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Conservation autochtone des semences et adaptation des semences aux changements climatiques

Défis, priorités et changements multisectoriels pour le financement et la promotion de la souveraineté agricole et climatique des peuples autochtones

CONSERVATION AUTOCHTONE DES SEMENCES : UNE PRATIQUE DE L’ALIMENTATION CULTURELLE ET DE L’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Si l’agriculture ne fait pas partie des systèmes et pratiques alimentaires de toutes les collectivités autochtones, les systèmes alimentaires ancestraux de nombreuses collectivités intègrent des pratiques de conservation des semences et de culture. Pour certaines collectivités autochtones, la conservation des semences et l’agriculture étaient historiquement absentes de leurs systèmes alimentaires, mais elles le sont désormais, notamment en raison de la mobilité et des déplacements des peuples autochtones d’une région à l’autre, des changements climatiques qui perturbent les conditions de croissance des territoires, ainsi que du partage des connaissances entre les collectivités. Les peuples autochtones ne sont pas les seuls à conserver et à adapter les semences, mais ils le font selon des méthodes culturellement distinctes, fondées sur l’appartenance intergénérationnelle à un lieu et fondées sur la science, l’économie, la spiritualité, l’égalité des sexes, la gestion de l’environnement, les lois et la gouvernance des collectivités autochtones.

Les gardiens de semences autochtones conservent des semences depuis des générations pour créer, maintenir ou restaurer des variétés de semences ancestrales et culturellement importantes, mais aussi pour adapter les variétés existantes et les nouvelles variétés aux conditions de croissance de la région. Les pratiques autochtones liées aux semences sont soumises à une éthique des responsabilités et jouent un rôle particulier sur le plan culturel, auquel on fait souvent référence en parlant de « conservation autochtone des semences » ou de « gardiens des semences autochtones ». Les gardiens de semences autochtones gèrent les cultures vivrières qui occupent une place importante dans l’alimentation des collectivités et qui contribuent aux pratiques spirituelles ou culturelles. Ces rapports avec des variétés de semences particulières sont porteurs d’une signification culturelle, de nombreuses collectivités ayant des histoires, des chansons, des danses, des jeux, des cérémonies, une langue propre, des technologies de transformation des aliments ou des recettes liés à des cultures et à des variétés particulières. Traditionnellement et encore aujourd’hui, certaines collectivités se spécialisent dans des cultures et des variétés particulières, qu’elles échangent avec d’autres collectivités avec qui elles entretiennent des alliances économiques réciproques pour d’autres aliments. Les semences ont traversé et continuent de traverser les territoires en empruntant des routes commerciales et des réseaux d’échange, donnant lieu à la biodiversité des semences et des aliments que nous connaissons aujourd’hui. Depuis toujours, les gardiens de semences autochtones adaptent et sélectionnent des variétés de semences pour de nouveaux climats et de nouvelles conditions de culture, ainsi les variétés qui prospèrent sur un territoire donné avec le temps deviennent importantes pour le régime alimentaire et la culture alimentaire d’une famille ou d’une collectivité. Une prise de décision axée sur l’adaptation permet aux variétés de semences de mieux s’adapter aux conditions de croissance affectées par les changements climatiques, ce qui se traduit par des semences plus résistantes et des récoltes plus fructueuses.

La conservation autochtone des semences et la souveraineté alimentaire agricole sont fragilisées à la fois par les changements climatiques et le colonialisme. En effet, les gardiens de semences autochtones doivent préserver les variétés de semences culturelles menacées pour assurer la survie de leur culture, mais aussi adapter ces variétés à l’évolution des facteurs climatiques pour permettre l’approvisionnement en aliments d’aujourd’hui et de demain. Des facteurs liés aux changements climatiques perturbent les conditions et les saisons de croissance et déstabilisent les connaissances culturelles sur les cycles de plantation. Par conséquent, les gardiens de semences autochtones sont aux prises avec des problèmes de rendement des cultures et de pertes de semences. Les peuples autochtones qui cultivent pour produire des aliments subissent les mêmes conséquences, car les cultures de semences importantes sur le plan culturel sont soumises à des variables environnementales de plus en plus imprévisibles, affectant la santé, l’accès à l’alimentation, la sécurité alimentaire et les cultures vivrières des collectivités.

La conservation autochtone des semences et la souveraineté alimentaire agricole sont fragilisées à la fois par les changements climatiques et le colonialisme.

Ces pressions climatiques sont aggravées par l’impact historique et actuel de la colonisation sur les cultures et les pratiques alimentaires autochtones. La dépossession des terres et les déplacements, la réglementation fédérale de l’identité, l’imposition assimilatrice de l’agriculture européenne et industrielle, la famine forcée et la restriction de l’accès des Autochtones au capital et à l’équité sont autant d’influences nocives sur la santé de la souveraineté alimentaire autochtone (Carter 2019; Robin et coll. 2020). En outre, la colonisation continue d’entraver l’accès autodéterminé des gardiens de semences autochtones à des terres saines, les empêchant ainsi de pratiquer l’agriculture vivrière et l’adaptation culturelle des semences. Le colonialisme se manifeste par d’autres aspects qui privent les peuples autochtones de leurs relations avec leurs aliments culturels et leurs systèmes de connaissances alimentaires, comme la législation et la criminalisation des pratiques alimentaires, la biopiraterie des semences et l’appropriation des connaissances, ainsi que l’enlèvement des enfants et la séparation des familles à travers les pensionnats, la rafle des années 60, l’incarcération et le système actuel de protection de l’enfance, entre autres (Robin et coll. 2021; Simpson 2004). Historiquement, les musées, les collectionneurs privés et les entreprises se sont approprié les variétés de semences autochtones, et nombre de ces semences demeurent dans les archives institutionnelles et les inventaires d’entreprises non autochtones. Les semences sont souvent conservées ou vendues sans le consentement des collectivités qui les ont conçues. Bien que les gardiens de semences autochtones poursuivent la gestion de ces variétés, la diminution des stocks et les obstacles à la culture ont nui à la santé et à la stabilité génétiques des variétés. Cumulés, ces facteurs ont entraîné la perte de variétés de semences et des ruptures dans la transmission des connaissances entre les générations.

