Crédit d'image: Sheri Lysons (voir la déclaration de l'artiste sous l'étude de cas)

La solution est communautaire

Expérience de la vague de chaleur extrême de 2021 dans les Premières Nations urbaines, rurales et éloignées de la Colombie-Britannique.

Introduction

Comment la vague de chaleur extrême de 2021 a-t-elle frappé dans les communautés autochtones de la Colombie-Britannique? La recherche et les politiques coloniales dominantes au Canada brossent souvent le portrait d’un groupe défavorisé et vulnérable. Par exemple, plusieurs facteurs décrits dans la littérature suggèrent que la chaleur extrême pose un risque accru pour les Autochtones :

  • Les conditions de vie et le surpeuplement dans les logements sont des facteurs critiques en situation de chaleur extrême. Selon le recensement fédéral de 2021, une personne autochtone sur six vit dans un logement ayant besoin de rénovations importantes (soit près de trois fois la proportion dans la population non autochtone), et plus de 17 % des Autochtones habitent un logement surpeuplé (Statistique Canada, 2021).
  • Au Canada, les Autochtones sont touchés de façon disproportionnée par les conséquences des changements, des urgences et des catastrophes climatiques. Notamment, les personnes vivant sur des réserves sont 18 fois plus susceptibles d’être évacuées pour cause de catastrophe (gouvernement du Canada, 2019).
  • Les Autochtones développent des maladies chroniques en nombre considérablement plus important que les non-Autochtones (Hahmann et Kumar, 2022). Certains problèmes de santé, comme les maladies cardiovasculaires, l’hypertension, les maladies pulmonaires et le diabète, inhibent la thermorégulation du corps et augmentent la sensibilité à la chaleur extrême (BCCS, 2022).

Malgré ces facteurs de risque, l’enquête du Bureau des coroners de la Colombie-Britannique sur la vague de chaleur de juin 2021 a révélé une proportion de décès anormalement basse chez les Autochtones. Le rapport explique ce constat par une sous-déclaration due aux processus de collecte des données et recommande que les peuples autochtones soient consultés « afin que leur voix soit entendue et que leurs besoins soient pris en compte dans la préparation aux vagues de chaleur » (BCCS, 2022). C’est ce que cherche à accomplir la présente étude de cas, au moyen d’une collaboration authentique avec les communautés autochtones.

Méthodologie

Dirigé par Preparing Our Home, un réseau autochtone sur la vulnérabilité et la résilience aux catastrophes, ce projet raconte comment cinq Premières Nations de Colombie-Britannique ont vécu la vague de chaleur de 2021 et les effets cumulatifs subséquents de la chaleur extrême. Ont été organisés quatre cercles de partage ainsi que cinq entrevues en profondeur avec des leaders locaux de la résilience. Les participants pouvaient choisir d’être nommés par leur nom ou par leur nation seulement. Les questions ont été rédigées en collaboration avec eux afin de s’assurer qu’elles reflètent leurs priorités, une approche relationnelle qui favorise l’apprentissage nation à nation et la recherche de solutions.

L’étude porte plus particulièrement sur l’expérience de cinq communautés vivant sur des réserves, ainsi que les leçons apprises (en lien avec les changements climatiques) et les politiques de résilience qu’on peut conséquemment recommander :

  1. Région urbaine : La nation Tsleil-Waututh (« le peuple de la baie »), une communauté salish côtière dont le territoire comprend l’inlet Burrard, les cours d’eau qui s’y déversent et North Vancouver, compte plus de 600 membres. 
  1. Nations rurales de la région intérieure :
    • D’abord connue sous le nom de T’eqt”aqtn (« le lieu de passage »), la bande Kanaka Bar est l’une des 15 communautés autochtones de la nation Nlaka’pamux. Elle vit sur son territoire traditionnel depuis plus de 7 000 ans et compte aujourd’hui entre 70 et 140 résidents (Kanaka Bar Indian Band, 2022).  
    • Le territoire de la nation Líl̓wat s’étend sur 791 131 hectares dans une zone transitoire entre la côte tempérée et les terres intérieures plus sèches de la Colombie-Britannique. La plupart des Líľwat7úl habitent près de Mount Currie, où se concentre la population de quelque 2 200 membres (Líl̓wat Nation, 2022). 
    • La bande d’Adams Lake appartient à la nation Secwépemc et est membre du conseil tribal de la nation Shuswap. Ancien lieu de rassemblement où les gens venaient échanger, socialiser et cueillir racines et baies, Adams Lake compte actuellement plus de 830 résidents (Adams Lake Indian Band, 2022).
  1. Région éloignée : Les Haíɫzaqv (nation Heiltsuk) sont les principaux descendants des locuteurs de l’haíɫzaqvḷa et s’identifient à l’un ou plusieurs de ces cinq groupes tribaux : W̓úyalitx̌v, Q̓vúqvay̓áitx̌v, W̓u̓íƛ̓itx̌v, Y̓ísdáitx̌v et X̌íx̌ís. Pour cette nation de 2 414 membres en pleine croissance, la communauté, l’environnement et l’économie sont intimement liés (Heiltsuk Nation, 2022). 

