Renverser la vapeur en matière de risques d’inondation

Comment les gouvernements peuvent-ils alléger le fardeau disproportionné des risques d’inondation qui pèse sur les personnes méritant l’équité?

L’amélioration des pratiques de transparence liée aux risques d’inondation peut être un moteur d’équité au Canada.

Les changements climatiques continuent d’accroître les risques d’inondation, et les collectivités ont besoin d’aide pour renforcer leur résilience. L’amélioration de la transparence liée aux risques d’inondation – par la cartographie, la divulgation et la tarification de ces risques – joue un rôle essentiel dans les efforts de protection des gens et des collectivités du Canada. Elle peut aider ces derniers à décider des meilleurs moyens d’éviter, de réduire ou d’éponger les dommages et les pertes dus aux inondations.

Exemples de cartographie, de divulgation et de tarification des risques d'inondation.

Cependant, dans de nombreux cas, les pratiques de transparence en matière de risques d’inondation peuvent avoir des effets négatifs disproportionnés, notamment sur les groupes méritant l’équité. Ces groupes sont plus enclins à vivre en zone inondable et ont plus de difficulté à accéder à des renseignements sur les risques d’inondation. Ils sont également plus susceptibles d’être désavantagés par la tarification fondée sur les risques d’inondation et souvent incapables de se permettre d’habiter dans des zones moins à risque.

Quelles sont les mesures que pourraient prendre les gouvernements afin d’alléger les conséquences disproportionnées et inéquitables de la transparence en matière de risques d’inondation pour les personnes méritant l’équité?

Cartographie des risques d’inondation

Les cartes des risques d’inondation sont des outils incontournables pour comprendre et atténuer les risques d’inondation. Les données actuelles et prospectives précieuses sur ces risques qu’elles présentent peuvent influencer les décisions d’achat, d’investissement et d’adaptation.

Pourtant, ces cartes sont difficiles à trouver, particulièrement pour les endroits où les groupes méritant l’équité sont surreprésentés. Celles qui existent sont souvent désuètes depuis 25 ans ou plus, difficiles d’accès ou trop complexes pour des gens sans compétences techniques.

En 2020, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il commencerait à mettre à jour les cartes disponibles et s’est engagé à le faire pour tout le pays dans le cadre du programme d’identification et de cartographie des aléas d’inondation de son Plan d’action pour l’adaptation. C’est un bon pas vers l’avant, mais rien n’indique que les cartes mises à jour refléteront les effets des changements climatiques.

L’inexactitude ou l’absence de cartes des risques d’inondation peuvent poser problème à toute collectivité. Celles où les groupes méritant l’équité sont surreprésentés pourraient avoir plus de difficulté à se remettre d’une inondation. Les gens de ces collectivités ont souvent moins d’économies pour compenser les répercussions et y perdent en général une plus grande part de leur patrimoine global.

​​Pour que les considérations liées à l’équité soient intégrées efficacement à la cartographie, des consultations publiques sont nécessaires, incluant la mobilisation des parties prenantes et des détenteurs de droits afin de comprendre le contexte local et les répercussions disproportionnées.

Divulgation des risques d’inondation

Pour que la cartographie des zones inondables permette l’atténuation des risques, il faut une divulgation rapide, exhaustive et accessible des renseignements sur les propriétés.

Le principal mécanisme de divulgation des risques d’inondation pendant les transactions immobilières est la déclaration relative à l’immeuble (ou son équivalent). Elle sert à présenter à l’acheteur tout risque lié à la propriété. Par contre, le détail de ce qui doit être communiqué varie selon le territoire, et ces incohérences peuvent empêcher les acheteurs de prendre des décisions éclairées quant aux risques, notamment ceux d’inondation.

Au Canada, les propriétaires ne sont pas actuellement tenus de divulguer les dangers et les risques au sujet de leurs propriétés au cours des transactions de location. Louer un appartement au sous-sol ou dans un quartier sans infrastructures d’eaux usées et de ruissellement adéquates est particulièrement risqué, vu la grande probabilité d’inondation. Les communautés méritant l’équité sont grandement touchées, comme elles sont surreprésentées parmi les locataires.