En tant que gardiens des cultures vivrières et de l’adaptation au climat, les gardiens de semences et les cultivateurs autochtones jouent un rôle de premier plan dans leur autodétermination par leur résistance au colonialisme et à la perte de biodiversité. Malgré le manque d’informations sur la biodiversité des cultures au Canada, au cours du siècle dernier, la biodiversité des cultures vivrières a diminué de 75 % à l’échelle mondiale, et aujourd’hui, seules 9 à 12 cultures représentent 75 % de l’alimentation mondiale basée sur les cultures (FAO 2004; FAO 1997; Khoury et coll. 2021). Cette tendance est inquiétante compte tenu de l’importance de la biodiversité des semences, tant sur le plan culturel que sur le plan alimentaire, pour les peuples autochtones et les populations du monde entier, ainsi que de l’importance cruciale pour les cultivateurs d’assurer une plus grande sécurité alimentaire et une meilleure résilience du système alimentaire. La diversité des gènes et des caractères des variétés de semences offre également aux gardiens de semences un plus grand choix de solutions régionales et génétiques pour adapter les cultures vivrières sensibles au climat.


MÉTHODOLOGIE

Sovereign Seeds, une organisation nationale autochtone vouée à la souveraineté alimentaire en matière de semences et d’agriculture, œuvre en faveur des efforts autochtones en matière de semences en revitalisant les connaissances liées à la conservation des semences et en soutenant l’adaptation des cultures pour lutter contre les changements climatiques. Les connaissances acquises dans le cadre des activités de Sovereign Seeds ont été recueillies sur une période de trois ans, anonymisées et analysées pour en dégager les thèmes et les tendances récurrents.

Comme la documentation publique sur ces sujets est limitée, le langage utilisé et les limites de l’étude de cas doivent être reconnus (voir le glossaire et les notes sur le langage de l’étude de cas). Les perspectives et expériences autochtones ne sont pas toutes représentées ici. Les activités autochtones à but lucratif sont sous-représentées par rapport aux activités à but non lucratif, tandis que les réalités importantes du genre, de la sexualité et de l’identité multiraciale ne sont pas prises en compte.


PRINCIPAUX ÉCHANGES ET CONSTATATIONS THÉMATIQUES

Les conclusions des événements organisés par Sovereign Seeds ont mis en évidence les obstacles et les besoins en matière d’adaptation aux changements climatiques des cultures vivrières culturelles selon les contextes historiques, environnementaux, géographiques et politiques des collectivités et des régions. L’évaluation globale a permis de dégager des thèmes communs liés à la souveraineté alimentaire et à l’adaptation des semences et de l’agriculture autochtones, notamment la revitalisation et la transmission des connaissances, le financement de la souveraineté semencière et des efforts d’adaptation des semences aux changements climatiques, ainsi que la gouvernance et le leadership.

La revitalisation des connaissances autochtones menée par les Autochtones est urgente pour lancer, renforcer et poursuivre les mesures d’adaptation aux changements climatiques. La transmission des connaissances sur les semences ayant été interrompue par la colonisation, rares sont les personnes qui, au sein des familles et des réseaux communautaires, possèdent les connaissances culturelles et les souvenirs de la conservation des semences et qui ont une expérience de plusieurs décennies, ou ce que beaucoup appellent les « détenteurs du savoir sur les semences » ou les « aînés des semences ». Ce nombre relativement restreint de détenteurs du savoir spécialisé dans les semences sont les principaux praticiens de l’adaptation des semences aux changements climatiques et encouragent les nouveaux gardiens de semences à prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques. Les gardiens de semences nouveaux et émergents, qui forment la majorité, souhaitent vivement revitaliser ces pratiques culturelles d’adaptation aux changements climatiques, mais ils estiment que les connaissances et les compétences nécessaires à l’adaptation des semences sont supérieures à celles qu’ils possèdent actuellement.

Tous les apprenants et leaders en matière de semences ont indiqué qu’une base solide de connaissances culturellement ancrées en matière de jardinage et de conservation des semences est indispensable pour être en mesure d’adapter les variétés de cultures vivrières aux conditions climatiques changeantes. Les gardiens de semences, tant nouveaux qu’expérimentés, ont exprimé le besoin d’un meilleur accès à des possibilités d’apprentissage des semences culturellement pertinentes, réservées aux Autochtones, afin que les nouveaux gardiens de semences puissent acquérir les connaissances de base et l’expérience appliquée nécessaires pour entreprendre l’adaptation des semences. Les gardiens de semences nouveaux et émergents ont cité le temps, la capacité et le manque de soutien financier pour l’apprentissage comme étant des obstacles. Les gardiens de semences expérimentés ont exprimé des inquiétudes quant à leurs capacités personnelles, citant le stress financier et le manque de ressources pour financer leur temps et celui de leurs assistants comme des obstacles à l’enseignement. De nombreux détenteurs du savoir sur les semences ont également évoqué des expériences négatives avec des acteurs non autochtones institutionnels, gouvernementaux, à but non lucratif et de l’agriculture durable à petite échelle, qui ont abouti à l’appropriation de leurs connaissances et de leurs idées, à la sous-rémunération de leur travail ou encore à une participation symbolique lorsqu’ils ont été invités à participer.