Contexte

Les terres et les eaux portant le nom colonial de la Colombie-Britannique accueillent 290 210 Autochtones de 200 Premières Nations distinctes, ce qui équivaut à 16 % de la population autochtone du Canada (Premières Nations, Inuits et Métis) et environ 6 % de la population totale de la province (Statistique Canada, 2021). Pour comprendre les effets des phénomènes climatiques extrêmes comme la canicule de 2021 sur les Premières Nations de la Colombie-Britannique, il faut d’abord comprendre le contexte colonial dans lequel ils s’inscrivent.

Perdre sa maison, ses terres, ses eaux et son mode de vie

À l’origine, l’aménagement des maisons et des communautés était pensé en fonction des terres, des eaux et des relations avec les systèmes qui nourrissent la terre. Les maisons étaient adaptées au climat local, aux matériaux disponibles et aux besoins des habitants (pêche, chasse, trappage, commerce, lainerie, menuiserie) (Olsen, 2016).

Maisons traditionnelles des Líľwat7úl, des Secwépemc et des Nlaka’pamux

Regroupés en familles élargies, les Líľwat7úl passaient l’hiver dans des agglomérations de maisons semi-souterraines appelées c7ístkens. Dans les mois plus doux, ils vivaient à l’extérieur, pratiquant la pêche, la chasse et la cueillette au fil de leurs déplacements, sur un territoire traditionnel de près de 800 000 hectares s’étendant des baies côtières aux profondeurs de la forêt pluviale (Gabriel et coll., 2017).

Regroupés en familles élargies, les Líľwat7úl passaient l’hiver dans des agglomérations de maisons semi-souterraines appelées c7ístkens. Dans les mois plus doux, ils vivaient à l’extérieur, pratiquant la pêche, la chasse et la cueillette au fil de leurs déplacements, sur un territoire traditionnel de près de 800 000 hectares s’étendant des baies côtières aux profondeurs de la forêt pluviale (Gabriel et coll., 2017).

Les Secwépemc habitaient eux aussi des c7ístkten (maisons hivernales) pouvant accueillir de 15 à 30 personnes, ou de 4 à 5 familles (Favrholdt, 2022). Ils regroupaient ces c7ístkten en communautés à proximité de sources de nourriture et de sols meubles. Nomades durant l’été pour la chasse, la cueillette et la pêche, les Secwépemc occupaient généralement ces habitations de décembre à mars, selon la rudesse de l’hiver. Réutilisées et rebâties au gré des besoins, ces constructions ont été habitées par les Secwépemc et d’autres peuples de la région intérieure jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Chez les Nlaka’pamux, les maisons semi-souterraines étaient habitées à l’année; conservant leur fraîcheur, elles servaient de refuge en été. On les bâtissait à l’écart des points d’eau pour les garder au sec.

A winter home in the Nicola Valley, believed to have been occupied as late as 1882. The photo was taken in 1908 by archaeologist Harlan I. Smith after the dwelling had been abandoned. Photo credit: Courtesy Secwépemc Museum, Neg. 43101
Une maison hivernale dans la vallée Nicola, qui aurait été occupée jusqu’en 1882. Cette photo a été prise en 1908 par l’archéologue Harlan I. Smith, après que l’habitation a été désertée. Courtoisie du Secwépemc Museum, négatif no 43101.

Avec la Loi sur les Indiens de 1876, le gouvernement fédéral a relégué les Autochtones dans de petites parcelles de terre de mauvaise qualité et s’est octroyé le contrôle sur les logements dans les réserves. Les réserves de la région intérieure étaient petites, certaines bandes n’ont pas eu de réserve, et une communauté s’est même vu attribuer un champ de roches (Harris, 2002). Aucun effort n’a été fait pour protéger les pêcheries autochtones ni les sources d’eau pour l’irrigation. À de nombreux endroits, les colonisateurs ont pris toute l’eau disponible, laissant les réserves dépourvues de cette ressource (Harris, 2002). Les Autochtones ont ainsi perdu les terres, les eaux et le mode de vie qui portaient leurs valeurs communautaires.

Dans les années 1940, l’immixtion gouvernementale dans l’aide au logement s’est répandue : les agents des Indiens se chargeaient de la commande, de la livraison et du paiement des matériaux de construction. C’est à cette époque qu’on a retiré aux résidents des réserves et aux chefs de bande le contrôle des décisions financières et résidentielles (emplacement, types d’habitations, budget). Cette situation a fait disparaître dans les réserves des connaissances sur le logement qui allaient de soi dans le reste de la société (Olsen, 2016).

Or, les infrastructures résidentielles jouent un rôle critique dans la vulnérabilité à la chaleur et les résultats de santé (Samuelson et coll., 2020). Si une habitation de piètre qualité est souvent vue comme un indicateur de pauvreté dans la société, dans le cas des réserves, ce sont les pratiques de la Loi sur les Indiens qui ont créé cette pauvreté (Olsen, 2016). Ces atteintes racistes au droit fondamental à l’hébergement sécuritaire persistent encore aujourd’hui, se manifestant notamment par le surpeuplement dû à l’absence d’habitations adaptées à la cohabitation intergénérationnelle. Avec ce contexte en tête, examinons maintenant la vague de chaleur de 2021.

