Crédit d'image: Bénédicte Brocard

Que pensent les Canadiens de leur thermopompe?

Des résidents de trois provinces témoignent.

Non seulement les thermopompes constituent l’option de chauffage et de climatisation la plus abordable pour la plupart des ménages canadiens, mais elles changent la donne pour réduire la pollution climatique des bâtiments tout en protégeant la population des fortes chaleurs. Des avantages dont on commence tout juste à prendre pleinement conscience.

Trois Canadiens ayant fait le choix d’une thermopompe pour chauffer et climatiser leur maison nous en disent plus sur les raisons de leur choix, le fonctionnement de leur appareil et les économies réalisées.

Photo de Denis Bouchard par Bénédicte Brocard.

DENIS BOUCHARD

QUÉBEC

Crédit photo: Bénédicte Brocard

Denis Bouchard aime dire que grâce à sa thermopompe, il peut recharger sa voiture sans dépenser un sou.

Il y a trois ans, il a installé un nouveau système de chauffage dans sa maison des années 1960 située en périphérie de Montréal. Au vu de ses factures de chauffage « plutôt élevées », il souhaitait remplacer ses plinthes électriques inefficaces et le poêle à bois qu’il n’utilisait qu’occasionnellement. Quelques mois plus tard, il a acheté son premier véhicule électrique : une Chevrolet Bolt de 2019.

M. Bouchard, qui recharge presque toujours sa voiture chez lui, surveille de près sa facture d’électricité et la performance énergétique de son domicile. Or, après plus de 100 000 kilomètres parcourus, il a constaté que sa consommation globale d’électricité n’avait presque pas bougé.

Crédit photo: Bénédicte Brocard

« Grâce aux économies réalisées avec ma pompe à chaleur, je peux recharger ma voiture gratuitement. L’augmentation de ma facture est négligeable », se réjouit-il.

Si M. Bouchard a décidé de remplacer le système de chauffage par plinthes de sa maison rurale par une thermopompe, c’est principalement pour une question d’efficacité. « Ma facture d’électricité était assez élevée, car c’est une vieille maison », explique-t-il.

Selon un récent rapport de l’Institut climatique du Canada, les thermopompes sont jusqu’à cinq fois plus performantes que la plupart des modes de chauffage résidentiel actuels au Canada, ce qui permet de réaliser des économies substantielles pendant toute la durée de vie de l’appareil. Dans la région de Montréal, où les tarifs d’électricité sont parmi les plus bas à l’échelle nationale, les thermopompes sont une option particulièrement économique.

Quelques années auparavant, M. Bouchard avait remplacé ses anciennes fenêtres, peu efficaces sur le plan énergétique. L’installation d’un système de chauffage résidentiel plus performant n’était que la suite logique. Sa fille architecte et son gendre l’ont alors informé des avantages d’une pompe à chaleur. Même s’il a bénéficié d’une remise de 650 dollars d’Hydro-Québec sur l’achat de sa thermopompe, il précise qu’il s’agit d’un choix personnel, qui n’a été motivé par aucun argumentaire de vente ni aucune mesure incitative.

M. Bouchard décrit le processus comme relativement simple. Après avoir trouvé un installateur local avec une solide expérience dans le domaine, il a fait installer une thermopompe extérieure bibloc alimentant deux diffuseurs intérieurs – un pour chaque étage de sa modeste demeure de 1 270 pieds carrés.

Même s’il savait qu’il achetait un système beaucoup plus efficace, M. Bouchard a été impressionné par la capacité de l’appareil à produire de la chaleur tout au long de l’hiver québécois. « J’étais un peu sceptique, confie-t-il, je ne m’attendais pas à une telle efficacité par grand froid ».

Il avait conservé ses anciennes plinthes, pensant qu’il en aurait besoin en plein cœur de l’hiver, mais il s’est vite rendu compte que, même lors des froids les plus mordants, quand le mercure atteint -25 °C dans la campagne gelée, la thermopompe produit suffisamment de chaleur pour chauffer la quasi-totalité de la maison.

« Nous n’utilisons quasiment plus les plinthes, assure-t-il. Quand il fait très, très froid, il nous arrive d’en allumer une ou deux en plus de la pompe à chaleur. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, même à -25 °C, ce qui est arrivé plusieurs fois depuis l’installation, le système continue de chauffer. C’est incroyable. »

Le fait de pouvoir se servir de la thermopompe comme climatiseur pendant les semaines les plus chaudes de l’année a constitué un tournant décisif pour M. Bouchard. Lorsque les températures estivales sont devenues inconfortables, en particulier la nuit, l’idée d’un nouveau système de chauffage pouvant également assurer la climatisation lui est apparue plus judicieuse que jamais. « Au lieu d’acheter un climatiseur, nous avons décidé de débourser un peu plus dans une pompe à chaleur pour en profiter toute l’année », explique-t-il.