Les gardiens de semences ont expliqué que le colonialisme a eu et continue d’avoir des répercussions sur les semences et la transmission des connaissances autochtones, et que les changements climatiques, qui menacent déjà les semences et les cultures vivrières, ont également un impact sur la transmission des connaissances, une activité indispensable pour prendre des mesures d’adaptation aux changements climatiques. La transmission des connaissances est une nécessité importante et urgente pour l’adaptation climatique des semences autochtones, compte tenu du fait que de nombreux gardiens de semences autochtones expérimentés vieillissent et que les gardiens de semences autochtones expérimentés, jeunes et moins jeunes, se heurtent à de multiples défis structurels et liés au climat en matière d’apprentissage et d’enseignement.

Les gardiens de semences ont expliqué que le colonialisme a eu et continue d’avoir des répercussions sur les semences et la transmission des connaissances autochtones, et que les changements climatiques, qui menacent déjà les semences et les cultures vivrières, ont également un impact sur la transmission des connaissances, une activité indispensable pour prendre des mesures d’adaptation aux changements climatiques.

L’adaptation des semences implique une action climatique pluriannuelle. Cet engagement à long terme place les gardiens de semences autochtones dans une situation de précarité financière due à la nécessité de mettre en place et d’entretenir des infrastructures, de la main-d’œuvre, des équipements et un accès durable et autodéterminé à la terre. Cette précarité nuit à la planification stratégique à long terme et à l’action nécessaire pour adapter les variétés de semences aux changements climatiques. Les aînés et les détenteurs du savoir en matière de semences reconnaissent la responsabilité qui leur incombe d’assurer la survie des variétés de semences à risque importantes sur le plan culturel au sein de leurs réseaux communautaires, tout en enseignant aux autres les pratiques culturelles de conservation des semences et d’adaptation aux changements climatiques. Dans ce contexte, aggravé par le manque de ressources, la possibilité pour les gardiens de semences expérimentés de réduire leurs efforts, de s’occuper de leur bien-être ou d’innover, sans parler de surmonter une saison de croissance difficile et un faible rendement en semences, est très limitée. Le cumul de ces pressions signifie que les nouveaux gardiens de semences bénéficient de peu de possibilités d’apprentissage et n’ont pas le droit à l’erreur en ce qui concerne les semences de culture à risque, tandis que les gardiens de semences plus expérimentés n’ont ni le temps, ni les capacités, ni les ressources nécessaires pour assurer la succession des stocks de semences et le transfert des responsabilités à d’autres personnes.

Reconnaître et financer les efforts de transmission des connaissances et d’adaptation

Les participants à l’événement de réflexion (tant à but lucratif qu’à but non lucratif) ont massivement cité la pertinence de l’octroi et du prêt, ainsi que l’accès aux voies de ressources gouvernementales et philanthropiques, comme des obstacles importants à la conservation des semences et à l’adaptation des variétés.

Les participants ont exprimé leur frustration concernant les acteurs qui octroient des subventions et des prêts qui ne reconnaissent pas la complexité de la revitalisation de l’alimentation agricole et culturelle autochtone et de l’adaptation alimentaire, qui ne sont pas simplement des pratiques de production et de distribution alimentaires ou de surveillance du climat. Les participants ont noté que, dans tous les secteurs, les organismes de financement et les prêteurs ne comprenaient pas ou n’appréciaient pas l’importance des semences et de leur conservation pour la culture, l’éducation, la sécurité alimentaire, la santé et l’action en faveur du climat. La question était particulièrement difficile pour les personnes engagées dans des activités à but non lucratif, car elles avaient l’impression que les organismes de financement jugeaient les projets centrés sur les semences sans intérêt pour les priorités d’octroi de subventions. Les personnes engagées dans des activités à but lucratif ont constaté un manque de reconnaissance et de compréhension des obstacles et des besoins particuliers qu’elles connaissent pour démarrer, maintenir ou accroître des activités à but lucratif, en raison des obstacles historiques et permanents propres au contexte autochtone auxquels elles sont confrontées. Les participants ont exprimé leur inquiétude concernant les financements souvent accordés à des initiatives et à des entités dont les activités correspondent aux critères restrictifs et aux solutions cloisonnées des organismes de financement et des prêteurs non autochtones.

Les personnes engagées dans des activités non lucratives de revitalisation des semences et des produits agricoles et d’adaptation aux changements climatiques ont cité l’approche et la mise en œuvre du financement comme des obstacles. Les participants issus du secteur non lucratif ont indiqué que les organismes de financement préfèrent les nouveaux projets et les nouvelles idées aux activités existantes et qu’ils offrent principalement des engagements de financement à court terme et non renouvelables, une approche inadaptée aux projets autochtones de conservation des semences, qui nécessitent souvent des engagements de soutien pluriannuels. Les participants ont également relaté des expériences où les organismes de financement donnent la priorité aux investissements dans des entités autochtones très médiatisées, bien financées et bien dotées en personnel, avec une infrastructure de gouvernance substantielle, des entités qui ont des partenariats non autochtones, et des entités qui prônent la réconciliation et qui n’expriment pas ouvertement des points de vue critiques. Ces participants ont également mentionné le manque de possibilités de financement sans restriction comme un défi à relever. Les participants ont indiqué le besoin d’une plus grande autodétermination en matière de dépenses, d’une plus grande accessibilité des demandes et des rapports, d’une plus grande flexibilité des délais, d’évaluations moins prescriptives, d’un langage culturellement approprié et accessible, et d’une réduction des exigences en matière de demandes et de rapports.

