investissements que la CEFC doit privilégier, ainsi que restreindre les instruments financiers ou en modifier les modalités, ce qui insuffle une certaine dose d’incertitude réglementaire dans le secteur privé. Par exemple, le mandat d’investissement de 2020, déposé par le gouvernement de coalition Liberal-National, cherchait à limiter la contribution des fonds publics aux secteurs sobres en carbone. Il compte y arriver notamment en fixant une limite de 300 millions de dollars au degré de libéralité pour toute année financière et en orientant la CEFC principalement vers des conditions et des taux de marché plus intéressants sur le plan commercial. Parallèlement, le gouvernement a limité l’utilisation des cautionnements financiers, en soulignant que la CEFC devrait tâcher d’éviter leur utilisation, car « les cautionnements menacent l’équilibre de la situation financière du Commonwealth ». L’actuel gouvernement travailliste, dirigé par le premier ministre Anthony Albanese depuis l’élection de mai 2022, a renversé ces directives en plus de modifier la Clean Energy Finance Corporation Act elle-même pour y intégrer une mention particulière sur la réduction des émissions (s’ajoutant aux énoncés existants sur l’énergie propre).

2. La Banque verte ne mesure par les résultats de ses activités sur l’équité ou la justice climatique et n’a aucune cible en ce sens.

Les résolutions de la CEFC en matière d’équité et de justice sociale et environnementale sont minimes. Bien qu’il y ait une politique stricte de vérification des propositions d’investissements pour atténuer les répercussions négatives sur les peuples autochtones et les insulaires du détroit de Torres, par exemple, il y a peu d’efforts concrets pour favoriser les investissements qui génèrent des retombées positives pour ces groupes, malgré le plan d’action sur la réconciliation de la CEFC, qui fait la promesse de se pencher sur la question. Il s’agit d’une différence par rapport aux autres banques vertes ou aux fonds similairement structurés, qui mettent les considérations d’équité au cœur de leurs décisions de financement. Aux États-Unis, par exemple, la loi sur la réduction de l’inflation (U.S. Inflation Reduction Act) a institué un fonds fédéral de réduction des GES de 27 milliards de dollars américains pour aider à financer des projets écoresponsables et d’énergie propre qui contribuent à réduire les émissions de GES et a affecté plus de la moitié de ce montant, 15 milliards, à des projets dans les milieux défavorisés à faible revenu, dans le but de soutenir la justice climatique dans ces régions.

Le Canada dispose d’au moins deux initiatives fédérales dont beaucoup des fonctions font écho à celles de la CEFC de l’Australie : la Banque de l’infrastructure du Canada et le nouveau Fonds de croissance du Canada. En tant que société indépendante, la première fonctionne de manière semblable à la Banque verte australienne. Bien qu’elle n’ait pas précisément pour mandat d’accélérer la transition vers la sobriété en carbone, deux de ces cinq secteurs prioritaires sont liés aux changements climatiques – infrastructure verte et énergie propre – et elle a pour grand objectif de réduire la pollution climatique au cours de son mandat. Bon nombre des instruments financiers de la Banque de l’infrastructure du Canada sont semblables en structure à ceux de la CEFC, visant à attirer des capitaux privés, notamment au moyen de produits de prêt ciblant les participants du secteur privé. Parmi les dotations « vertes », on peut citer une somme de 2,5 milliards de dollars canadiens dans l’énergie propre, 2 milliards dans les grands projets de rénovations des bâtiments et 1,5 milliard pour accélérer l’adoption des autobus zéro émission et de l’infrastructure de recharge.

En plus de la Banque de l’infrastructure du Canada, le nouveau Fonds de croissance du Canada, fortement inspiré des principes de la Banque verte, prévoit dépenser 15 milliards sur trois ans. Annoncé dans le budget d’avril 2022, le Fonds fera des investissements à des conditions libérales pour favoriser la croissance propre. Il est conçu pour assumer les risques d’investissement afin d’attirer les capitaux privés et pour accepter un rendement moindre et un risque plus élevé que les banques et institutions financières courantes.

Trois importantes leçons à tirer des 10 ans d’existence de la Banque verte australienne peuvent aider la Banque de l’infrastructure du Canada et le Fonds de croissance du Canada à définir et à améliorer leurs principes et leurs approches :

1. Définir un mandat et des principes généraux et les suivre.

Pour que les banques vertes et les fonds verts soient efficaces, les investissements doivent être motivés par une mission et poursuivre un objectif précis au-delà du rendement financier et des principes clairs. Toutefois, la nature généraliste du mandat de la Banque de l’infrastructure du Canada fait en sorte qu’il est parfois difficile de dire si les projets sobres en carbone sont privilégiés ou non par rapport aux autres entreprises, et si la myriade de projets forme un tout cohérent dans la poursuite d’objectifs communs.

Par ailleurs, toutes les décisions du Fonds de croissance du Canada doivent découler de son principe général d’aider le Canada à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, tout en poursuivant des objectifs de réconciliation et de justice climatique. Pour ce faire, il compte déployer des technologies bien établies comme les technologies d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique, mais aussi soutenir les innovations au moyen d’initiatives ciblées – comme l’Australie l’a fait avec son fonds d’innovation en énergie propre. Il sera également important d’élaborer une stratégie pour guider la sélection des projets prioritaires, en modélisant par exemple des scénarios de transition viable vers la sobriété en carbone et en cernant des secteurs d’avantages comparatifs dans les marchés mondiaux.

