Projet Longship : captation et stockage du CO2 sous la mer du Nord en Norvège

L’exemple de Longship montre comment le Canada pourrait optimiser ses avantages comparatifs dans ses investissements liés au climat et au captage du carbone.

Introduction

Le projet Longship prendra la forme d’un réseau de projets de captation et de stockage de CO2. L’un des pionniers européens pour la décarbonisation à échelle industrielle, il vise ainsi à faciliter la réduction des émissions des industries lourdes, secteur où le remplacement de combustible et l’électrification sont impossibles. Ce mégaprojet reçoit un grand soutien technique, opérationnel et financier du secteur public norvégien; le gouvernement couvrira environ les deux tiers des coûts totaux de la première phase, qui dépasseront les 3,5 milliards de dollars canadiens.

Le réseau Longship combinera initialement dans une installation de stockage sous la mer du Nord deux sous-projets de captation de carbone dans une cimenterie et une usine de valorisation énergétique des déchets. Forts d’une expérience considérable en stockage de CO2 dans des réservoirs de gaz vides, l’entreprise pétrogazière publique de la Norvège, Equinor, et les deux géants pétroliers Shell et Total apporteront une contribution précieuse au volet Northern Lights du projet – l’infrastructure de transport et de stockage –, dont la construction a commencé en 2021. La première phase devrait se terminer d’ici la mi-2024, avec une capacité de stockage initiale de 1,5 Mt par an sur 25 ans. La phase deux devrait faire passer cette capacité à 5 à 7 Mt par an d’ici 2026.

Le premier de ces deux sous-projets vise la captation du carbone dans une cimenterie de Brevik appartenant à Norcem-Heidelberg, une filiale de l’entreprise allemande HeidelbergCement. Il vise à utiliser la chaleur excédentaire pour capter 400 000 t de CO2 par an, soit le tiers des émissions liées à la production annuelle de 1,2 Mt de ciment. Le deuxième opère dans la capitale, à Oslo, dans une usine de valorisation énergétique des déchets appelée Hafslund Oslo Celsio (anciennement Fortum Oslo Varme). Ses objectifs sont semblables : capter 400 000 t de CO2 chaque année à même le processus d’incinération des déchets. Il a fait l’objet d’une demande de financement supplémentaire au Fonds pour l’innovation de l’Union européenne, qui a été rejetée. Le gouvernement norvégien a dû intervenir pour pallier l’insuffisance de l’investissement.

Le CO2 des deux usines sera transporté par bateau jusqu’au terminal de réception de Northern Lights, dans la municipalité d’Øygarden. Il sera ensuite acheminé par pipelines jusqu’au puits d’injection, où il sera stocké sous le plancher océanique. L’idée est d’éventuellement commercialiser cette portion du projet (l’infrastructure de transport et de stockage) en offrant des services de transport et de stockage payants aux sociétés émettrices.

Figure 1: Le projet Longship comprend une chaîne complète de sous-projets de captation du carbone, qui relient le carbone capté aux installations de stockage

Le carbone capté des usines d'Oslo et Brevik est transporté par bateau jusqu'au terminal de réception de Northern Lights à la municipalité d'Øygarden, puis par pipelines jusqu'au puit d'injection où il est stocké sous le plancher océanique.
Source : Leçons sur les règlements tirées de Longship (Regulatory Lessons Learned from Longship).

Le projet Longship est un exemple de mesure concrète ciblée pour réduire les émissions à grande échelle. La conception, la construction, la mise en œuvre et le marketing sont une œuvre collaborative du gouvernement et de ses partenaires du secteur privé. Par ailleurs, bien que l’État subventionne la part du lion de la première phase, il maintient que la phase deux et toute expansion ultérieure devront être financées au privé. Le consortium des partenaires présente déjà Northern Lights comme une initiative commercialement viable ayant l’ambition d’offrir des services de stockage de carbone pour les sites industriels de partout en Europe.