Les Autochtones qui participent à des activités à but non lucratif et à des activités à but lucratif ont vivement exprimé la nécessité pour les organismes de financement et les prêteurs de s’éloigner des modèles de financement prescriptifs et paternalistes.

Certaines organisations et entreprises d’alimentation culturelle autochtones ne participent pas directement aux initiatives d’adaptation des semences autochtones, mais les soutiennent et les soutiennent par l’utilisation ou l’achat de leurs produits et de leurs récoltes de semences. Ces participants ont évoqué des conflits avec les organismes de financement et les prêteurs en ce qui concerne l’approvisionnement en produits ou en services : de nombreux participants tiennent à s’approvisionner auprès de producteurs autochtones, tandis que les organismes de financement ou les prêteurs accordent la priorité au profit. Les initiatives de production à but lucratif d’aliments autochtones, durables sur le plan environnemental ou adaptées au climat, ont constaté un conflit entre leur priorité de soutenir les valeurs culturelles de responsabilité sociale et environnementale en matière de semences et de production alimentaire et la priorité économique des organismes de financement et des prêteurs, qui dévalorisent ou discréditent l’éthique culturelle. Ces entreprises se sentent délaissées au profit d’entreprises qui correspondent davantage aux marchés capitalistes occidentaux, telles que les activités d’agriculture industrielle et les initiatives agricoles sans objectifs culturels ou sociaux axés sur la réciprocité.

Les Autochtones qui participent à des activités à but non lucratif et à des activités à but lucratif ont vivement exprimé la nécessité pour les organismes de financement et les prêteurs de s’éloigner des modèles de financement prescriptifs et paternalistes. Les participants issus des deux types d’activité ont signalé des problèmes liés aux conditions d’admissibilité et ont noté que l’achat de terrains, d’équipements et d’infrastructures devrait être considéré comme une dépense subventionnée. L’admissibilité des bénéficiaires constituait également une préoccupation. Les critères d’admissibilité de nombreuses subventions gouvernementales et philanthropiques à but non lucratif excluaient plusieurs participants de l’accès aux ressources, et pour les projets à but lucratif des participants, les activités à petite échelle étaient souvent disqualifiées en raison d’une contribution insuffisante en capital et d’un potentiel de génération de revenus et d’expansion perçu comme insuffisant.

Gouvernance des semences, renforcement du leadership, compréhension et accès à l’élaboration des politiques

Bien que certaines initiatives soient financées par des programmes provinciaux et fédéraux, le mouvement de souveraineté alimentaire autochtone et les efforts d’adaptation des variétés de semences autochtones se déroulent pour la plupart en dehors des politiques et des programmes du gouvernement canadien. Les participants à l’événement de réflexion ont largement accordé la priorité à la souveraineté et à la gouvernance autochtones et ont exprimé un certain degré de méfiance ou de frustration à l’égard de tous les échelons du gouvernement canadien. La majorité des gardiens de semences ont souligné les limites de la reconnaissance du gouvernement et du changement de politique, ainsi que le fait que les processus gouvernementaux sont conçus pour être inaccessibles aux petits acteurs. Les participants ont également estimé que, même si des changements ne seront pas principalement obtenus par l’engagement politique, les politiques nationales et provinciales ont un impact sur leurs semences, leurs systèmes alimentaires, leur action en faveur du climat, leurs cultures et leurs territoires. Plusieurs ont insisté sur la nécessité de faire participer les peuples autochtones de manière concrète en tant que nations souveraines et des dirigeants, et non en tant que parties prenantes ou groupes d’intérêt, et sur l’insuffisance de leur participation actuelle et de la traduction des politiques, plans et programmes gouvernementaux. Les obstacles cités sont notamment les voies de participation qui excluent, les politiques et programmes inaccessibles, les interactions et solutions culturellement inappropriées et la perpétuation de la colonisation par le biais de la réglementation gouvernementale de l’identité, des systèmes alimentaires et des territoires. Par ailleurs, l’engagement préférentiel avec les organes représentatifs autochtones reconnus par le gouvernement a eu pour effet d’effacer la voix des cultivateurs sur le terrain.

La Stratégie nationale d’adaptation (SNA) du Canada, publiée en 2023, constitue la première stratégie pour les objectifs d’adaptation aux changements climatiques et a été accompagnée par la republication du Plan d’action pour l’adaptation du gouvernement du Canada, qui décrit les engagements financiers fédéraux pour l’adaptation aux changements climatiques entre les gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones (gouvernement du Canada 2023a; 2024). Le degré de participation concrète et adéquate des peuples autochtones à la stratégie et au plan d’action est discutable. Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) a organisé un forum sur la visualisation de la Stratégie nationale d’adaptation en 2021 afin d’élaborer la SNA. Sur les plus de 60 participants engagés dans le forum, seuls deux organismes autochtones nationaux (OAN) ont participé, sans être identifiés, et aucune autre participation autochtone n’a été mentionnée (gouvernement du Canada, 2023b). La SNA ne mentionne pas l’importance de la biodiversité des semences de cultures vivrières et de l’adaptation des semences pour la résilience climatique, l’adaptation des semences en tant qu’action climatique, le leadership autochtone en matière d’adaptation des cultures, la production agricole culturelle de produits alimentaires et les facteurs ayant un impact sur ces activités, ainsi que la relation entre les peuples autochtones et l’agriculture culturelle dans son ensemble. De même, la Stratégie nationale 2020 pour la biodiversité (SNB) du Canada présente l’agriculture durable comme une solution pour réduire les effets de l’agriculture industrielle sur la biodiversité, mais elle n’aborde que brièvement le rôle des semences et uniquement dans le contexte des plantes indigènes non cultivées telles que les arbres, sans mentionner l’adaptation des semences des cultures vivrières (gouvernement du Canada 2024a). Qui plus est, bien qu’elle ait fait appel à des organes directeurs autochtones reconnus par le gouvernement fédéral, la SNB n’a fait participer aucun groupe autochtone œuvrant pour la souveraineté alimentaire en matière de semences ou d’agriculture à ses séances de mobilisation (gouvernement du Canada, 2024a).