Chaud, mais à quel point? 

La chaleur extrême de 2021 était inédite. Certaines régions de la Colombie-Britannique ont enregistré des températures record dépassant de 20 °C la normale (tableau 1).

Tableau 1 : Températures enregistrées par les stations météorologiques à proximité des communautés à l’étude, 2021.
LieuMoyenne (juin, juillet)RecordDate (du record)
Lytton24.1° C, 28.1° C49.6° C29 juin 2021
Adams Lake (Kamloops)25.1° C, 28.9° C47.3° C29 juin 2021
Haíɫzaqv (Bella Bella)13.5° C, 16.4° C35.8° C28 juin 2021
Nation Tsleil-Waututh (North Vancouver)14.4° C, 17.0° C40.6° C28 juin 2021
Mount Currie (Pemberton)13.6° C, 16.4° C43.2° C28 juin 2021

Data sourced from Environment and Climate Change Canada

Cet épisode nous a aussi donné un record de température au Canada, soit 49,6 °C le 29 juin 2021, à Lytton, sur le territoire de la nation Nlaka’pamux et les terres arides, escarpées et rocailleuses du canyon du Fraser. Le 30 juin, la communauté s’est envolée en fumée en 21 minutes. Les données de la station météorologique de la bande Kanaka Bar illustrent la situation (figure 2). À noter que certains résidents de Lytton ont pris des photos de thermomètres indiquant des températures supérieures à 50 °C dans leurs véhicules et maisons avant le déclenchement de l’incendie.

Figure 2. Températures du 25 juin au 31 juillet, selon les enregistrements des différentes stations météorologiques de Kanaka Bar (courtoisie de la bande Kanaka Bar).

Ce que cette expérience nous a appris : la solution est communautaire 

En cas de chaleur extrême, quelles solutions s’offrent à nous? Pour les peuples autochtones, c’est la communauté; nous devons d’abord prendre soin les uns des autres. – Patrick Michell, ancien chef de la bande Kanaka Bar et résident de Lytton

Nous décrivons ci-dessous les expériences des communautés pendant la période de chaleur extrême et présentons certains des grands thèmes évoqués dans les cercles de partage, dont les effets de la chaleur sur les terres, les eaux et la nourriture, l’accès aux espaces de rafraîchissement et la lutte pour le climat.

Chaleur extrême de 2021 : le vécu de la nation Tsleil-Waututh

Dans cette nation urbaine côtière, la vague de chaleur extrême a eu des répercussions considérables sur la capacité communautaire. Elle a aussi forcé la relocalisation des Aînés et entraîné de graves conséquences pour les terres et les eaux ainsi que pour la sécurité et la souveraineté alimentaires. L’expérience urbaine, vécue et relatée par Andrea Aleck, directrice de la santé de la nation, est un récit empreint de sagesse technique, culturelle et communautaire.

Effets sur les terres et les eaux : le vécu de la nation Tsleil-Waututh

La vague de chaleur extrême de 2021 s’est aussi lourdement répercutée sur les systèmes terrestres et hydrographiques au cœur du mode de vie autochtone. Les conditions résultantes, inhospitalières pour la faune et la flore, ont eu un effet domino sur la sécurité alimentaire et l’accès aux remèdes traditionnels.

La hausse des températures se fait grandement sentir sur nos eaux. Les marées rouges se font plus courantes, l’érosion côtière s’aggrave avec l’assèchement de la zone intertidale, et on perd la flore marine essentielle à la vie aquatique et au rafraîchissement des estuaires. Le projet de plantation de zostère marine de la nation Tsleil-Waututh vise à atténuer certains de ces effets, ce qui favorise la survie des espèces indigènes tout en créant des occasions d’implication et d’apprentissage culturels dans la communauté. La connexion avec nos terres et nos eaux étant une composante de la santé, cette initiative fait la promotion d’une communauté saine en même temps de combattre la détérioration de l’environnement. – Andrea Aleck, directrice de la santé, Tsleil-Waututh

Effets sur la sécurité et la souveraineté alimentaires : le vécu de la nation Tsleil-Waututh

Andrea a expliqué en détail l’incidence de la chaleur extrême sur les systèmes et la souveraineté alimentaires autochtones, mais elle a aussi mis en avant des façons dont la nation puise dans ses forces pour trouver des solutions novatrices et adaptatives.

La sécurité et la souveraineté alimentaires sont au cœur des préoccupations des services de santé; il est important que la planification tienne compte des répercussions des phénomènes météorologiques extrêmes comme la vague de chaleur de 2021 sur ces éléments. Nous avons mis au point un plan stratégique quinquennal misant sur la souveraineté alimentaire et les jardins communautaires qui prévoit la construction d’une installation hydroponique permettant de faire pousser des légumes prêts à consommer en un rien de temps. – Andrea Aleck, directrice de la santé, Tsleil-Waututh

Chaleur et accès au rafraîchissement : vécu de la nation Tsleil-Waututh

Communauté côtière installée au pied des montagnes du North Shore, la nation Tsleil-Waututh a toujours pu s’abriter de la chaleur grâce au couvert forestier et aux points d’eau. Néanmoins, la crise de 2021 a demandé un effort supplémentaire pour protéger les Aînés et les membres vulnérables de la population.