Description de la politique

La Norvège mise depuis longtemps sur l’étatisation dans les secteurs stratégiques, un modèle économique qui l’a propulsée au palmarès des 10 pays les plus riches du monde. Elle est aussi connue pour ses bonnes politiques de redistribution de la richesse – y compris entre les générations –, ce qu’elle doit à son fonds souverain qui administre les revenus pétroliers de l’État. Pour concilier cette dépendance aux abondantes ressources en combustibles fossiles et ses grandes ambitions climatiques (réduction des émissions d’au moins 50 % sous le niveau de 1990 d’ici 2030), le pays montre depuis une vingtaine d’années un intérêt marqué pour la captation et le stockage du CO2. La Norvège se lance aujourd’hui, armée de son expertise, de son accès à la mer du Nord et de la conviction que le marché de la captation et du stockage prendra de l’ampleur à mesure que s’accéléreront la tarification du carbone et les autres politiques climatiques régionales.

Le gouvernement a présenté le projet en septembre 2020, dans un livre blanc où il s’engageait à fournir 16,8 milliards de couronnes norvégiennes (2,32 milliards de dollars canadiens) sur les 25,1 milliards (3,47 milliards) du budget projeté. Le Parlement a approuvé la proposition à la fin de l’année, prévoyant une répartition du financement de 2021 à 2034 pour couvrir les coûts d’immobilisation et d’exploitation. Le gouvernement norvégien n’avait jamais investi autant d’argent dans un même projet climatique, et son appui n’est pas que financier : il travaille aussi à lever divers obstacles potentiels, comme des défis réglementaires.

Fondée en 2005 pour avancer la recherche et le développement en captation et en stockage du CO2, l’entreprise publique Gassnova agit aujourd’hui comme conseillère technique du gouvernement pour le projet Longship. Elle se charge de l’étude de préfaisabilité, des activités de planification générale et de la gestion des contrats avec les partenaires du secteur. Elle s’occupe aussi de la communication des résultats et fait des retours sur les leçons apprises des processus réglementaire et développemental pour faciliter les démonstrations. Plusieurs autres organismes publics norvégiens jouent un rôle actif dans le projet, dont des agences et des directions étatiques qui assument des fonctions réglementaires, et des municipalités et des gouverneurs de comtés. Le gouvernement est aussi l’intégrateur du projet, responsable de coordonner les différents partenaires publics et privés.

Même si, à la première phase, l’infrastructure de Northern Lights ne sera reliée qu’à deux installations norvégiennes de captation de carbone, on prévoit une expansion du réseau dans les années suivantes. La deuxième phase consistera en la commercialisation de l’infrastructure; les entreprises émettrices de partout en Europe pourront débourser des frais de service pour le transport et le stockage de leur CO2. Les sites industriels qui choisiront de capter ce gaz pourront l’acheminer sous forme liquéfiée, par pipeline ou autre, jusqu’à des bateaux à destination du plateau continental norvégien, où il sera ensuite injecté dans l’un des sites de stockage permanent situés à 2 600 m sous le plancher océanique. Northern Lights a recensé plus de 90 sites de captation potentiels, et des usines industrielles de secteurs divers (acier, biomasse, hydrogène) dans huit pays ont déjà signifié leur intérêt.

La Norvège voit le projet comme une façon de dynamiser le marché européen de la captation et du stockage du CO2. Bien que le gouvernement ne financera pas la commercialisation du projet, il continuera d’assurer les relations bilatérales; une entente intergouvernementale préalable sera donc nécessaire à la négociation d’une entente de stockage avec Northern Lights. Le ministère du Pétrole et de l’Énergie est d’ailleurs déjà en pourparlers avec plusieurs gouvernements et a signé des protocoles d’entente avec la Belgique et les Pays-Bas, permettant à la première entente commerciale transfrontalière de voir le jour. Conclue en septembre 2022, cette dernière prévoit le transport et le stockage d’un maximum de 800 000 t de CO2 par an d’ici 2025 de Yara Sluiskil, un fabricant néerlandais d’ammoniaque et d’engrais, assuré par Northern Lights.