Les programmes fédéraux qui financent les efforts d’adaptation aux changements climatiques ne reconnaissent pas suffisamment l’adaptation des variétés de semences autochtones et n’y consacrent pas les ressources nécessaires. Le Programme d’adaptation aux changements climatiques des Premières Nations, un programme d’intervention sur les changements climatiques de la Couronne et du ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord, a été conçu pour aider les collectivités et les organisations des Premières Nations situées au sud du 60e parallèle à évaluer les effets des changements climatiques, ainsi qu’à concevoir et à prendre des mesures d’intervention sur les changements climatiques (gouvernement du Canada, 2023 c). Sans se limiter à ces domaines d’action, le programme a largement mis l’accent sur l’atténuation des catastrophes naturelles liées au climat et sur les interventions, comme l’ont demandé les groupes des Premières Nations, encore non identifiés, mobilisés par ECCC et Ressources naturelles Canada dans le cadre de la conception du programme. Parmi les 40 projets financés dans le cadre du cycle 2022-2023, aucun n’était consacré à l’adaptation des produits alimentaires (gouvernement du Canada 2023d). Par ailleurs, le Programme sur le changement climatique et l’adaptation du secteur de la santé des Services aux Autochtones Canada, aujourd’hui fermé, a financé plusieurs projets communautaires importants dans le domaine de l’alimentation agricole dans le cadre d’un volet sur la sécurité alimentaire, mais l’adaptation des semences et l’adaptation des cultures aux changements climatiques n’étaient des activités prévues dans aucun des projets financés (gouvernement du Canada 2023e; Climate Telling 2021).

L’effacement du leadership autochtone sur l’adaptation des aliments aux changements climatiques dans les conversations gouvernementales sur le climat s’étend également aux réponses fédérales aux défis et aux solutions agricoles. Plus particulièrement, la Stratégie pour une agriculture durable (SAD) d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a été conçue sans la participation adéquate des dirigeants autochtones du secteur de l’agriculture et de l’alimentation et de leurs priorités. Parmi les 22 entités invitées à former le Comité consultatif sur la SAD (CC-SAD), AAC n’a invité qu’un seul membre autochtone, la Fédération des Métis du Manitoba (FMM) (gouvernement du Canada, 2022). Le CC-SAD n’est pas un comité investi d’un pouvoir de décision, mais il a été créé pour formuler des recommandations pour orienter le CC-SAD (Union nationale des fermiers, 2023). Une participation plus importante du grand public a été acceptée dans le cadre du processus de consultation, mais le délai de participation était court, et aucun des participants à l’événement de réflexion engagés au cours de cette période n’était informé de l’élaboration de la SAD, et encore moins des possibilités offertes au grand public d’apporter sa contribution. Le document de discussion de la SAD cite l’adaptation et la résilience aux changements climatiques comme l’un des cinq domaines prioritaires et reconnaît expressément que les programmes de recherche appliquée sur l’adaptation aux changements climatiques, adaptés à chaque région, constituent une solution essentielle. Le rapport 2023 de la SAD, « Ce que nous avons entendu », fait ressortir les obstacles et les priorités que les gardiens de semences ont également mentionnés lors de nos événements de réflexion, mais le processus de consultation de la SAD n’a pas mobilisé suffisamment d’expériences et de leadership autochtones du secteur de l’agriculture durable. Le rapport représente de manière disproportionnée les perspectives des producteurs alimentaires autochtones à but lucratif et le langage du document de la SAD souligne dans l’ensemble les activités de production commerciale et étudie l’adaptation pour augmenter les rendements commerciaux et la qualité des produits commerciaux. Cette perspective axée sur le marché néglige les nombreuses perspectives fondées sur les valeurs culturelles que les acteurs autochtones du secteur des semences et de l’agriculture ont sur l’économie autochtone appliquée. Ainsi, les initiatives et les activités autochtones à but non lucratif, qui constituent la majorité du leadership en matière d’adaptation aux changements climatiques et des connaissances culturelles alimentaires des semences autochtones, sont largement sous-représentées et sous-évaluées dans la SAD.

L’effacement du leadership autochtone sur l’adaptation des aliments aux changements climatiques dans les conversations gouvernementales sur le climat s’étend également aux réponses fédérales aux défis et aux solutions agricoles.

Cette absence d’adaptation aux changements climatiques des cultures autochtones dans les plans d’action et les programmes nationaux révèle les priorités de financement des gouvernements et les définitions des activités d’adaptation aux changements climatiques. Elle reflète également ce que les participants ont vivement dénoncé lors des événements organisés par Sovereign Seeds, notamment les questions de mobilisation et de consultation, les priorités de financement et l’accès au financement dans les domaines du climat, de la culture et de l’agriculture. Plusieurs participants estiment que les réponses du gouvernement favorisent la participation au marché à but lucratif et la production alimentaire sectorielle comme solutions à l’insécurité alimentaire des Autochtones et à l’adaptation aux changements climatiques. Les participants ont qualifié cette approche de culturellement inappropriée et d’assimilationniste, une approche qui aggrave les pressions économiques, qui oppose la culture à la survie et qui crée des divisions entre les peuples autochtones au sein du mouvement pour la souveraineté alimentaire. Bien que les participants conviennent largement de la nécessité de soutenir les producteurs agricoles culturels autochtones à but lucratif et les acteurs du marché agroalimentaire qui agissent de manière durable et dans le respect des valeurs culturelles, nombreux sont ceux qui estiment que les réponses des gouvernements et les priorités politiques négligent les contributions et les perspectives des leaders autochtones de l’alimentation qui protègent la biodiversité des cultures et mènent une adaptation agricole durable aux changements climatiques en dehors du secteur de la production alimentaire à but lucratif.