Selon lui, la fonction de climatisation sera de plus en plus utile dans les années à venir : « Jusqu’à présent, nous l’avons utilisé en moyenne dix ou douze jours par été. Je crains que la situation ne s’aggrave avec les changements climatiques ».

Photo de Chris Evrett et son fil par Aly Ambler

CHRIS EVERETT

NOUVELLE-ÉCOSSE

Crédit photo: Aly Ambler

En remplaçant son système de chauffage résidentiel par une thermopompe, Chris Everett a obtenu la plupart des avantages auxquels il s’attendait, et même une ou deux autres belles surprises.

Durant l’été 2022, M. Everett a remplacé le système de chauffage à air pulsé de sa chaudière à mazout par une thermopompe bibloc alimentant trois diffuseurs intérieurs. Dès la première année, la facture de chauffage de sa maison de 1 950 pieds carrés située à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, a rapidement chuté, passant d’environ 5 200 $ par an avec la chaudière à mazout et les plinthes électriques à 3 200 $ avec la thermopompe, soit une économie substantielle de 2 000 $ par an.

Après tout, la principale raison de ce changement était d’économiser de l’argent. « Je voulais un système de chauffage de meilleure qualité et plus économique, explique M. Everett. Comme c’est une vieille maison, je cherchais une méthode efficace, comme l’isolation des combles par soufflage. La pompe à chaleur semblait être une bonne solution. Et la fonction de climatisation m’a séduit. »

Selon une étude de l’Institut climatique du Canada, la thermopompe permet de réaliser des économies d’énergie et d’argent substantielles dans l’ensemble du Canada. À cet égard, la région d’Halifax s’avère particulièrement bien lotie : dans une maison individuelle, l’association d’une thermopompe et de plinthes électriques constitue l’une des options de chauffage résidentiel les moins coûteuses du pays. Et ce, en partie grâce au climat maritime doux et aux tarifs relativement bas de l’électricité en Nouvelle-Écosse.

Le bâtiment de la concession Ford où M. Everett travaille étant chauffé par des thermopompes biblocs, il avait déjà eu l’occasion d’utiliser cette technologie.

Crédit photo: Aly Ambler

« J’avais une petite idée de la façon dont une pompe à chaleur fonctionne et de ses capacités », précise-t-il. Mais il ne s’attendait pas à une telle efficacité dans sa maison : « Je suis impressionné par la quantité de chaleur produite. »

Hormis une seule fois où la température a chuté à près de -30 °C pendant 36 heures en Nouvelle-Écosse, il n’a pas eu besoin d’utiliser son ancienne chaudière à mazout comme chauffage d’appoint.

À vrai dire, le seul léger inconvénient constaté, c’est la température souvent un peu trop élevée du sous-sol – deux degrés au-dessus de celle du thermostat.

D’ailleurs, à propos du thermostat : le fait de mieux pouvoir contrôler la température du reste de la maison est l’un des bons côtés inattendus du nouveau système. M. Everett a trois diffuseurs chez lui, un à chaque étage. Grâce à une application mobile, il peut régler chacun d’eux à une température différente, ce qui lui permet, par exemple, de chauffer ou de climatiser la chambre principale où dort le chien pendant qu’il est au travail, sans gaspiller de l’énergie (ni de l’argent) dans le reste de la maison. « C’est vraiment pratique! », se réjouit-il.

Autre avantage inattendu : la climatisation. Avant d’installer la thermopompe, M. Everett était confronté à un dilemme lors des nuits chaudes : ouvrir les fenêtres pour rafraîchir un peu la maison ou les garder fermées pour ne pas entendre le bruit des moteurs d’hélicoptère de la base des Forces canadiennes Shearwater à proximité. Aujourd’hui, grâce à la fonction de climatisation « très peu coûteuse » de sa thermopompe, la maison reste fraîche et silencieuse.

En faisant le choix d’une thermopompe, M. Everett s’est tout de même heurté à un obstacle majeur – non pas technologique, mais bureaucratique. Lorsque son installateur a présenté une demande de remise au programme Efficiency Nova Scotia, il s’est avéré que l’un des trois diffuseurs ne figurait pas sur la liste des modèles approuvés, ce qui a eu pour effet d’annuler toute la demande. M. Everett attend toujours de savoir s’il peut faire appel de cette décision.

« C’est frustrant », confie-t-il, opposant cette approche en matière de remise à celle des concessionnaires automobiles comme celui où il travaille. Dans le secteur automobile, les remises à l’achat sur les nouveaux véhicules électriques, par exemple, sont appliquées par le concessionnaire au moment de la vente. Il n’est donc pas nécessaire d’en faire la demande après l’achat.

Le rapport de l’Institut sur la rentabilité des thermopompes fait état d’obstacles persistants pour les propriétaires qui tentent d’obtenir des remises. Les auteurs recommandent aux gouvernements de faciliter l’accès à ces programmes et d’en améliorer la transparence, en particulier pour les ménages à faible revenu.

Néanmoins, même sans la subvention, M. Everett ne regrette pas son choix.

