Conclusions

Notre analyse souligne cependant aussi que malgré leur grande valeur, les cadres de responsabilisation climatique ne sont pas une panacée qui garantit l’atteinte d’objectifs climatiques ambitieux.

Même là où ils sont mis en œuvre avec le plus de rigueur, les moteurs de responsabilisation gouvernementale se limitent principalement aux conséquences sur la réputation et l’avenir politique. La transparence de la surveillance et de la production de rapports permet aux citoyens et aux parties prenantes de demander des comptes au gouvernement, mais la législation sur la responsabilisation climatique ne peut pas obliger un gouvernement démocratiquement élu à appliquer les choix politiques de gouvernements antérieurs. En effet, comme les conseils stratégiques peuvent être rejetés et que même les lois contraignantes peuvent être abrogées, c’est aux futurs gouvernements qu’il reviendra de respecter ou non les cibles intermédiaires et les politiques visant leur atteinte. Tout cela en soi limite la stabilité que peut offrir une législation sur la responsabilisation climatique quant aux réductions d’émissions et aux politiques futures.

Par ailleurs, la législation sur la responsabilisation climatique ne peut pas fondamentalement résoudre les difficultés associées à l’élaboration de politiques climatiques dans une fédération décentralisée. Pour lutter de façon robuste et efficace contre les changements climatiques, le Canada doit utiliser toute une gamme de leviers politiques. Cependant, un cadre de responsabilisation climatique ne peut forcer les provinces, territoires, collectivités autochtones et municipalités à mettre en œuvre des politiques contraignantes; le gouvernement fédéral ne peut qu’encourager ces derniers à agir. Peu importe les modalités de sa mise en œuvre, un cadre de responsabilisation climatique canadien devra inévitablement tenir compte de la complexité de la coordination intergouvernementale des politiques, et parfois des priorités divergentes des différents ordres de gouvernement.

Néanmoins, un cadre de responsabilisation climatique peut jouer un rôle important en ce qu’il aide les gouvernements à garder le cap dans la poursuite de leurs cibles à long terme. Lorsque les cibles sont inscrites dans la loi, le cadre de responsabilisation climatique constitue un fondement juridique important qui en favorise concrètement l’atteinte. Les cibles intermédiaires signalent précisément aux ménages, aux entreprises et aux investisseurs le niveau de rigueur des politiques climatiques à moyen terme. Les conseils et analyses indépendants fournis par un groupe consultatif d’experts rendent limpides les différentes possibilités et favorisent une prise de décision basée sur les données probantes. La production de rapports accessibles permet aux citoyens et aux parties prenantes de suivre les progrès accomplis. Enfin, le cadre crée un forum permettant d’examiner les répercussions à long terme, de coordonner les politiques climatiques, d’apaiser les tensions et de trouver des compromis, ce qui favorise la stabilité des politiques climatiques.

Un cadre de responsabilisation climatique n’élimine ni les débats difficiles ni la complexité de la coordination des politiques au Canada, mais il peut donner lieu à l’élaboration de meilleures politiques en établissant formellement une manière de relever les défis intergouvernementaux.

Un tel cadre peut créer des conditions et des cadres institutionnels qui améliorent la coordination et la concertation des gouvernements au fil du temps. La répétition– et la transparence – du cycle d’élaboration de politiques, de vérification des progrès et de rectification (le cas échéant) peut inciter tous les ordres de gouvernement à mettre en œuvre des politiques cohérentes correspondant aux cibles nationales. Dans un esprit de collaboration, le gouvernement fédéral pourrait mettre en place des mesures incitant à la participation active. Pour leur part, les provinces, territoires, collectivités autochtones et municipalités pourraient exercer leur influence en adaptant les politiques au contexte local et en exerçant des pressions sur les autres gouvernements par l’adoption de politiques ambitieuses.

Les cadres de responsabilisation climatique peuvent également, au fil du temps, éviter des revirements dans les ambitions climatiques lors des changements de gouvernements. Comme l’illustrent les études de cas, ces cadres ne verrouillent pas les politiques et n’empêchent pas les futurs gouvernements d’en modifier l’approche, une souplesse qui donne le loisir aux futurs gouvernements de s’approprier ces politiques climatiques. Cela réduit certes la stabilité politique, mais augmente aussi les chances qu’un futur gouvernement choisisse de travailler au sein du cadre plutôt que de l’éliminer complètement.

Au fil du temps, un tel processus pourrait jouer un rôle essentiel dans le paysage climatique canadien. Ses exigences en matière de transparence de la surveillance et des rapports permettront aux citoyens et aux parties prenantes de mieux comprendre les politiques climatiques gouvernementales. Et au fil du temps, une responsabilisation accrue pourrait stimuler la convergence des ambitions climatiques dans tous les secteurs.

En améliorant la transparence et la responsabilité, et en officialisant les structures institutionnelles et les processus de gouvernance, les cadres de responsabilisation climatique peuvent constituer une étape cruciale dans la mise en œuvre de politiques climatiques coordonnées et efficaces par les gouvernements canadiens, dans la poursuite des cibles à long terme du pays.

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