La santé communautaire a joué un rôle central dans la gestion de la vague de chaleur extrême. Rapidement, un état des lieux de la situation des Aînés a été dressé : les affections préexistantes, le milieu de vie et les stratégies possibles pour atténuer les effets de la chaleur dans les maisons. Dans une optique de continuité des soins, les prestataires de soins communautaires et à domicile ont procédé à des vérifications du bien-être plus poussées, ce qui les a menés au constat suivant :

Les Aînés ont reçu des ventilateurs, et parfois des climatiseurs, mais ils ne les utilisaient pas parce qu’ils ne pouvaient pas assumer les coûts de l’électricité. Nous avons donc dû prendre des mesures supplémentaires, comme l’évacuation des Aînés de la communauté dans des hôtels de communautés allochtones voisines. Mais les Aînés sont réticents à quitter leur maison et leur communauté. En tant qu’équipe de santé et membres de la communauté, nous savons qu’il est important, autant que possible, de garder les gens chez eux, là où ils se sentent en sécurité et où leur famille est à proximité. Toutefois, dans cette situation, il était évident que nous devions déplacer temporairement les Aînés dans des endroits plus frais. Pour assurer leur sécurité, nous leur avons permis d’emmener avec eux un compagnon ou un aidant, ce qui a convaincu environ 80 % des Aînés d’accepter l’offre. – Andrea Aleck, directrice de la santé, Tsleil-Waututh

Vécu en région rurale : bande Kanaka Bar, bande d’Adams Lake et nation Lil’wat 

Les phénomènes dangereux se sont accumulés dans la région intérieure de la Colombie-Britannique; du feu incontrôlé d’Elephant Hill, qui a dévasté la bande d’Ashcroft en 2017, à l’incendie ravageur de Lytton, en 2021, ces phénomènes augmentent en fréquence et en gravité depuis cinq ans. La chaleur extrême de 2021 a d’ailleurs engendré des conditions sans précédent.

On pouvait presque entendre l’air crépiter. C’était tellement étrange; on pouvait sentir les arbres. L’énergie des arbres était forte, comme si on avait mis une branche de pin sur un rond de poêle. Une odeur qui était partout dans l’air et à laquelle on ne pouvait échapper, peu importe où l’on se trouvait. – Sheri Lysons, ancienne infirmière auxiliaire autorisée et chef du service d’incendie au moment de l’incident, bande d’Adams Lake

La durée de la vague de chaleur extrême de 2021 a apporté son lot d’inquiétudes, comme l’explique Patrick Michell, ancien chef de la bande Kanaka Bar et résident de Lytton : « Parmi les changements, on note une hausse dans la fréquence, la durée et l’intensité des vagues de chaleur extrême. J’insiste sur la durée : le record précédent à Lytton était une seule journée à 44,4 °C, mais en 2021, ce qu’on a vu, ce sont des températures frôlant les 50 °C pendant plusieurs jours. Qu’advient-il lorsque de telles températures persistent? Ce ne sont pas que les résidents qui sont touchés, mais aussi les terres et les eaux. »

Effets sur les terres, les eaux et la nourriture : le vécu en région rurale

Comment pouvons-nous, en tant qu’Autochtones, vivre avec le fait que notre terre natale se meurt? Je m’étais préparé aux effets physiologiques – je m’étais même préparé mentalement –, mais je n’étais pas nécessairement préparé aux répercussions sur les écosystèmes. Ça, c’est une tout autre chose : notre terre côtière se change en désert. – Patrick Michell

Selon les participants aux cercles de partage, ces phénomènes extrêmes sont le présage d’un profond déséquilibre écosystémique, un avertissement transmis par les animaux, les insectes, les arbres et la terre. Par exemple, la chaleur a accéléré le cycle de reproduction des mouches domestiques, causant des essaims d’insectes. Elle a aussi fait exploser le nombre de moustiques et rendu les guêpes plus agressives. Il est impératif de prendre ces avertissements au sérieux.

Je crois qu’il est grand temps de commencer à écouter la terre plutôt que d’écouter la science à tout prix; notre terre a des milliers d’années d’expérience, elle connaît bien ces cycles, et nous devons lui faire confiance. Portez attention à ce que nous disent les animaux, les bourgeons, les eaux. Ils ont les réponses. Il suffit d’écouter. – Sheri Lysons, bande d’Adams Lake

La chaleur extrême s’est accompagnée d’une sécheresse. Ensemble, ces deux phénomènes ont bouleversé les cycles de vie des graines et des plantes, ce qui a entraîné le déplacement des animaux et même celui, dans une moindre mesure, des arbres. Dans un objectif d’adaptation, la bande Kanaka Bar s’est créé des réserves d’eau pour pouvoir alimenter les écosystèmes, s’hydrater, éteindre les incendies et irriguer les cultures même en période de canicule et de sécheresse.

