Profil technologique de la transition énergétique

Petits réacteurs modulaires

Pari risqué
Crédit d'image: Le réacteur CAREM de l’Argentine est l’un des premiers petits réacteurs modulaires en construction. Source : Commission nationale sur l’énergie atomique de l’Argentine

About the Energy Transition Technology Profile series: These profiles draw on, and update, the Institute’s analysis of specific safe-bet and wild-card technologies that are driving Canada’s clean energy transition.

Forces et faiblesses

Ils sont une source potentielle d’électricité fiable sans émissions.

Le Canada pourrait mener le bal grâce à son industrie nucléaire et à ses réserves d’uranium.

Au Canada, il faudra encore plusieurs années avant leur déploiement.

Il reste d’importants obstacles techniques, financiers et réglementaires à surmonter.

Qu’est-ce qu’un petit réacteur modulaire?

Les petits réacteurs modulaires (PRM) sont une technologie d’énergie nucléaire émergente. Ils produisent de l’énergie grâce à un processus de fission nucléaire semblable à celui des centrales nucléaires traditionnelles, mais comme leur nom le suggère, ils sont beaucoup plus petits : 300 mégawatts ou moins par réacteur, contre 1 000 mégawatts ou plus pour les centrales traditionnelles. 

L’engouement pour l’utilisation de petits réacteurs nucléaires comme source fiable d’électricité propre croît depuis quelques années, notamment en raison de leur format et de leur flexibilité comparativement aux centrales nucléaires traditionnelles. Comme le prouvent les nombreux réacteurs de moins de 100 mégawatts déjà en chantier, leur petite taille facilite le choix de l’emplacement et l’approbation du site; leur conception modulaire et leur rapidité de construction, elles, promettent de réduire les coûts (presque toutes les centrales nucléaires traditionnelles sont conçues individuellement, tandis que les PRM peuvent être bâtis en série dans une usine de fabrication et installés là où ils sont requis).

Les PRM peuvent aussi être exploités de façon plus sécuritaire, comme ils reposent sur des systèmes de sécurité passifs plutôt que sur l’intervention d’opérateurs, et sont moins vulnérables à la fusion du cœur ou aux déversements radioactifs. Ils utilisent aussi moins de combustibles (et produisent moins de déchets) les technologies nucléaires traditionnelles.

Pourquoi sont-ils moins importants maintenant?

Les PRM sont vus dans bien des endroits comme une source prometteuse et fiable d’électricité propre, qui pourrait jouer un rôle essentiel dans la transition énergétique. Alors que les réseaux électriques se font plus grands, plus propres et plus intelligents, les PRM pourraient remplacer les centrales de base aux combustibles fossiles dans les réseaux et les génératrices au diesel des communautés éloignées et nordiques. En tant que source d’électricité de base pouvant fonctionner à différentes échelles, les petits réacteurs nucléaires se combineraient bien à l’énergie renouvelable variable, pour décarboner les réseaux électriques. L’Agence internationale de l’énergie estime que la capacité nucléaire mondiale (de tous les types) doublera d’ici 2050.

Le Canada pourrait jouer un rôle de premier plan dans la croissance des PRM, comme il est l’un des seuls pays dotés d’une industrie nucléaire établie, d’un solide historique de recherche et développement en nucléaire, et d’une abondance de combustibles nucléaires. En profitant de ces avantages, le fédéral et plusieurs provinces ont déjà fait d’importants investissements dans l’avancement de cette technologie. 

Au fédéral, le budget de 2022 comprend un investissement de 70 millions de dollars pour accroître la capacité de production de combustibles et de traitement des déchets, ainsi qu’un autre de 51 millions de dollars pour l’amélioration de la capacité réglementaire.

Pour ce qui est des provinces, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan et l’Alberta ont formulé un plan stratégique commun pour accélérer le développement des PRM, tandis qu’Ontario Power Generation fait maintenant l’objet d’un processus d’octroi de licences et d’examen technique pour la construction d’un réacteur unique d’un maximum de 300 mégawatts à la centrale nucléaire de Darlington, en Ontario, qui devrait être achevé vers la fin des années 2020. 

La Saskatchewan prévoit inaugurer son premier PRM en 2034. Le Nouveau-Brunswick développe des technologies de PRM qui seraient en mesure de produire à la fois de l’électricité et du chauffage à la vapeur; en Ontario, l’entreprise en démarrage Global First Power travaille dans le centre de recherche fédéral de Chalk River à la création d’un microréacteur de moins de 5 mégawatts, qui pourrait être utilisé dans les endroits éloignés hors réseau. 

Valeur sûre ou‌ pari risqué?

