La façon dont nous nous préparons à ces changements – ou ne nous y préparons pas – est importante pour les Canadiens
L’incertitude n’est pas une raison pour retarder l’action. La seule stratégie viable consiste à nous préparer à la fois aux impacts des changements climatiques et à la décarbonisation mondiale, en nous prémunissant contre les scénarios futurs possibles.
Pour assurer notre stabilité et notre prospérité futures, le Canada doit faire des choix dès maintenant : plus tôt nous nous préparons, plus les Canadiens et notre économie seront résilients aux changements brusques, coûteux et perturbateurs. Une préparation efficace permettra au Canada de tirer profit des nouvelles possibilités qui se présenteront.
Le Canada a également un rôle important à jouer pour influencer les résultats mondiaux. Nous pouvons faire preuve de leadership, travailler avec des partenaires internationaux pour réduire les risques mondiaux, accroître les possibilités, ainsi qu’élaborer les politiques et les solutions technologiques dont le monde a besoin.
Les Canadiens ont besoin de clarté concernant les choix qui s’offrent à nous
Il est temps de sortir du cloisonnement étroit qui caractérise les discussions sur les politiques en matière de changements climatiques depuis des décennies, et d’adopter une perspective claire et intégrée qui transcende les efforts de réduction des émissions, d’adaptation au climat changeant et de mise à profit des possibilités des technologies propres. Nous devons travailler ensemble pour cerner et mettre en oeuvre des solutions créatives qui répondent à un plus large éventail d’objectifs environnementaux, sociétaux et économiques liés aux changements climatiques. Les générations futures de Canadiens comptent sur nous pour bien faire les choses.
À propos du présent rapport
Le présent rapport vise à clarifier les choix qui s’offrent aux Canadiens en matière de changements climatiques. Il fournit un point de départ pour une nouvelle conversation sur l’avenir du Canada dans un monde changeant.
Le reste du rapport est structuré comme suit :
La Section 2 explore les facteurs de changement et de perturbation à l’échelle mondiale qui façonneront l’avenir du Canada. Elle aide à définir l’ampleur et la portée des risques et des possibilités auxquels les Canadiens font face.
La Section 3 décrit un ensemble plus vaste de buts et d’objectifs en matière de changements climatiques que par le passé. Ensemble, ces buts et objectifs visent à améliorer la résilience des Canadiens et de notre économie face aux changements mondiaux – qu’il s’agisse des changements climatiques ou des réactions internationales – tout en travaillant à influencer les résultats mondiaux dans notre intérêt supérieur.
La Section 4 examine comment le Canada peut atteindre ses objectifs, en soulignant les leviers stratégiques dont disposent les gouvernements, ainsi que l’importance de trouver des solutions ambitieuses et intégrées qui offrent de multiples avantages.
La Section 5 propose une série de prochaines étapes pour que le Canada aille de l’avant en matière de changements climatiques.
FONDEMENTS SCIENTIFIQUES DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
Le présent rapport ne se concentre pas sur la science des changements climatiques, qui est décrite en détail dans les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et d’organismes scientifiques nationaux comme Environnement et Changement climatique Canada. Cependant, comme la science est le fondement de l’action contre les changements climatiques, nous présentons un résumé des données ci-dessous.
Les concentrations atmosphériques mondiales de GES augmentent, principalement en raison de l’activité humaine
Entre 1990 et 2018, les concentrations mondiales moyennes de GES (mesurées en équivalent CO2) ont augmenté de 43 % (NOAA, 2019). Selon les données scientifiques, la dernière fois que les concentrations de CO2 ont été aussi élevées, c’était il y a environ 3 millions d’années.
Bien qu’il y ait toujours eu des variations naturelles dans le climat de la Terre, l’activité humaine est la principale cause de la forte augmentation de la concentration des GES. Ces émissions sont le principal facteur du réchauffement de la planète et des changements climatiques. D’autres facteurs, comme les changements dans la chaleur du soleil et les cendres des éruptions volcaniques (qui bloquent la lumière du soleil et produisent un effet de refroidissement), ne contribuent que faiblement aux changements observés (ECCC, 2019a; NOAA, 2019).