RECOMMANDATIONS

Favoriser la transparence et la responsabilité des processus et du soutien, et renforcer la participation et l’influence des dirigeants autochtones

L’imposition du fédéralisme canadien à la gouvernance autochtone a entraîné un engagement préférentiel avec des organes représentatifs autochtones privilégiés par le gouvernement, qui ne représentent pas les gardiens de semences et les cultivateurs. Qui plus est, la responsabilité bureaucratique est passée d’une autorité provinciale à une autorité fédérale, d’une manière qui ne favorise pas la gouvernance territoriale et traditionnelle autochtone ni les négociations de nation à nation. La souveraineté alimentaire et la gouvernance des semences autochtones, ainsi que les lois culturelles et locales qui sous-tendent cette gouvernance, sont souveraines et légitimes, indépendamment de leur reconnaissance par les gouvernements et le droit canadiens et internationaux. Dans les cadres de gouvernance occidentaux, la conservation autochtone des semences et la réponse aux changements climatiques liés aux semences relèvent de la stratégie climatique, de la propriété intellectuelle, de la biodiversité, des droits culturels et des droits des peuples autochtones. La collaboration de nation à nation dans le domaine de l’agriculture autochtone et de l’adaptation aux changements climatiques requiert un meilleur accès aux processus décisionnels, une démystification des mécanismes et des processus de décision, ainsi que davantage de temps pour la préparation et la participation. Sans se substituer au leadership communautaire et à la gouvernance autochtone qui existent indépendamment de la reconnaissance du gouvernement colonial, les modèles dirigés par les Autochtones peuvent générer des politiques et des programmes qui sont plus responsables et mieux adaptés aux priorités de la communauté. Notre analyse a permis de dégager des recommandations et des pistes pour améliorer la participation et l’amplification des groupes communautaires sur le terrain dans les secteurs de la souveraineté alimentaire, de l’agriculture et de l’agroalimentaire, de la revitalisation culturelle et de l’action en faveur du climat :

  • Déployer un modèle de collaboration dirigé par les Autochtones pour favoriser la transparence de la prise de décision, l’accès et des délais de traitement appropriés. Ce modèle permettrait de mettre en place, dans tous les ministères et organes consultatifs concernés, des agents de liaison autochtones dont la mission serait d’assurer la transparence et la traduction des processus, des documents et des décisions pour les dirigeants et les praticiens de l’agriculture culturelle. L’objectif d’un tel modèle n’est pas d’assimiler les processus de négociation et de prise de décision autochtones au sein d’organes de gouvernance non autochtones fondés sur les droits, par le biais de l’emploi d’Autochtones, mais plutôt de mieux faciliter et rendre opérationnelle la gouvernance de nation à nation.
  • Soutenir le leadership autochtone sur le terrain concernant l’alimentation et l’adaptation climatique de l’alimentation par des engagements pluriannuels et la formation de coalitions indépendantes dirigées par des Autochtones et composées d’Autochtones. Une meilleure amplification du leadership par ces mesures permettrait d’aborder les questions transversales de la souveraineté alimentaire, de l’agriculture et de l’agroalimentaire, de la revitalisation culturelle, de l’assainissement des sols et de l’action climatique. Pour assurer la responsabilité et la représentation, ces organismes doivent être organisés, dirigés et représentés par des producteurs régionaux de produits alimentaires, des cultivateurs et des détenteurs du savoir, à but lucratif ou non, indépendants des conseils de bande et des agences de services financées par le gouvernement (bien qu’ils puissent être soutenus par eux). Ces organismes chargés de l’organisation collective peuvent assurer la liaison avec les services gouvernementaux compétents pour favoriser les changements de politique, en proposant des programmes adaptés aux besoins des membres et en rendant des comptes sur leurs priorités.
  • Mettre en place des mécanismes de recrutement d’Autochtones au sein des différents échelons du gouvernement canadien afin de mettre au point et de déployer des consultations, des programmes, des politiques et des stratégies dirigés par des Autochtones, dans le respect des principes de partenariat de nation à nation. Privilégier les priorités, les calendriers et les protocoles de gouvernance des coalitions communautaires et des dirigeants sur le terrain.
  • Améliorer la participation et la consultation des peuples autochtones dans les stratégies gouvernementales et la conception des programmes afin de garantir une représentation équilibrée des activités à but lucratif et non lucratif, une meilleure participation de base et des calendriers de mobilisation et des communications plus accessibles pour faciliter la participation des peuples autochtones. Dans le cas de la SAD, par exemple, les révisions ultérieures et les programmes associés doivent mieux reconnaître la conservation autochtone des semences comme une action active d’adaptation aux changements climatiques ayant un impact unique, et impliquer davantage les gardiens de semences autochtones et les praticiens de la souveraineté alimentaire autochtone à but non lucratif en tant qu’acteurs essentiels de l’agriculture durable et de la réponse aux changements climatiques.
  • Renforcer le soutien à la création de contenus rédigés par des Autochtones, y compris des analyses politiques et des recherches élaborées par des personnes et des initiatives autochtones dédiées aux semences et à la souveraineté alimentaire, indépendamment des organismes de représentation autochtone privilégiés par le gouvernement fédéral. Le soutien financier et l’accès au pouvoir politique sont nécessaires pour permettre aux centres de recherche et d’éducation, aux programmes et aux groupes communautaires, nouveaux et existants, qui s’intéressent à la souveraineté alimentaire autochtone et à l’adaptation climatique de l’alimentation autochtone, de générer des contributions collaboratives responsables et adaptées à la communauté.
  • Renforcer l’autorité et la légitimité des contributions autochtones dans les secteurs de la culture et de la création qui ne reflètent pas la recherche et les travaux de recherche occidentaux. Les publications autochtones doivent être valorisées en tant que contributions importantes à l’élaboration de politiques et de programmes au sein des gouvernements et des organisations philanthropiques.

