Commment moderniser les systèmes d’échange pour les grands émetteurs du Canada

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Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs représentent la plus importante politique climatique pour la réduction des émissions au Canada, protégeant la compétitivité du secteur et aidant les projets sobres en carbone à attirer les investissements. Par leurs caractéristiques, ils préservent la compétitivité des entreprises canadiennes malgré l’incertitude générée par la possible implantation de tarifs par de grands partenaires commerciaux, et leurs avantages ne feront qu’augmenter au fil de l’adoption de la tarification du carbone dans d’autres pays et de l’évolution des marchés d’exportation.

Ces systèmes couperont davantage dans les émissions que toute politique climatique au Canada; ils seront notamment responsables de près de la moitié des réductions d’émissions de carbone nationales d’ici 2030, et ce, sans que les entreprises aient à dépenser des sommes élevées.

Bien que puissants, les systèmes d’échange pour les grands émetteurs ne sont pas parfaits. Ils seraient plus efficaces pour protéger la compétitivité des entreprises industrielles et réduire les émissions de carbone s’ils étaient modernisés. Selon la recherche menée par l’Institut climatique, les systèmes bénéficieraient de certains changements leur permettant de s’allier plus efficacement et de couper davantage dans les émissions, et ce à faible coût.

L’Institut climatique du Canada a réalisé une évaluation indépendante de la tarification du carbone au Canada qui s’intéresse aux systèmes d’échange pour les grands émetteurs dans chaque province et territoire. Elle s’appuie sur des travaux de l’Institut climatique de 2020-2021.

Cette récente évaluation porte sur l’efficacité et la rigueur des systèmes d’échange pour les grands émetteurs, aussi connus sous le nom de tarification du carbone industriel, et tient compte de leur incidence sur la compétitivité des entreprises canadiennes. L’Institut climatique a effectué un examen approfondi de ces systèmes au Canada et a vérifié les résultats de recherche auprès des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il s’est également servi de modèles propres aux régions afin d’étudier les répercussions selon divers scénarios.

L’analyse complète et les conclusions de l’Institut sont présentées dans un rapport d’évaluation détaillé. Les conclusions principales et les recommandations pour le renforcement des systèmes d’échange pour les grands émetteurs au Canada figurent dans un rapport de synthèse.

Cinq choses à savoir sur les systèmes d’échange pour les grands émetteurs du Canada

  1. Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs sont efficaces pour réduire les émissions de carbone

Selon une étude précédente de l’Institut climatique du Canada, les systèmes d’échange pour les grands émetteurs représentent la plus importante politique de réduction des émissions. Cette nouvelle évaluation présente des modèles mis à jour qui renforcent ces constats.

  1. Les systèmes provinciaux et territoriaux sont plus uniformes qu’avant

L’évaluation précédente a mis en évidence plusieurs différences entre les systèmes d’échange pour les grands émetteurs de différentes provinces et territoires, qui les rendent moins efficaces et augmentent les risques concurrentiels à l’échelle nationale. En 2024, les gouvernements provinciaux et territoriaux avaient réglé bon nombre de ces problèmes.

Les normes nationales minimales établies par le gouvernement fédéral ont grandement contribué à l’uniformisation des nombreux systèmes canadiens.

  1. Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs protègent la compétitivité industrielle

Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs ont été conçus pour inciter les entreprises à réduire leurs émissions à moindre coût. Ils ont pour objectif de contourner un problème connu sous le nom de « fuites de carbone », selon lequel les sociétés industrielles délocalisent leur production dans des lieux où le contrôle des émissions est plus laxiste.

Selon l’évaluation de l’Institut climatique, les grands émetteurs paient une petite fraction des prix du carbone pour leurs émissions totales. On évite ainsi les fuites de carbone en gardant les prix bas, mais en incitant tout de même la réduction d’émissions. L’évaluation montre que les systèmes d’échange pour les grands émetteurs maintiennent les prix bas et influencent peu la profitabilité; certains secteurs sont même capables de recevoir plus d’argent qu’ils n’en dépensent pour se conformer.

  1. Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs manquent de transparence

Puisque les systèmes d’échange pour les grands émetteurs sont complexes, leur transparence est d’autant plus importante. Les acteurs du marché du carbone et le grand public devraient être en mesure de comprendre le fonctionnement du marché et les prix fixés.

Pourtant, les systèmes d’échange pour les grands émetteurs du Canada restent opaques. Bien que les autorités de réglementation publient plus d’information qu’auparavant, il n’existe toujours pas de données publiques sur les prix fixés sur les marchés de crédits, hors du Québec. Une meilleure transparence améliorerait donc le fonctionnement du marché du carbone.