Les PRM, comme d’autres technologies nucléaires de nouvelle génération, sont encore considérés comme un pari risqué. Même si des investissements importants ont été faits dans les technologies de petits réacteurs nucléaires et que des centrales de démonstration sont en développement un peu partout dans le monde, la technologie n’est pas encore commercialement viable. Il reste à voir si la technologie arrivera à atteindre un coût concurrentiel par rapport aux autres sources fiables d’électricité sans émissions actuelles et émergentes.

Actuellement, plus de 60 centrales proposées dans le monde en sont à une étape ou une autre de leur phase de développement. Les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, par exemple, ont des projets en cours de développement, et des projets de démonstration sont fonctionnels en Chine et en Russie. Par contre, les technologies ont encore des obstacles importants à surmonter avant de pouvoir se positionner comme valeur sûre.

Quels sont ces obstacles?

Même si les investissements dans les PRM croissent, cette technologie devra relever des défis considérables avant que l’adoption généralisée soit possible.

Un grand avantage potentiel des petits réacteurs est leur coût (de construction et d’exploitation) plus faible que celui du nucléaire traditionnel. Toutefois, les coûts actuels demeurent obstinément élevés, et les premiers efforts de commercialisation ont échoué.

Dans le premier projet de PRM approuvé aux États-Unis, par exemple, le développeur NuScale aurait construit 12 PRM en Utah, d’une capacité de 60 mégawatts chacun. La facture totale estimée était de 4,2 milliards de dollars, mais comme les coûts ont continué de grimper, NuScale s’est replié sur un plan de 6 réacteurs de 77 mégawatts estimés à 6,1 milliards de dollars, puis à 9,3 milliards. Le projet aurait produit de l’électricité à un coût trois fois plus grand que celui de l’éolien ou du solaire pour une capacité semblable, et les services publics impliqués ont décidé de se retirer. 

Un projet semblable en Idaho a aussi été annulé l’an passé, partiellement en raison de l’enflure des coûts. Les PRM pourraient concrétiser des économies d’échelle et des baisses de prix à l’avenir, mais à cette phase précoce de commercialisation, les coûts posent encore problème. 

Dans l’ensemble, selon une évaluation des projets récents par l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis, les PRM continuent de se battre contre des coûts qui gonflent et des échéanciers qui s’allongent, des problèmes qui nuisent depuis longtemps à la croissance de l’industrie nucléaire entière.

Les PRM font face à d’autres obstacles, les mêmes que toutes les centrales nucléaires. Dans plusieurs régions, on constate une grande opposition sociale aux technologies nucléaires en général, ainsi qu’une grande résistance de la part des groupes environnementaux et communautaires locaux, qui citent les dangers des déchets nucléaires et le spectre d’une catastrophe majeure. L’industrie nucléaire du Canada pourrait subir moins de pression que celles d’ailleurs, vu la longue histoire de génération sécuritaire à grande échelle en Ontario, notamment à la centrale de Darlington, où le premier PRM de la province sera construit. Toutefois, cela ne rend pas plus facile la sélection de sites pour ces nouvelles centrales nucléaires, peu importe leur taille.

Outre ces obstacles à l’acceptation sociale, les PRM se heurtent aussi à des entraves réglementaires partout où ils sont proposés, comme des processus d’octroi de licences longs et complexes n’ayant pas été normalisés ni adaptés pour les technologies de PRM. 
Nombre de PRM, incluant la version proposée par les provinces canadiennes, requièrent aussi une forme de combustible nucléaire plus enrichie (en uranium 235) que celle des réacteurs traditionnels, et les chaînes d’approvisionnement pour ce combustible ne sont pas encore en place. La meilleure option serait d’envoyer l’uranium canadien aux États-Unis, en France ou au Royaume-Uni pour enrichissement, puis de le réimporter pour utilisation.

Quelles sont les prochaines étapes pour les décideurs?

Les gouvernements canadiens ont déjà lancé nombre de politiques requises pour accélérer le développement des PRM au pays. Le nouveau Programme facilitant les petits réacteurs modulaires du fédéral, les engagements dans le budget 2022 et les divers crédits d’impôt à l’investissement fédéraux appuient ensemble la nouvelle industrie. Les gouvernements provinciaux intéressés ont aussi fait appel à du soutien financier pour aider les projets de PRM à avancer. 

Toutefois, pour que cette technologie puisse prendre son essor, le contexte réglementaire régissant le développement de PRM doit être amélioré. La prochaine étape importante est la création d’un régime de réglementation plus transparent et plus efficace spécialement pour les PRM, afin d’assurer leur construction et leur exploitation sécuritaire et de dissiper les craintes du public. Le processus est déjà en marche dans le cadre du plan stratégique commun publié par l’Alberta, la Saskatchewan, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick en 2022. Les feuilles de route énergétiques en cours d’élaboration par plusieurs provinces (et recommandées pour toutes) peuvent aussi fournir une orientation et un éclairage quant à la place des PRM dans le réseau électrique général de chaque province.

Profile text by Chris Turner.

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