Au total, les meilleures preuves et données disponibles suggèrent que les activités humaines ont causé une augmentation de 1,0°C des températures mondiales par rapport aux niveaux préindustriels. Et si les émissions continuent au rythme actuel, les scientifiques estiment que l’augmentation des températures mondiales atteindra 1,5 °C entre 2030 et 2052 (GIEC, 2018). Les objectifs fixés dans l’Accord de Paris sont de maintenir les augmentations de température à long terme au-delà de 2050 à moins de 2,0 °C et moins de 1,5 °C dans la mesure du possible.
Le Canada continuera à se réchauffer, accroissant l’élévation du niveau de la mer, l’acidification des océans et le dégel du pergélisol
Au Canada, entre 1948 et 2016, la température moyenne a augmenté de 1,7 °C, tandis qu’elle a augmenté de 2,3 °C dans le Nord (ECCC, 2019a). On s’attend à ce que l’augmentation des températures moyennes se poursuive dans toutes les régions du Canada, les régions nordiques connaissant un réchauffement qui est plus du double de la moyenne nationale (ECCC, 2019a).
Les océans du monde absorbent la majeure partie de la chaleur additionnelle, ce qui fait augmenter les températures moyennes et le niveau de la mer. Une partie de l’élévation du niveau de la mer observée est causée par l’expansion de l’eau à mesure qu’elle se réchauffe. L’autre facteur important est la réduction constante de la taille et de la masse des glaciers et des calottes glaciaires qui se trouvent sur terre et qui, alors qu’ils fondent, pénètrent dans les systèmes aquatiques mondiaux et font monter le niveau des mers (ECCC, 2019a). On s’attend à ce que la fonte des glaces (sur terre et en mer) se poursuive tout au long du XXIe siècle et qu’il en résulte un Arctique presque libre de glace à la fin des étés d’ici 2040 (NOAA, 2017; GIEC, 2014; Overland et Wang, 2013). Au total, le niveau moyen global de la mer a augmenté d’environ 20 cm depuis la fin du XIXe siècle, et d’environ 7 cm depuis 1993. L’élévation du niveau de la mer accroît les risques d’érosion, d’inondation, d’onde de tempête et de contamination des eaux douces et des sols des zones côtières par l’eau salée (ECCC, 2019a).
Parallèlement, les océans du monde s’acidifient. Les océans absorbent environ un quart du CO2 émis dans l’atmosphère chaque année, ce qui augmente les niveaux d’acidité et diminue les niveaux d’oxygène. Le taux actuel d’acidification est sans précédent depuis au moins 66 millions d’années (NOAA, 2013). On prévoit qu’une acidité plus élevée et des niveaux d’oxygène plus faibles auront des effets négatifs sur les écosystèmes marins.
Les températures plus chaudes entraînent également la fonte du pergélisol dans tout le Nord du Canada, ce qui libère des dépôts de méthane emmagasiné dans l’atmosphère. Bien que les données scientifiques soient toujours floues quant à ce que cela signifie pour les températures mondiales, il est possible que la fonte du pergélisol accélère la concentration des GES dans l’atmosphère et crée une boucle de rétroaction positive sur le réchauffement. La fonte du pergélisol augmente également le risque d’érosion du sol, de disparition des lacs, de glissements de terrain et d’affaissement du sol (Ciais et coll., 2013).
Les phénomènes météorologiques extrêmes créeront des conditions propices à des incendies de forêt, des inondations, des sécheresses plus fréquents et intenses, ainsi qu’à d’autres phénomènes à fort impact
On s’attend à ce que des concentrations plus élevées de GES dans l’atmosphère augmentent la fréquence, l’intensité et la durée de nombreux types de phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes. Le résultat le plus clair sera une augmentation du nombre de jours de chaleur extrême et de vagues de chaleur plus longues et plus intenses, ainsi qu’une diminution du nombre de jours de froid extrême en hiver. De plus, on prévoit que le risque de sécheresse et d’incendie de forêt augmentera. On s’attend à ce que la combinaison de taux d’évaporation plus élevés, de fonte des neiges plus hâtive, d’amas de neige plus petits et de la perte de glace de glacier accroisse le risque de pénuries d’eau durant les mois d’été, particulièrement dans certaines régions de la Colombie-Britannique et des Prairies (ECCC, 2019a).