La chaleur, les insectes et la sécheresse ont lourdement perturbé la récolte et les initiatives de préservation de la nourriture. Les baies et les fruits se sont desséchés sur les buissons et les arbres, les ours ont manqué de nourriture, et la préservation des aliments a été compromise, la mise en conserve produisant humidité et chaleur. « L’été, même sans vague de chaleur et même dans un logement écoénergétique, quand il y a 17 personnes dans la maison et qu’on fait cuire une dinde ou du poisson, ou qu’on passe quatre heures à faire des conserves, la chaleur monte et reste à l’intérieur. Comment donc cuisiner en période de chaleur extrême? » se demande Patrick. Certaines familles ont utilisé une structure annexe à la maison pour cuisiner à l’extérieur, une stratégie cruciale pour l’autosuffisance alimentaire.

Chaleur et accès au rafraîchissement : le vécu en région rurale 

En raison d’expériences passées, les communautés de la région intérieure se sont avérées mieux adaptées à la chaleur extrême sur les plans du cadre bâti et de la climatisation. Voici les stratégies utilisées dans les maisons et à l’échelle communautaire.

Accès aux espaces frais dans les communautés 

Nous avions déjà affronté 42 ou 43 °C sans laisser la température nous arrêter, mais nous ne savions pas comment survivre à 50 °C. Finalement, il s’agissait de rester à l’intérieur et d’attendre que ça passe – comme tout le reste. – Patrick Michell

Auparavant, les communautés trouvaient refuge près de l’eau pendant les chaleurs d’été. Lacs, ruisseaux et rivières devenaient les protecteurs naturels, offrant un répit salutaire et rassemblant familles et communautés. « Dans ma communauté, tout le monde allait au ruisseau. À 11 h, quand il commençait à faire chaud, on s’assoyait dans l’eau », raconte Patrick.

Or, les changements climatiques compliquent ces traditions : « Le problème, c’est qu’en juin, le ruisseau Lytton ne coule plus, si bien que nous ne pouvons pas profiter de l’eau de surface. Il y a bien le fleuve Fraser et la rivière Thompson, mais la température de l’eau y atteint 20 à 23 °C. C’est la température d’un bain! En quoi est-ce rafraîchissant? »

Nous habitons juste à côté du lac. Nous avons toujours eu l’eau et la rivière pour nous rafraîchir, mais l’eau était aussi chaude que celle d’un bain [pendant la vague de chaleur], même au milieu du lac. Normalement, le courant refroidit l’eau, mais là, c’était pénible. – Sheri Lysons, bande d’Adams Lake

Heureusement, il y avait les espaces communautaires de rafraîchissement. Dans les communautés d’Adams Lake et de la nation Lil’wat, le bureau de bande, le centre de santé et d’autres bâtiments désignés étaient ouverts pendant les heures de bureau, et parfois jusqu’à 20 h, voire 21 h. Ces centres de rafraîchissement étaient des espaces communautaires respectés où les Aînés pouvaient se rencontrer. Cependant, leurs heures d’ouverture limitées ont posé problème, surtout avec la chaleur des nuits. La bande Kanaka Bar a donc donné le code d’entrée du centre communautaire aux résidents, pour qu’ils puissent s’y réfugier à toute heure. Du personnel veillait aussi au grain de nuit pendant la crise.

Accès au rafraîchissement dans les maisons

La chaleur de 2021 était particulièrement insupportable dans la région intérieure, où les nuits ne se refroidissaient pas, et encore moins à Lytton. Patrick se rappelle : « D’habitude, quand il fait 42 °C, la température descend à 20 quelques degrés la nuit. Mais pendant la vague de chaleur, le mercure demeurait dans la haute trentaine même la nuit. Impossible d’y échapper. » Les températures élevées de nuit sont un facteur de risque majeur pour les décès liés à la chaleur (He et coll., 2022).

À mesure que la chaleur s’est répandue dans la région intérieure, des systèmes d’entraide se sont organisés. Les ménages qui possédaient un climatiseur logeaient des membres de la famille qui n’en avaient pas. « Ma fille, mes petits-enfants et mon fils sont venus rester chez moi parce que c’était climatisé », explique Sheri.

Récemment, les communautés ont lancé des initiatives pour construire des logements écoénergétiques mieux isolés. Sans système de circulation d’air, les maisons emmagasinaient la chaleur, surtout la nuit. « Les chambres sont à l’étage, où il faisait le plus chaud. C’était humide dans la maison; on transpirait comme si on avait fait du sport », précise Casey Gabriel, chef du service d’incendie de la nation Lil’wat. Les résidents dont la maison avait un sous-sol où se réfugier la nuit s’en tiraient beaucoup mieux. Certains affirmaient même qu’il faisait « 50 % plus frais » au sous-sol.