Parallèlement à la conception et la subvention d’une grande partie du projet, le gouvernement norvégien œuvre à stimuler la demande de captation du carbone à long terme. À cette fin, il a prévu une tarification du carbone croissante pour les produits d’énergie fossile (pétrole, diesel, gaz naturel). Fixée à 590 couronnes norvégiennes (81 dollars canadiens) par tonne en 2021, celle-ci atteindra 2 000 couronnes (275 dollars) par tonne en 2030. Cette tarification s’applique à la fois dans les secteurs couverts par le Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne et dans les autres, les entreprises des premiers devant couvrir la différence avec les seuils nationaux.

Si cette tarification du carbone incitera les secteurs du pays à capter leurs émissions, on ne peut en dire autant de la tarification appliquée ailleurs dans l’Union européenne. La capacité ciblée pour Northern Lights – 5 à 7 Mt par an d’ici 2026 – n’équivaut qu’à une fraction de la capacité totale nécessaire pour décarboniser l’Europe : selon une étude du University College London Energy Institute, il faudrait stocker 230 à 430 Mt de CO2 par année d’ici 2030 et 930 à 1 200 Mt d’ici 2050 pour éviter que le réchauffement dépasse la barre du 1,5 °C. C’est ce qui explique la popularité croissante des politiques subventionnaires auprès de la Commission européenne, qui a approuvé un appui étatique supplémentaire pour les activités de captation du carbone et finance ses propres projets de captation et de stockage par l’intermédiaire du Fonds pour l’innovation.

Avantages et limites de la politique

Premier projet de captation et de stockage du CO2 à grande échelle dans la région, Longship se trouve à remplir un rôle de démonstration; il prouvera le fonctionnement, l’efficacité et le potentiel de modulation de cette technologie comme solution climatique pour en légitimer le financement gouvernemental. Ce genre d’investissement public dans les technologies propres favorise les innovations profitables pour l’État, notamment par le développement des connaissances et compétences connexes (la « diffusion des connaissances »). L’avantage d’être le premier acteur européen à offrir l’importation transfrontalière de carbone à des fins de stockage a aussi permis au projet d’établir des partenariats en amont et de se forger une bonne réputation sur le marché. Les leçons tirées pourraient également réduire les coûts ou éliminer d’autres barrières pour les prochains promoteurs.

Bon nombre des réussites soulignées jusqu’ici se rapportent aux obstacles financiers et non financiers surmontés pour lancer le projet Longship. Outre les lourds coûts d’immobilisation initiaux, le gouvernement a éliminé des freins au développement de la captation du carbone au privé, notamment en réduisant les formalités administratives régionales. Ainsi, il a ouvert la voie à de nouveaux modèles de partenariats public-privé et à un processus réglementaire plus efficace.

Avantages

  1. Le projet est un investissement stratégique ciblé aux résultats mesurables.

Contrairement aux politiques publiques très larges, comme les mesures d’allégement fiscal et les remises sur les coûts d’énergie, Longship offre un investissement public ciblé avec un potentiel de profit et des résultats mesurables, notamment la promotion de la captation pour décarboniser la région et l’exploitation de l’intérêt régional pour le stockage du CO2. En tant que projet public, il a aussi pu surmonter des enjeux du marché qui l’auraient fait avorter au privé, comme des coûts d’immobilisation initiaux importants, une tarification du carbone insuffisante et des risques technologiques. Longship se concentre sur un type et un volume donnés pour l’atténuation des changements climatiques (1,5 Mt de CO2 capté chaque année) et favorise l’innovation en matière de technologies propres. De plus, le choix des technologies à financer est fondé sur la science; la captation du carbone fait partie des mesures de tous les scénarios mondialement reconnus pour garder le réchauffement climatique sous la barre des 1,5 à 2 °C.