Multiplier les occasions et améliorer les processus de distribution de ressources sans obstacle, pluriannuelles et autodéterminées pour les entités à but non lucratif et à but lucratif.

Les engagements pluriannuels permettent de mieux réparer les relations et les systèmes alimentaires et de faire évoluer les initiatives de la survie vers le succès et la durabilité à long terme, tout en laissant la place à l’exploration et à l’innovation, conformément aux traditions autochtones de savoir, d’être et d’agir. Les organisations et entreprises non autochtones à but lucratif et non lucratif devraient envisager des politiques de contribution pluriannuelle et sans obstacle pour diriger des ressources vers des initiatives de semences et d’aliments issus de l’agriculture culturelle autochtone par des dons sans restriction ou des possibilités de subventions pluriannuelles et sans obstacle. Ce financement doit être flexible, dirigé ou orienté par des Autochtones, doté d’un personnel autochtone, accessible et culturellement pertinent, avec un conseil consultatif, un conseil d’administration ou une représentation du personnel possédant une expérience sur le terrain en matière d’alimentation culturelle et de lutte contre les changements climatiques. Notre analyse a permis de cerner les principaux besoins et de formuler des recommandations pour promouvoir ces améliorations :

  • Accroître le soutien financier sans obstacle et dirigé ou orienté par les Autochtones de la part des fondations de financement gouvernementales et non gouvernementales pour les groupes à but non lucratif dirigés par les Autochtones qui s’occupent de l’adaptation agricole aux changements climatiques, des efforts en matière de semences et de la transmission des connaissances sur l’agriculture culturelle. Cela s’applique à tous les acteurs du financement, notamment aux grandes sources de financement disposant de plus de ressources, tel que les fondations de financement et les programmes de financement gouvernementaux pluriannuels.
  • Augmenter les engagements de financement flexibles, dirigés ou orientés par des Autochtones, de la part de partenaires respectueux des valeurs, avec des exigences administratives considérablement réduites pour les efforts sans but lucratif à l’échelle locale, tels que les bibliothèques ou les banques de semences, les jardins communautaires et les programmes de formation à la souveraineté alimentaire culturelle.
  • Améliorer les investissements sans obstacle de la part des organes directeurs et des organismes de financement autochtones et non autochtones pour les initiatives et le leadership en matière de conservation des semences et de production alimentaire culturelle autochtones à but lucratif et non lucratif.
  • Renforcer le soutien apporté par tous les échelons du gouvernement, les dirigeants locaux, les organismes de financement et les institutions d’investissement et de prêt aux initiatives autochtones à but lucratif dans le domaine des semences et de l’alimentation, notamment pour les horticulteurs maraîchers, les producteurs d’aliments culturels et les entreprises d’agritourisme, ainsi que pour les petits entrepreneurs et les entreprises familiales.
  • Faciliter l’accès au financement et aux subventions pour les initiatives autochtones à but lucratif qui entreprennent l’adaptation des semences, ainsi que pour les initiatives autochtones à but lucratif qui soutiennent ces initiatives et qui soutiennent les activités et les modèles d’entreprise qui reflètent les économies et l’éthique autochtones.
  • Veiller à ce que les ressources consacrées aux efforts d’adaptation de l’agriculture culturelle aux changements climatiques soient culturellement pertinentes, de la conception à la mise en œuvre. Des ressources adaptées et efficaces passent par la garantie que les individus, les familles, les entités et les groupes formels et informels autochtones qui effectuent le travail sur le terrain définissent et évaluent le succès et façonnent les processus de financement de la revitalisation des systèmes alimentaires et de l’adaptation aux changements climatiques.
  • Améliorer les facteurs et sensibiliser les acteurs qui exercent une influence sur le statut des bénéficiaires qualifiés et sur l’octroi de l’admissibilité aux initiatives à but non lucratif. De grands changements sont nécessaires pour lutter contre les disparités de pouvoir et l’exploitation auxquelles les initiatives autochtones se heurtent en tant qu’initiatives de base qui fonctionnent à la fois indépendamment et sur des plateformes partagées et dans le cadre de relations intermédiaires, pour supprimer les obstacles auxquels les initiatives autochtones se heurtent pour accéder aux ressources et pour renforcer leur capacité administrative.
  • Mettre en place des engagements pluriannuels en matière de subventions et de prêts pour toutes les initiatives autochtones d’adaptation des semences et de l’alimentation agricole, qu’elles soient à but lucratif ou non. L’efficacité des projets dépend d’une planification et d’une action pluriannuelles.
  • Améliorer l’accès au financement sans restriction des engagements de subvention et de prêt pour toutes les initiatives autochtones d’adaptation des semences et de l’alimentation agricole, qu’elles soient à but lucratif ou non. Les critères d’admissibilité des dépenses doivent favoriser l’autodétermination des Autochtones en offrant un financement sans restriction pour les priorités établies par les Autochtones, telles que l’équipement et l’infrastructure, le fonctionnement et l’administration, le perfectionnement du personnel et de l’organisation, ainsi que l’accès aux terres, leur restitution et leur acquisition.