Vécu en région éloignée : Haíɫzaqv (nation Heiltsuk)

Le saumon est notre principale source de nourriture, et il est au bord de l’extinction. Ça se voit sur toute la côte. Les ours sont maigres. Tout le monde souffre du réchauffement climatique. ~ Membre des Haíɫzaqv 

Effets sur les terres, les eaux et la nourriture 

Sur l’île Campbell, au large de la côte centrale de la Colombie-Britannique, se trouvent les Haíɫzaqv de Bella Bella. Cette communauté côtière vit depuis 9 000 ans des cadeaux de la terre et des eaux, mais voilà que les changements climatiques et la chaleur extrême bouleversent profondément son mode d’alimentation :

Il y a quelques années, nous avons eu deux ou trois étés consécutifs avec des vagues de chaleur. Beaucoup de saumons sont morts avant d’atteindre les rivières; il n’y avait pas d’eau où pondre des œufs. Depuis, avec les changements climatiques, nos populations de saumons sont presque disparues. – Randy Carpenter, coordonnateur des situations d’urgence de la nation Heiltsuk

Thousands of salmon dying in the Neekas River. Photo credit: Sarah Mund, taken on Heiltsuk Territory.
Des milliers de saumons morts dans la rivière Neekas (photo de Sarah Mund, prise sur le territoire heiltsuk).

La chaleur s’est également répercutée sur l’eau potable et les ouvrages publics de gestion des eaux :

Le niveau du barrage était très bas. Je pense qu’ils ont déversé le contenu de 100 ou 150 camions. Maintenant, on a beaucoup d’eau, probablement assez pour durer quatre à six mois sans pluie. – Randy Carpenter

La continuité culturelle en a aussi pris un coup : des cérémonies officielles ont été annulées, et les activités de préservation des aliments (mise en conserve et fumage) ont été suspendues tant à l’intérieur qu’à l’extérieur en raison de la chaleur et des interdictions de feu :

Avec la vague de chaleur, on ne pouvait pas allumer de feu; il était donc impossible de faire griller le poisson par nos méthodes traditionnelles. On s’est retrouvés dans l’incapacité de transformer, de préserver ou d’emmagasiner le poisson. – Membre des Haíɫzaqv

Chaleur et accès au rafraîchissement dans la communauté

Pour les Haíɫzaqv, la chaleur a eu des répercussions majeures sur les infrastructures et les services. En effet, cette communauté éloignée dépend de l’aéroport local pour son approvisionnement essentiel; or, les températures élevées réduisent la densité de l’air, ce qui complique le décollage et l’atterrissage, surtout sur une piste unique courte :

[La portance réduite par la chaleur] nous obligeait à diminuer les quantités de combustible, de passagers, de tout. La température influait aussi sur la masse à l’atterrissage, une conséquence grave pour nous qui dépendons du transport aérien en dans les situations d’urgence… Dans des communautés voisines, des gens avaient besoin de médicaments vitaux… Ils ont eu du mal à se les procurer pendant la vague de chaleur.  ~ Kathy Sereda, Haíɫzaqv participants

Vivant en région éloignée, la nation s’appuie sur une approche entièrement relationnelle pour gérer les situations d’urgence : un comité de préparation composé de 21 membres.

Toute la communauté y est représentée : le service d’incendie, l’hôpital, le centre de transferts en santé, l’école, la GRC, la Garde côtière auxiliaire canadienne, un conseiller, un agent de santé et sécurité du conseil tribal, et des représentants du logement, de la réconciliation, des finances et des communications. Ce qui fait notre force, c’est que nous nous rencontrons souvent six à huit fois par mois. ~ Randy Carpenter, membre de la Première Nation Heiltsuk

Pendant la vague de chaleur extrême de 2021, aucun des bâtiments communautaires n’avait l’air conditionné, car ces températures étaient sans précédent sur le territoire. Au moment du cercle de partage à l’hiver 2023, la nation travaillait à rectifier la situation. « Nous serons préparés pour l’été. Nous aurons un espace dédié et des climatiseurs. Nous serons prêts à l’éventualité d’une autre vague de chaleur extrême [cet] été », affirme Randy.

Accès au rafraîchissement à la maison : Haíɫzaqv Climate Action

“Être un Haíɫzaqv, c’est agir et parler de façon digne d’un être humain en harmonie avec le monde naturel et surnaturel. C’est vivre dans le respect de nos ǧvi̓ḷás (lois traditionnelles). Il est de notre devoir de poser des gestes immédiats et concrets pour combattre les changements climatiques.” (Haíɫzaqv Climate Action, 2023)     

Le plan H̓íkila qṇts n̓ála’áx̌v (« protéger notre monde ») d’Haíɫzaqv Climate Action a été salué partout en Colombie-Britannique et au Canada. Né d’un déversement de carburant qui a détruit 60 % des bancs de palourdes et de poissons de la communauté, il vise à éliminer la dépendance au diesel, notamment assurant le chauffage et la climatisation des habitations par un projet de thermopompes. « Il y a une nouvelle initiative pour changer les sources d’énergie dans la communauté. Il me semble que ce sont entre 150 et 200 maisons qui ont entièrement remplacé le carburant et le bois par l’électricité ces dernières années », relate un membre de la nation. Le remplacement des combustibles permet non seulement de préparer la communauté à la chaleur extrême, mais aussi de rendre l’énergie plus abordable et moins polluante. En effet, les coûts annuels moyens du chauffage et de l’électricité, s’élevant précédemment à 3 600 $ par ménage, ont chuté de plus de 1 500 $. De même, pour chaque maison qui adopte les thermopompes, la production d’émissions de gaz à effet de serre diminue de cinq tonnes par an, et la consommation de diesel, de 2 000 litres par an (Haíɫzaqv Climate Action, 2023).