Le Fonds de croissance du Canada doit aussi veiller à ne pas exclure les investissements privés, et en faire un élément fondamental de son mandat. À cet égard, des leçons peuvent également être tirées du retrait de la banque d’investissement vert du Royaume-Uni en 2017, après seulement cinq ans d’activité, que plusieurs s’expliquent par un manque de considération de cet élément dans son mandat. En effet, certains reprochaient à la banque de continuer à faire des affaires dans des secteurs après leur maturation, entrant en concurrence directe avec les investisseurs privés.

Finalement, ces principes d’investissement devraient être assortis de paramètres ou d’indicateurs de rendement clés pour suivre les résultats au fil du temps et produire des rapports. Les rapports trimestriels et les sommaires annuels de l’Australie présentent des données liées au financement, mais aussi des indicateurs clés sur les réductions d’émissions, les ajouts d’énergie renouvelable, le financement concessionnel et la proportion d’investissements privés suscités.

2. Identifier et cibler les partenaires privés les plus stratégiques.

Certains des grands investisseurs institutionnels du Canada choisissent de plus en plus d’investir dans des projets à l’international. Les huit plus grands fonds de pension du pays, par exemple, gèrent collectivement plus de 2 billions de dollars canadiens en actifs, qui sont en grande partie investis à l’étranger. Le Canada devrait veiller à ce que la Banque de l’infrastructure du Canada et le Fonds de croissance du Canada ciblent des modalités de cofinancement avec ce type d’organisations clés, compte tenu de l’immense capacité financière que pourraient conférer de tels partenariats.

Une grande part des objectifs du personnel de la CEFC consiste à établir et à entretenir des relations stratégiques, notamment en s’associant à des partenaires privés stratégiques pour financer des projets à petite échelle et en travaillant avec les banques et les co-bailleurs de fonds pour procurer un financement à prix réduit. Le Canada peut apprendre de cette expérience, et au lieu de tenter d’atteindre directement les promoteurs de projets à petite échelle, il pourrait se tourner vers les réseaux bien établis de banques et de prêteurs spécialisés partenaires. Cette approche éviterait bien des coûts administratifs et transactionnels, et permettrait probablement une utilisation plus judicieuse des fonds publics. À cet égard, il sera important de renforcer les partenariats avec les programmes de soutien aux utilisateurs, par exemple en veillant à ce que les banques participantes disposent de canaux de financement garanti par des actifs visant à aider les consommateurs sur les questions d’admissibilité et de demandes de prêt.

3. Acquérir en priorité le savoir institutionnel et l’expertise pertinente.

Le savoir institutionnel et le capital humain sont essentiels à la réussite des banques vertes et des fonds d’investissement verts. Il est primordial de recruter du personnel qui a des connaissances techniques aussi bien sur le financement que sur la transition vers la sobriété en carbone. Il s’agit d’un point particulièrement déterminant pour l’évaluation de la viabilité et des retombées politiques des projets, notamment dans la définition des sources de revenus finales des technologies et de l’énergie sobres en carbone, ainsi que des leviers stratégiques qui contribuent déjà à attirer les investissements dans ces domaines, comme la tarification du carbone. Bien qu’il soit possible de recourir à des conseillers pour certaines tâches importantes, le personnel devrait être au moins efficace dans les communications publiques et le développement de partenariats. Petite organisation à vaste portée, la CEFC dépend souvent des compétences et aptitudes techniques de ses partenaires, faisant de ces qualités des critères importants dans la sélection des co-bailleurs de fonds ou des projets admissibles.

La CEFC de l’Australie détient dix ans d’expérience en investissement dans les projets, entreprises et technologies sobres en carbone. Elle a étendu son champ d’action, qui varie de la production d’énergie renouvelable aux innovations sobres en carbone, et plus récemment aux infrastructures d’électrification comme les réseaux intelligents. Toutes ces solutions aux changements climatiques demandent du financement, que la CEFC est prête à offrir à des taux plus avantageux et flexibles que ceux des investisseurs privés. La CEFC a appris à faire attention de ne pas décourager les investissements privés, en évitant toute transaction dans les secteurs déjà occupés par le privé. À la place, elle vise à accélérer ses activités dans les périodes d’incertitude, acceptant de prendre des risques liés à la transition vers l’énergie propre. Elle a acquis ainsi la capacité éprouvée à financer des projets qui se traduisent par des réductions d’émissions de GES mesurables, des sommes considérables de financement privé et un rendement du capital investi positif. Le Canada peut s’inspirer de cet exemple et appliquer les leçons tirées à la mise en œuvre de son nouveau Fonds de croissance et à l’évolution de la Banque de l’infrastructure du Canada. Les principaux enseignements applicables au contexte canadien portent notamment sur l’adoption et le respect de principes d’investissement, l’établissement de relations avec des partenaires privés stratégiques et la mise en valeur des connaissances et de la transparence, qui permettront de faire progresser le contexte d’investissement de l’économie propre.