Reconnaître la conservation des semences, la culture alimentaire et la spiritualité dans la politique d’adaptation des aliments et les ressources.

Pour alléger le fardeau que représente la collecte de fonds pour les initiatives autochtones qui défendent des solutions informées par la communauté et culturellement appropriées, les organismes de financement doivent avoir une conscience opérationnelle forte du rôle des approches holistiques dans les solutions d’adaptation alimentaire autochtones et des préjudices historiques et continus subis par les systèmes alimentaires autochtones. Notre analyse a permis de définir des recommandations visant à promouvoir une politique et des programmes d’octroi de subventions et de prêts adaptés aux besoins des collectivités et aux spécificités culturelles :

  • Améliorer la formation et la sensibilisation à la lutte contre l’oppression de tous les acteurs des secteurs gouvernementaux et philanthropiques sur l’histoire, la politique, les perspectives et l’éthique de la souveraineté alimentaire autochtone. Les formations qui privilégient l’apprentissage des pratiques alimentaires culturelles autochtones par des acteurs non autochtones, plutôt que ces priorités d’apprentissage, ne tiennent pas compte des déséquilibres de pouvoir inhérents aux relations de financement, risquent de reproduire l’histoire de l’extraction des connaissances culturelles et ne sensibilisent pas aux aspects systémiques et structurels nécessaires pour créer des changements sectoriels tangibles.
  • Les entités gouvernementales et non gouvernementales doivent reconnaître la conservation autochtone des semences comme une pratique d’adaptation aux changements climatiques. Ces entités doivent également reconnaître les pratiques associées telles que la guérison, la culture alimentaire et les activités d’apprentissage des langues comme des priorités pertinentes indissociables de la conservation des semences et de l’action de lutte contre les changements climatiques. Les activités de revitalisation et de transmission des connaissances spirituelles, culturelles et techniques sont nécessaires à l’adaptation aux changements climatiques des systèmes alimentaires menés par les Autochtones.
  • La reconnaissance doit transcender les apparences et appliquer la justice du travail dans les stratégies et les programmes gouvernementaux et non gouvernementaux pour assurer une compensation éthique du travail d’apprentissage et d’enseignement des semences et de l’investissement dans les efforts d’adaptation des semences. Pour assurer la prospérité des systèmes alimentaires autochtones, les leaders et les apprenants autochtones doivent bénéficier de conditions propices à leur épanouissement.

CONCLUSION

La conservation autochtone des semences et la souveraineté alimentaire autochtone sont soumises aux pressions de la survie au sein d’un système économique capitaliste imposé, du système alimentaire industriel mondialisé, des changements climatiques et de l’insécurité alimentaire créée par les colonisateurs. L’action autochtone d’adaptation des semences aux changements climatiques, fruit de l’action et de l’autodétermination face à ces oppressions, se situe également à l’intersection des mouvements de revitalisation des connaissances, de la gouvernance décoloniale, de l’organisation communautaire anticapitaliste, de l’entrepreneuriat et des économies culturelles réimaginées. Malgré ces intersections qui engendrent des tensions politiques et culturelles entre les gardiens de semences autochtones et les pouvoirs gouvernementaux, philanthropiques et commerciaux qui entravent leurs efforts, les apprenants et les leaders de l’adaptation autochtone des semences continuent d’appliquer des solutions climatiques réactives. Pour y parvenir, les apprenants et les dirigeants s’appuient sur leurs connaissances approfondies de la terre et sur la collaboration communautaire qui a permis aux systèmes alimentaires autochtones de survivre à la colonisation et aux changements climatiques. Les pressions pour faire correspondre les connaissances et les stratégies autochtones aux modèles philanthropiques et gouvernementaux occidentaux ne font pas seulement obstacle au leadership autochtone en matière d’alimentation et de climat, mais sont assimilatrices et contre-productives pour la biodiversité des semences, la surveillance du climat agricole et l’adaptation. Le mouvement d’adaptation de l’alimentation autochtone aux changements climatiques doit être reconnu comme une action climatique essentielle et les producteurs de semences et d’aliments autochtones doivent être engagés en tant qu’acteurs de première ligne de la lutte contre les changements climatiques. Pour une adaptation des aliments autochtones aux changements climatiques qui soit juste et efficace, les acteurs gouvernementaux et à but non lucratif doivent mieux s’en remettre aux définitions autochtones de la réussite et aux évaluations holistiques menées par les Autochtones des activités et des ressources dont ils ont besoin pour agir.La gouvernance et l’autodétermination autochtones doivent orienter l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de financement et d’investissement, ainsi que l’élaboration de plans d’action stratégiques et de politiques liées aux changements climatiques et à l’agriculture qui ont un impact sur les peuples autochtones.Les idées thématiques qui ressortent de l’analyse de cette étude de cas soulignent l’interconnexion de la souveraineté autochtone, de la biodiversité des semences et des aliments et de la résilience climatique, ainsi que le besoin profond de restitution du leadership et des ressources en vue d’un avenir de souveraineté alimentaire juste et résilient face aux changements climatiques.

La conservation autochtone des semences et la souveraineté alimentaire autochtone sont soumises aux pressions de la survie au sein d’un système économique capitaliste imposé, du système alimentaire industriel mondialisé, des changements climatiques et de l’insécurité alimentaire créée par les colonisateurs.