Les contrats d’assurance de biens et d’assurance locataire ne permettent pas encore d’aviser efficacement les acheteurs et locataires potentiels des risques d’inondation pesant sur la propriété convoitée, et les répercussions sont plus graves pour les communautés méritant l’équité, qui sont surreprésentées dans les zones inondables. Compte tenu de l’essor croissant du marché de l’assurance contre les inondations, les agents devraient être tenus d’aviser leurs clients des dangers et des risques d’inondation associés aux propriétés. Les organismes locaux responsables de la gestion des inondations pourraient également recevoir des modèles d’inondation utilisés dans l’industrie de l’assurance pour souscrire une couverture contre les inondations et s’occuper plus activement de mettre les résidents au courant des répercussions potentielles des dangers d’inondation pour leurs biens et leur assurance.

Tarification

La tarification fondée sur les risques d’inondation peut avoir un effet sur les coûts de l’immobilier, d’assurance et de location, ce qui peut toucher de façon disproportionnée les membres des groupes méritant l’équité.

La compréhension qu’ont les assureurs des risques et des prix concurrentiels influence les primes d’assurance de biens. À mesure que les assureurs gagnent une meilleure connaissance des risques d’inondation, qui sont aggravés par les répercussions climatiques, le coût des assurances grimpe. Au Canada, les primes d’assurance habitation ont augmenté de 20 à 25 % entre 2015 et 2019. Plus de la moitié de cette augmentation est attribuable aux dommages causés par les inondations. En l’absence d’intervention gouvernementale, la protection peut devenir inabordable pour les membres des groupes méritant l’équité vivant dans des zones inondables.

Pour les propriétaires, la divulgation des risques d’inondation peut avoir un effet sur la valeur des propriétés. La valeur des logements et des biens immobiliers peut être considérablement réduite par les inondations catastrophiques, ce qui réduit les économies et limite les options pour la retraite.

La tarification fondée sur les risques d’inondation peut aussi faire grimper les loyers, car les propriétaires font payer la hausse de leurs primes d’assurance à leurs locataires. Ce phénomène touche lui aussi de façon disproportionnée les groupes méritant l’équité, plus susceptibles d’être locataires. Les locataires pourraient se retrouver forcés de déménager ou d’accepter de fortes augmentations de loyer. En réduisant le coût relatif des logements dans les zones inondables et en l’augmentant dans les zones moins inondables, la tarification fondée sur les risques d’inondation pourrait enfermer les groupes méritant l’équité dans un cercle vicieux, ceux-ci se retrouvant obligés de s’installer dans des quartiers plus à risque.

Approche de transparence transformationnelle

Le gouvernement fédéral, ainsi que plusieurs gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones, investissent dans des programmes de cartographie des inondations, mais il reste de grandes lacunes, qui devraient être comblées par des programmes et des stratégies mobilisant les groupes méritant l’équité et prenant en compte la vulnérabilité sociale. À court terme, on pourrait créer des comités de partage des connaissances qui intégreraient divers points de vue dans les initiatives de cartographie. À long terme, les gouvernements devraient passer à l’élaboration conjointe de programmes de cartographie des inondations. En incluant de manière significative les membres des groupes méritant l’équité dans la conception et la mise en œuvre des programmes de cartographie des inondations, on s’assure que les valeurs, les préoccupations et les priorités tiennent compte de la diversité des communautés cartographiées.

Les cartes des risques d’inondation doivent aussi être conçues pour être accessibles par le public, dont les groupes méritant l’équité. Par exemple, les données doivent être faciles à comprendre pour que les gens puissent prendre des décisions éclairées sur la préparation et la résilience aux inondations.

Enfin, le renforcement et la normalisation des exigences et des lignes directrices qui s’appliquent à la divulgation d’informations sur les inondations pour les biens immobiliers et les loyers contribueraient à alléger une partie du fardeau disproportionné imposé aux communautés méritant l’équité.

Résilience accrue contre les risques d’inondation

La mise en place de mécanismes de résilience contre les risques d’inondation est une mesure importante de protection des Canadiens contre les conséquences croissantes des changements climatiques. Pour faire un pas dans la bonne direction, il faudrait améliorer la transparence liée aux risques d’inondation, pour que les gens et les collectivités puissent prendre des décisions plus éclairées.

Découvrez comment des réponses stratégiques peuvent aider à relever les défis liés à l’équité quant à la transparence liée aux risques d’inondation.