Que du vent: les crédits d’énergie propre proposés en Ontario, un incitatif inadéquat

La province ne devrait pas compter en double les crédits d’énergie propre de son réseau de plus en plus sale – le système proposé n’est rien de plus qu’un exemple d’écoblanchiment.

Texte publié à l’origine dans le Toronto Star.

Les entreprises et les investisseurs de l’Ontario sont avides d’électricité propre. C’est pourquoi le ministère de l’Énergie a demandé à la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité de la province, en 2022, d’évaluer les options pour établir un registre qui sous-tendrait un système de crédits d’énergie propre.

Malheureusement, le système proposé relève essentiellement de l’écoblanchiment, faisant paraître les entreprises plus écoresponsables qu’elles ne le sont réellement.

Le problème des crédits d’énergie propre de l’Ontario

Les crédits d’énergie propres sont des certificats qui représentent chacun un mégawattheure d’énergie propre. Grâce à ses installations hydroélectriques et nucléaires, l’Ontario affiche une production d’électricité à 92 % sans émissions. Dans un tel réseau provincial largement non émetteur, on veut permettre aux entreprises d’acheter des crédits pour revendiquer cette production propre; les entreprises qui s’en procureraient déclareraient des émissions de gaz à effet de serre de portée 2 inférieures (émissions indirectes de la production de l’énergie achetée) et généreraient des revenus qui aideraient à réduire les tarifs pour tous (objectif annoncé du gouvernement).

Mais il y a un problème : le système proposé crée deux façons contradictoires pour les entreprises de mesurer leurs émissions. Les entreprises qui participent au programme et achètent des crédits pour leur consommation d’électricité peuvent revendiquer une consommation 100 % propre, tandis que les autres continuent de mesurer normalement leurs émissions de portée 2, en utilisant l’intensité carbonique moyenne du réseau. Ainsi, la production propre du réseau est revendiquée à la fois par les entreprises participantes (qui revendiquent une consommation 100 % propre) et par les autres (qui revendiquent une consommation aussi propre que la moyenne). La même énergie propre est comptée deux fois.

Cette façon de procéder est trompeuse et illégitime. Pour rectifier le tir, il faudrait que les entreprises qui ne participent pas calculent la propreté de leur consommation électrique en fonction d’une moyenne de la propreté du réseau qui exclut la production d’énergie propre déjà vendue en crédits. Or, un tel changement dans le calcul des émissions des entreprises requerrait un encadrement législatif et transformerait le programme optionnel en programme obligatoire.

Construire sur des fondations bancales

Le système proposé viendrait par ailleurs officialiser un autre système en vigueur tout aussi douteux. En effet, Ontario Power Generation vend des crédits similaires depuis 2013. En 2022, Microsoft a annoncé qu’elle achèterait ces crédits pour compenser les émissions de ses activités en Ontario. L’entreprise espère ainsi se rapprocher de son objectif de n’utiliser que de l’énergie carboneutre. Cependant, si cet achat lui permettra en théorie de diminuer ses émissions, en pratique, rien ne changera dans le réseau électrique lui-même. Ce sera de l’écoblanchiment, ni plus ni moins.

De plus, pendant que se vendront ces crédits, le réseau deviendra plus sale, pas plus propre. C’est que l’Ontario se prépare à produire 1 500 mégawatts supplémentaires d’électricité au gaz naturel pour compenser la fermeture prochaine de la centrale nucléaire de Pickering. Aussi les émissions augmenteront-elles au cours de la décennie au lieu de diminuer.

Miser sur du vent

Les entreprises s’inquiètent de plus en plus de leurs émissions de portée 2, et il est important de leur offrir des moyens d’encourager l’énergie propre tout en poursuivant leurs propres objectifs climatiques. Mais proposer des crédits comme ceux-là, ce n’est pas jouer franc jeu.

L’Ontario pourrait instaurer certaines politiques pour augmenter l’utilisation d’énergie propre et créer des incitatifs pour les entreprises. Il pourrait notamment s’inspirer des accords d’achat d’énergie et des enchères inversées de l’Alberta.

Néanmoins, la vente de crédits d’énergie propre d’un réseau à l’empreinte croissante, sous un système qui compte la production propre en double, est une mauvaise idée.

Ces crédits ne sont que du vent : ils n’entraîneront aucune réduction réelle des émissions. Pire, ce programme viendra miner les efforts de décarbonation à plus grande échelle, en siphonnant la bonne volonté et le capital financier des entreprises qui prennent des engagements climatiques.

Le programme des crédits d’énergie propre de l’Ontario ne doit pas aller de l’avant.

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