  1. Le gouvernement contribue au financement, à la conception et à la gestion du projet sur toute la chaîne de captation et de stockage du CO2.

Étant donné que la captation du carbone est inutile sans option de stockage fiable, le projet a été conçu pour développer simultanément l’ensemble de la chaîne de captation et de stockage. Chaque volet de l’initiative est considéré comme un sous-projet distinct, et le gouvernement établit des ententes indépendantes avec les différents acteurs, ce qui protège ses partenaires privés des risques d’interférence entre les sous-projets. Bien que ces risques demeurent pour l’État, cette façon de procéder protège les partenaires des maillons faibles ailleurs dans la chaîne. Par exemple, si l’un des projets de captation devait échouer, Northern Lights pourrait trouver d’autres fournisseurs de CO2, et si c’était Northern Lights qui échouait, les projets de captation pourraient probablement trouver une autre solution de stockage sans perte catastrophique.

  1. Le projet s’attaque à une barrière précise au développement de la captation et du stockage de CO2 comme solution climatique : la disponibilité des infrastructures.

Parmi les obstacles aux projets de captation du carbone en Europe, on note une incertitude quant aux coûts de transport et aux options de stockage à long terme. Le projet Longship vise à mettre fin à ce cycle où, comme l’œuf et la poule, les sociétés émettrices attendent une solution de stockage pour investir dans la captation, et les entreprises attendent des projets de captation pour investir dans un site de stockage. Il assurera aux sociétés émettrices une option de transport et de stockage fiable pour les motiver à se lancer dans la captation du carbone. Plusieurs acteurs de l’Europe du Nord ont déjà témoigné un intérêt marqué.

  1. Le projet reconnaît le caractère mondial de la lutte contre les changements climatiques, proposant une solution aux pays avoisinants et tirant parti d’un marché émergent.

En 2021, il y avait plus de 50 projets de captation du carbone annoncés en Europe, totalisant un potentiel d’atténuation annuelle de 80 Mt de CO2. Bon nombre de ces projets envisagent de recourir aux services de stockage de Northern Lights, notamment parce que le site sera prêt plusieurs années avant les autres en construction sur le continent, dont celui du projet Porthos au port de Rotterdam. Ainsi, si toutes les ententes se concrétisent, la capacité de stockage initiale de Northern Lights sera déjà dépassée. Longship ouvre aussi la porte à l’hydrogène bleu, produit par combustion de gaz naturel avec captation du carbone. Par exemple, Equinor produit déjà de l’hydrogène bleu à Hull, en Angleterre, dans le cadre du projet de captation et de stockage Zero Carbon Humber. Northern Lights sera une option de stockage viable pour de telles initiatives. Néanmoins, la concurrence augmente dans la région; le Royaume-Uni investit actuellement 1 milliard de livres (1,66 milliard de dollars canadiens) dans un fonds d’infrastructure de captation qui sera utilisé pour deux projets de regroupement et d’établissement de pôles dès 2025.

  1. Le projet aide à éliminer les obstacles réglementaires.

Le caractère incomplet des cadres réglementaires ressort comme obstacle aux projets de captation du carbone partout dans le monde. La coopération étroite du gouvernement fédéral a permis à Longship de traverser le processus réglementaire en priorité, et l’agilité dont l’État a fait preuve en adaptant le système pour favoriser la réussite du projet est rassurante pour la prochaine vague de projets de captation. Les retours de Gassnova sur les leçons apprises du processus réglementaire ont aussi aidé à démystifier les étapes et à faire la lumière sur les écueils potentiels du contexte norvégien. L’une des principales leçons à retenir est l’importance de collaborer avec les autorités locales tôt dans le processus, compte tenu de la complexité et de l’ampleur des projets de captation et de stockage du CO2. L’expérience a aussi mis de l’avant et dénoué certaines impasses en lien avec les permis de zonage, le consentement pour les pipelines et les autorisations de transport des quais aux sites extracôtiers. Axé sur l’amélioration continue, le projet Longship a déjà mené à la création d’un nouveau système de permis pour le stockage du CO2, et à la précision des exigences redditionnelles en matière de captation pour faciliter la reddition de comptes sur les changements climatiques à l’international.