On prévoit également que les niveaux moyens de précipitations augmenteront partout au Canada, particulièrement durant les mois d’hiver et dans le Nord du pays, ce qui entraînera plus de pluie et de neige sur de plus courtes périodes. On s’attend à ce que ces niveaux plus élevés et intenses de précipitations accroissent les risques d’inondation en milieu urbain. On prévoit que la combinaison de précipitations plus extrêmes, d’ondes de tempête plus fortes et d’élévation du niveau de la mer accroîtra la fréquence et l’étendue des inondations côtières (ECCC, 2019a).
La réduction des émissions de GES mondiales diminue les risques pour le Canada, particulièrement après 2040
En raison du décalage entre le moment où les GES sont émis et leur impact éventuel sur le climat, les modèles scientifiques suggèrent une faible variabilité des impacts climatiques d’ici 2040 selon différents scénarios (ECCC, 2019a; GIEC, 2014). Cependant, au-delà de 2040, les modèles climatiques montrent des résultats possibles très différents. On estime que dans un scénario à faibles émissions, l’augmentation moyenne des températures au Canada est de 2 °C supérieure à celle de la période de référence 1986-2005 et qu’elle demeura relativement stable par la suite. Dans un scénario d’émissions élevées, la température moyenne au Canada pourrait augmenter de plus de 6 °C (ECCC, 2019a). Dans la figure ci-dessous, la carte de gauche montre les changements de la température moyenne de surface dans un scénario à faibles émissions (profil représentatif d’évaluation de concentration du GIEC (RCP) 2.6), et la carte de droite montre les changements de température dans un scénario à émissions élevées (RCP 8.5 du GIEC).
Les scénarios d’émissions élevées comportent le plus large éventail d’incertitude. Les systèmes terrestres sont complexes et ont des points de basculement naturels où, une fois traversés, pourraient causer des impacts catastrophiques et irréversibles. Ils peuvent être déclenchés par des boucles de rétroaction positive provoquant des réactions en chaîne qui accélèrent rapidement les impacts climatiques, comme la perte de la banquise arctique, de l’inlandsis du Groenland ou de la forêt amazonienne (Lenton et coll., 2008; Nobre et Lovejoy, 2018). Bien que certains de ces effets de rétroaction soient connus et puissent être quantifiés, et soient inclus dans les modèles climatiques, d’autres sont moins bien compris ou sont imprévisibles et ne peuvent être quantifiés (GIEC, 2014; USGCRP, 2017; UNEP, 2017). Les boucles de rétroaction peuvent également interagir avec d’autres facteurs naturels et d’origine humaine, ce qui ajoute un niveau de complexité supplémentaire.
La réalisation de l’Accord de Paris de 2015 suppose une réduction urgente et importante des émissions
En 2015, 196 pays ont signé l’Accord de Paris, qui vise à maintenir l’augmentation moyenne des températures mondiales bien en deçà de 2 °C au cours de ce siècle (par rapport aux niveaux préindustriels), ainsi qu’à « poursuivre les efforts » pour maintenir les températures en deçà de 1,5 °C. Pour tout seuil de température particulier au-dessus des niveaux préindustriels (par exemple 2 °C), il existe une quantité totale fixe des émissions qui ne doit pas être dépassée (incluant toutes les émissions qui ont déjà été produites depuis le début de la période industrielle) (GIEC, 2018).
Dans le cadre de l’accord de Paris, chaque pays a fixé son propre objectif de réduction des émissions, connu sous le nom de Contribution déterminée au niveau national (CDN). Les CDN actuels ne seront pas suffisants pour atteindre l’objectif de 2 °C. La réalisation de chacun des CDN entraînerait probablement une augmentation moyenne de la température mondiale d’environ 3 °C par rapport aux niveaux préindustriels (PNUE, 2017). L’objectif du Canada est de réduire ses émissions de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, soit 513 Mt. En 2017, les émissions du Canada étaient de 716 Mt.