« Le confort dans la maison est incontestablement meilleur, affirme-t-il. Je recommanderais ce système à n’importe qui. »

EMMA CUBITT

ONTARIO

Emma Cubitt ne vend pas de thermopompes, mais elle a tout de même un solide argumentaire de vente prêt à l’emploi.

Le voici : Disons que vous envisagez de faire installer un climatiseur dans votre maison ou de remplacer votre ancien système – un choix de plus en plus courant là où vit Mme Cubitt, dans le sud de l’Ontario, où les étés chauds et humides s’intensifient en raison des changements climatiques –, que diriez-vous de débourser environ 1 000 $ de plus pour obtenir, en plus d’un climatiseur, un système de chauffage ultra-performant grâce auquel vous pourrez dire adieu aux factures de gaz?

C’est ainsi que Mme Cubitt a commencé à s’intéresser aux solutions écologiques. Dès qu’elle a emménagé dans sa belle maison en briques en 2007, sa priorité était d’en améliorer l’efficacité énergétique. Le plus urgent était l’isolation : il n’y avait aucun isolant moderne dans la maison, juste deux couches de briques et de plâtre.

Une décennie plus tard, après avoir réalisé une analyse énergétique approfondie, elle a demandé une subvention au titre du Programme ontarien d’incitatifs pour les économies d’énergie domiciliaire pour faire installer des fenêtres à triple vitrage dernier cri.

Elle s’est ensuite concentrée sur le sous-sol et la vieille fournaise au gaz. En tant qu’architecte, Mme Cubitt avait déjà eu recours à des thermopompes pour des bâtiments commerciaux, mais il ne lui est pas tout de suite venu à l’idée que cette technologie pouvait répondre à ses besoins. Sa maison étant assez petite – seulement 700 pieds carrés pour les deux étages –, elle souhaitait surtout se débarrasser de la vieille fournaise au gaz et du chauffe-eau pour récupérer de l’espace de manière à aménager un appartement au sous-sol. Elle a donc fait installer une chaudière au gaz combinée à une centrale de traitement d’air à haut rendement.

C’est à ce moment qu’elle a eu l’idée de moderniser son système de climatisation. En creusant un peu, elle a découvert que la dernière génération de thermopompe bibloc sur le marché – c’était en 2019 – ne coûtait qu’environ 1 000 $ de plus que le climatiseur qu’elle souhaitait acheter. Elle a donc installé une thermopompe en plus de la chaudière combinée.

« À l’époque, ce système venait tout juste d’arriver sur le marché résidentiel, explique-t-elle. En tant qu’architecte, je conçois des bâtiments écoénergétiques, j’aurais dû y penser! »

Après tout, les thermopompes sont rapidement devenues incontournables pour réduire les émissions des grands bâtiments sur lesquels elle travaille. « C’est la norme pour nous, mais pour ma propre maison, l’idée ne m’est venue qu’un peu plus tard. Je pensais aux économies d’énergie plutôt qu’à l’électrification ».

Quatre ans plus tard, Mme Cubitt est ravie de constater que les améliorations apportées à sa maison contribuent à la lutte contre les changements climatiques. Attentive à l’empreinte carbone de son ménage, elle s’est aperçue que grâce aux rénovations énergétiques et à la mise en location de l’appartement au sous-sol, la quantité annuelle de dioxyde de carbone émise par personne est passée de 1,6 à 0,7 tonne. Elle est également heureuse de pouvoir compter sur un système de climatisation efficace pendant les mois chauds et humides à Hamilton.

Et comme source de chaleur? Disons que la thermopompe, plus qu’un simple complément, a pratiquement remplacé la chaudière combinée. Hormis pendant les quelques semaines les plus froides de l’année, le système suffit pour chauffer la maison. Les nouveaux modèles basse température étant arrivés un peu plus tard sur le marché, Mme Cubitt n’a pas pu en profiter, mais elle est convaincue que si elle optait aujourd’hui pour ce genre de modèle, elle n’aurait probablement plus besoin d’autre source de chaleur. « Les thermopompes basse température changent la donne », assure-t-elle.

Selon le récent rapport de l’Institut climatique du Canada sur l’utilisation des thermopompes au Canada, dans la plupart des pays, la nouvelle génération de thermopompes basse température s’avère fiable même à -25 °C et ne nécessite quasiment pas de chauffage d’appoint. Aujourd’hui, ces modèles ont un coût initial plus élevé, mais ils devraient devenir plus abordables avec l’évolution des technologies et la hausse de la demande dans l’année à venir.

Malgré tout, Mme Cubitt pense que l’approche qu’elle a adoptée il y a quelques années reste la meilleure façon d’acquérir une thermopompe. D’où son argumentaire de vente improvisé : « Au lieu d’acheter un nouveau climatiseur, optez pour une pompe à chaleur que vous pourrez utiliser quasiment toute l’année. » Simple comme bonjour.


Profils par Chris Turner. Nous remercions Denis Bouchard, Chris Everett, et Emma Cubitt pour avoir partagé leurs histoires avec nous.