Cependant, la croissance récente de la communauté, combinée au remplacement des combustibles, met les lignes électriques à rude épreuve. La nation subit des pannes de courant prolongées très anxiogènes pour les résidents, qui dépendent de l’électricité pour se chauffer l’hiver et se rafraîchir l’été.

“Nous avons beaucoup de thermopompes, et il faut une grande quantité d’énergie pour les alimenter. Le projet est en expansion, et plus de thermopompes sont à venir ce printemps. Mais il ne faut pas oublier nos lignes électriques. Sont-elles capables de transporter autant d’énergie, et quels sont les risques qui nous guettent?” ~ Ralph Humchitt, membre des Haíɫzaqv

Discussion et recommandations : le travail est loin d’être terminé

Si on veut que les gens s’adaptent, on doit leur donner les faits.” Patrick Michell

Dans toutes les communautés, l’environnement connaît des changements importants aux répercussions catastrophiques sur les terres, les eaux et la vie humaine et non humaine. La vague de chaleur extrême essuyée par la Colombie-Britannique en 2021 a créé un précédent terrifiant et inédit, dont les effets « se feront sentir sur plusieurs générations », selon Sheri.

Les trois types de milieux étudiés – urbains, ruraux et éloignés – présentent des similitudes et des différences. Par exemple, les communautés urbaines ont pu placer les Aînés dans des hôtels pendant la canicule. Les agglomérations rurales de la région intérieure comptaient davantage de logements équipés de climatiseurs, en raison de vagues de chaleur précédentes. Et la communauté éloignée des Haíɫzaqv, ayant toujours vécu dans un climat modéré, ne disposait en 2021 d’aucun bâtiment communautaire climatisé.

Parmi les limites de l’étude de cas, notons que toutes les communautés consultées vivaient sur des réserves. Le portrait demeure donc incomplet quant au vécu des populations hors réserve, particulièrement celui des personnes en situation de logement précaire ou d’itinérance et aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie.

La résilience des Autochtones, le produit d’une culture de protection  

La culture est pour les Autochtones la base même de la vie et une source de force innée. Elle est indissociable de leurs valeurs, soit la famille, la communauté, la langue et la terre. Pour chacun des cas étudiés, le rôle protecteur de la culture se fait sentir dans le récit de la vague de chaleur : l’attention portée aux Aînés, la relation avec la terre, l’alimentation traditionnelle et l’action collective.

Notre étude de cas présente l’autre côté de la médaille des canicules en Colombie-Britannique. Si l’on considère généralement que les résultats sont influencés par le statut socio-économique et l’état de santé (des facteurs de vulnérabilité individuels), notre étude démontre que les valeurs de la société pèsent aussi dans la balance. Par exemple, lorsque les Aînés sont valorisés, ils sont protégés. Ainsi, bien que certains Aînés vivent dans des logements de qualité inférieure, aient des problèmes de santé ou n’aient pas l’air conditionné à la maison, la solidarité et l’attention de la communauté permettent le déploiement efficace de ressources informelles et officielles pour les protéger.

Recommandations:

  1. Axer la planification de la résilience autochtone sur les droits autochtones, sur l’importance du savoir et de la langue autochtones, sur la présence de structures de gouvernance autochtones et sur la force intergénérationnelle de la culture.  Investir dans la culture, c’est investir dans la résilience. Nous devons déployer des investissements concrets pour promouvoir une culture (à l’échelle aussi bien locale que sociétale) dans laquelle les Aînés sont reconnus, valorisés et protégés pour assurer leur sécurité.
  2. Favoriser des approches tenant compte des traumatismes dans la planification des interventions. Bien que toutes les communautés aient placé les Aînés au cœur de leurs préoccupations, ce ne fut pas chose facile, notamment en raison de l’absence d’espaces de rafraîchissement de nuit et des enjeux de mobilité limitant l’accès aux sources de rafraîchissement naturelles (ex. : lacs et rivières). De plus, les communautés ont rapporté des difficultés majeures en lien avec le désir d’indépendance des Aînés. Le stoïcisme autochtone (« d’autres ont plus besoin d’aide que moi ») ainsi que la honte et la stigmatisation entourant les services coloniaux ont aussi été cités parmi les obstacles. La planification des interventions doit donc tenir compte des traumatismes, dans la communauté et à l’échelle du système.

Accumulation des catastrophes et des traumatismes : une peur qui hante les communautés

On note dans les communautés une distinction claire entre les conséquences de la vague de chaleur de 2021 et les répercussions cumulatives des catastrophes subséquentes. Par exemple, la nation Nlaka’pamux ressent encore les effets du feu incontrôlé qui a ravagé Lytton, la Première Nation de Lytton et certaines habitations de la bande Kanaka Bar; les résidents ont été relocalisés et ne peuvent pas réintégrer leur communauté. Cet événement, qui n’est pas sans rappeler le feu incontrôlé vécu par la bande d’Ashcroft en 2017, a laissé dans son sillage une peur profonde, alimentée par la fréquence et l’intensité croissantes des vagues de chaleur extrême, des vents forts et des sécheresses.