  1. La mise à jour des systèmes d’échange pour les grands émetteurs permettra d’en tirer le plein potentiel

Bien que les systèmes d’échange pour les grands émetteurs soient pour le moment efficaces, certains d’entre eux pourraient l’être beaucoup moins d’ici 2030, à moins que les gouvernements repensent leur fonctionnement.

Les systèmes créent des marchés pour l’échange de crédits d’émissions, dont la valeur représente la récompense – l’incitatif – pour leur réduction.

Dans trois régions, les systèmes d’échange pour les grands émetteurs risquent de créer une offre excédentaire de crédits qui nuirait à leur valeur et à l’incitatif de réduction des émissions. L’offre excédentaire prévue est due à une combinaison de normes de rendement trop généreuses et d’interactions entre les politiques climatiques.

Cinq manières de moderniser les systèmes d’échange pour les grands émetteurs du Canada

Heureusement, il existe des solutions à ces problèmes.

Les recommandations du rapport de synthèse de l’Institut climatique présentent un plan de modernisation de ces systèmes pour qu’ils atteignent leur plein potentiel de réduction des émissions tout en protégeant la compétitivité des entreprises canadiennes.

  1. Prévenir le risque d’une offre excédentaire de crédits

L’offre excédentaire de crédits prévue dans l’évaluation affaiblirait l’incitation à réduire les émissions et ébranlerait la profitabilité des projets de réduction.

Les gouvernements peuvent prendre diverses mesures pour améliorer la situation. Les régions les plus susceptibles aux excédents de crédits peuvent, par exemple, resserrer les normes de rendement à l’égard des émissions. Elles peuvent mettre en place des mécanismes, comme des prix planchers et établir des limites évitant l’accumulation excessive de crédits. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux peuvent quant à eux corriger les interactions fâcheuses entre différentes politiques climatiques pour assurer leur efficacité dans chaque région.

  1. Uniformiser les systèmes d’échange infranationaux afin d’améliorer leur efficacité et de garantir une concurrence loyale

La conception des systèmes d’échange pour les grands émetteurs varie beaucoup d’une région à l’autre, et même au sein d’une même région. Ces variations peuvent fausser le marché et miner l’incitatif de réduction des émissions. C’est pourquoi il faut actualiser les différents systèmes pour les uniformiser et générer des signaux de prix cohérents afin d’améliorer leur efficacité.

  1. Favoriser la cohérence de l’échange de crédits à l’échelle pancanadienne

Le Canada compte plus d’une demi-douzaine de marchés d’échange de crédits. Cette fragmentation augmente les coûts de conformité et affaiblit la concurrence.

Une approche uniforme à l’échelle nationale permettrait au contraire de réduire les coûts et d’améliorer la fonctionnalité des systèmes d’échange. Le rapport de l’Institut climatique recommande des étapes préliminaires que les gouvernements peuvent prendre pour se préparer aux systèmes communs.

  1. Améliorer la transparence des systèmes d’échange

Une grande transparence renforce la confiance et aide les entreprises à déterminer ou à « découvrir » la valeur marchande des crédits au sein du système d’échange. Ce ne sont pas tous les gouvernements qui publient des données sur leurs systèmes. Toutefois, ces derniers seraient plus efficaces – et plus faciles à comprendre – si davantage de gouvernements publiaient des renseignements sur la valeur marchande, la conformité et le risque de fuite.

  1. Se préparer aux défis futurs

Dans l’optique d’un changement transformationnel et de nouvelles mesures commerciales mondiales, les systèmes d’échange pour les grands émetteurs devraient s’imbriquer avec d’autres politiques climatiques et industrielles. Les systèmes d’échange peuvent servir de bouclier contre la montée du protectionnisme à l’échelle planétaire. Les gouvernements peuvent également mieux les adapter afin de se protéger contre les taxes carbone et de garantir l’uniformité entre les politiques industrielles canadiennes et les systèmes d’échange pour les grands émetteurs.

Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs fonctionnent, mais peuvent tout de même être améliorés

L’évaluation indépendante de 2024 sur les systèmes de tarification du carbone de l’Institut climatique montre que les systèmes d’échange pour les grands émetteurs, qui fonctionnent de manière plus cohérente que par le passé, permettent de réduire les émissions et de protéger la compétitivité des entreprises industrielles.

Pourtant, ces systèmes gagneraient à être modernisés. Les recommandations découlant de l’évaluation cherchent à épauler les autorités de réglementation dans la réorganisation des systèmes d’échange pour les grands émetteurs afin que ceux-ci puissent continuer à générer des avantages économiques et une réduction des émissions à long terme.

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