Limites

  1. Le projet utilise des fonds publics limités pour subventionner une technologie qui ne fait pas l’unanimité chez les contribuables.

Longship a été critiqué par certaines parties qui considèrent le financement public du projet comme une forme de subvention des combustibles fossiles, car ils craignent que les infrastructures de transport et de stockage servent d’outils commerciaux au consortium pétrogazier. Les détracteurs soulignent que le secteur a récemment enregistré des profits records et ne devrait donc pas être subventionné par des fonds publics limités. Ils estiment qu’il vaudrait mieux instaurer des règlements ou une tarification du carbone pour inciter les entreprises à capter leurs émissions. Certains remettent aussi en question l’efficacité de la captation dans la course vers la carboneutralité, soutenant que les émissions devraient plutôt être réduites à la source. Enfin, même si le gouvernement continue d’affirmer que la captation du carbone est « absolument nécessaire » à l’atteinte des objectifs climatiques, il admet aussi qu’il n’y a « aucune garantie » que le projet soit une réussite sur ce plan.

  1. Les résultats ultimes dépendront des politiques climatiques nationales et internationales.

Puisque la tarification du carbone est actuellement insuffisante pour encourager la captation en Europe, un financement public supplémentaire est nécessaire. Le succès commercial du projet Longship dépendra de la rigueur des règlements et des programmes de subventions dans les autres pays. En effet, pour que le marché décolle, la tarification du carbone et le soutien gouvernemental devront tous deux se poursuivre et s’accélérer. La tendance est toutefois prometteuse, car quatre des sept grands projets financés par le Fonds pour l’innovation de l’Union européenne en 2021 s’intéressent aux services de stockage du CO2 de Northern Lights, et sept des dix-sept projets bénéficiaires du concours 2022 comprennent un volet de captation du carbone. De plus, le troisième concours disposera d’une enveloppe considérablement majorée, la Commission européenne ayant prévu d’investir 3 milliards d’euros (4,3 milliards de dollars canadiens) dans des projets de technologies propres.

Leçons pour le Canada

Le secteur pétrogazier du Canada est un précurseur de la captation du carbone; plus de 3 Mt de CO2 sont déjà captées chaque année par le projet Quest de Shell, l’Alberta Carbon Trunk Line et le projet de la centrale Boundary Dam de SaskPower. Le Plan de réduction des émissions du gouvernement canadien vise la captation d’au moins 15 Mt de plus par an d’ici 2030, prévoyant à cet effet un généreux crédit d’impôt à l’investissement dès l’année d’imposition 2022. Quoi qu’il en soit, les leçons à tirer du projet Longship vont bien au-delà de la captation et du stockage du carbone, plusieurs d’entre elles s’appliquant à tout grand projet directement financé par le gouvernement.

  1. Choisir les projets les plus rentables pour aller chercher l’appui du public.

Les projets publics les plus rentables font tous appel aux investissements privés. Par exemple, en Norvège, le secteur privé couvrira le tiers des coûts initiaux du projet, puis assumera les coûts d’exploitation et d’expansion après la première phase. La Norvège a aussi jumelé son investissement dans la captation à une promesse d’augmentation rapide de la tarification du carbone. Cette stratégie aidera à faire diminuer le soutien à la captation nécessaire pour la suite des choses, venant ainsi rentabiliser l’investissement initial en stimulant la demande de stockage du CO2. Le gouvernement voit aussi des avantages économiques à long terme dans le potentiel de création d’emploi du projet Longship et le capital étranger généré par le service de stockage transfrontalier.

  1. Lever tous les freins au développement de projets, et non seulement les obstacles financiers.

L’expérience de Longship démontre que les obstacles non financiers sont tout aussi importants que les obstacles financiers. Même si le consortium des grands pétroliers de Northern Lights possédait déjà le capital pour lancer des projets de captation du carbone, il estime essentiel son partenariat avec le gouvernement norvégien, qui facilite la navigation dans le processus réglementaire. Dès lors, si le gouvernement canadien espère favoriser l’adoption de cette technologie, il lui faudra œuvrer à abattre les barrières non financières au développement de projets, notamment en ce qui a trait aux infrastructures comme les réseaux de transport du CO2.

  1. Tirer parti des avantages comparatifs du Canada et du bassin existant de talents, de compétences et d’expérience.

Si l’on dit souvent que Longship est un projet modèle, il n’en demeure pas moins bâti sur plus de 20 ans d’expérience en captation et en stockage du carbone. En effet, c’est depuis 1996 que la Norvège capte du CO2 pour le stocker sous le plancher océanique continental dans des réservoirs de gaz extracôtiers vides, si bien que son expertise technique et son savoir-faire sectoriel répondaient déjà à plusieurs des conditions de réussite. Le Canada dispose lui aussi d’une bonne base d’expérience et d’expertise en captation du carbone, mais peut en plus se targuer d’avantages majeurs sur d’autres plans, dont une abondance d’hydroélectricité propre, un accès privilégié au marché américain et une profusion de ressources naturelles telles des minéraux critiques. Ces avantages naturels devront être pris en compte dans tout projet à grande échelle financé par l’État.

  1. Faciliter la captation pour toutes les industries lourdes du Canada, pas juste le secteur pétrogazier.

La cimenterie et l’usine de valorisation énergétique des déchets intérieures de la première phase du projet n’ont actuellement d’autre option viable que la captation et le stockage pour survivre à la décarbonisation de l’économie. Or, les services de Northern Lights, visant le marché européen, seront offerts à toutes sortes de clients. Ainsi, malgré le fait que le projet s’appuie sur les forces et l’expertise du secteur pétrogazier, il aura des répercussions dans bien d’autres secteurs du pays et de la région. Cependant, puisque le pétrole et le gaz continuent d’être une importante source d’émissions au pays – soit environ le quart des gaz à effet de serre relâchés –, la Norvège travaille à établir une stratégie pour réduire la pollution du secteur. Cette stratégie comprendra la mise hors service de certains champs pétrolifères, des initiatives de captation et de stockage du CO2 et l’électrification des opérations lorsque possible.

Conclusion

Longship est un exemple de projet climatique recevant un soutien gouvernemental holistique et adapté à grande échelle dans un contexte de collaboration directe avec des partenaires privés. Ce partenariat public-privé est mis à profit dans la conception, la construction, la mise en œuvre et le marketing. La participation du gouvernement est considérée comme un investissement stratégique pour tirer parti des compétences et des avantages acquis sur plus de deux décennies de captation et de stockage du CO2. Ce projet repose sur le pari que le marché de la captation du carbone prendra de l’expansion avec l’augmentation graduelle de la tarification du carbone au pays et dans la région, et que l’Union européenne offrira de plus en plus de financement à ses États membres pour des projets de captation et de stockage.

L’expérience de la Norvège nous indique que le Canada devra miser sur ses avantages comparatifs dans ses investissements stratégiques dans la lutte contre les changements climatiques et la captation du carbone. Ses subventions devront aussi tenir compte des règlements et politiques de tarification du carbone en vigueur, qui incitent déjà les émetteurs à investir dans les technologies propres; il ne faudrait pas décourager les investissements privés. Au bout du compte, ce sont la portée et l’ampleur des politiques climatiques complémentaires qui orienteront les marchés pour donner le ton à la transition canadienne et mondiale vers l’énergie propre.