La gestion des situations d’urgence et les politiques publiques s’axent généralement sur les événements récents, et la planification des interventions se fait souvent en vase clos, en ne visant qu’un danger à la fois. Si le communautaire offre son lot de forces et de solutions, il ne suffira pas à combattre les effets cumulatifs à long terme de la chaleur et de tout ce qui en découle : sécheresses, feux incontrôlés, fumée dense, déplacement de la faune et mortalité des arbres et des animaux. La cause fondamentale de ces catastrophes – et de la terreur existentielle qu’elles engendrent – s’étend bien au-delà des territoires autochtones, qui subissent le gros des conséquences.

Recommandation: 

  1. Reconnaître et prendre en compte les forces, les vulnérabilités et les besoins propres aux Premières Nations urbaines, rurales et éloignées. Il s’agit de mettre fin à la planification en cloisonnement, d’assurer la préparation aux effets cumulatifs des vagues de chaleur à l’échelle des bassins versants, de la province et du pays, et d’investir dans l’étude des relations complexes entre la chaleur extrême et ces effets cumulatifs.

Recueillir des données par site, construire des maisons durables pour les prochaines générations et réduire la dépendance au réseau     

Comme le montre notre étude de cas, les plans d’intervention doivent s’appuyer sur des données propres à chaque communauté, car les territoires de la Colombie-Britannique – des steppes semi-désertiques de la région intérieure aux forêts pluviales des côtes – ont des géographies et des climats fort variés. Même à Lytton, les températures enregistrées par la station météorologique ne correspondent pas à celles observées dans les véhicules et les maisons. Ainsi, les stations dans des endroits plus frais ne rendent pas toujours compte des variations localisées attribuables à la chaleur rayonnante dans les bâtiments et aux éléments topographiques comme les canyons. Nous ignorons si les stations météorologiques ont été optimisées pour mesurer les extrêmes. Outre la température, d’autres facteurs comme l’humidité, la circulation d’air et la chaleur rayonnante doivent entrer en ligne de compte. Il est aussi important que les communautés disposent de données climatiques provinciales (ex. : les données de BC Station) pouvant être utilisées aux fins de planification sans connaissances techniques approfondies. Les gouvernements provincial et fédéral pourraient notamment offrir du financement pour la surveillance du climat à l’échelle des communautés, ce qui jetterait des fondations solides pour l’adaptation.

Enfin, bien que cette étude de cas porte sur la vague de chaleur extrême de 2021, les participants ont aussi nommé plusieurs autres événements récents et souligné l’importance de se préparer au froid extrême, surtout en situation de panne de courant. Les pannes, les réparations en situation météorologique extrême et le potentiel d’une défaillance générale prolongée sont autant de facteurs à considérer à l’échelle régionale et provinciale. Au sein des communautés, il est essentiel de se pencher sur la pauvreté énergétique et le coût prohibitif du rafraîchissement, surtout chez les personnes en situation de handicap ou vivant de l’aide sociale. Les politiques coloniales ont créé des logements « [soi-disant] universels », qui finissent surpeuplés (non prévus pour la cohabitation intergénérationnelle), sont mal bâtis et mal isolés (faits de matériaux de piètre qualité) et ne sont pas adaptés au climat local.

Recommandations: 

  1. Utiliser des données localisées et des approches adaptées au milieu pour bâtir des maisons résilientes au climat et moins dépendantes de l’énergie pour les besoins de rafraîchissement. Les éléments de conception passifs (qui n’ont pas besoin d’énergie pour offrir de la fraîcheur) contribuent à la sûreté des habitations en cas de panne pendant une vague de chaleur extrême.
  2. Définir de meilleurs indicateurs de la préparation aux vagues de chaleur extrême. Quel est l’objectif? Installer 100 climatiseurs dans 100 maisons, obligeant toutefois les résidents vulnérables à assumer la responsabilité et les coûts en énergie de ces dispositifs pour leur propre sécurité? Insister sur la responsabilité morale de prendre soin les uns des autres? Faire respecter l’obligation juridique des propriétaires de fournir des logements sécuritaires? Combattre l’individualisme, la solitude, l’isolement et la négligence sociale? 

Conclusion

Les expériences en lien avec la vague de chaleur de 2021 relatées dans cette étude de cas nous donnent un aperçu des vulnérabilités et des forces au sein des communautés. Elles révèlent aussi que les répercussions de l’événement sur les terres, les eaux et les résidents sont encore bien présentes chez les Autochtones. Maintenant que les vagues de chaleur extrême sont un danger auquel toutes les communautés doivent se préparer, la sagesse autochtone doit être placée au cœur des efforts collectifs pour accroître la résilience. Les récits rapportés ici présentent des solutions appliquées et posent les bases de recommandations de politiques en faveur d’une résilience accrue dans les communautés autochtones et allochtones.

Déclaration de l’artiste Sheri Lysons:

“Lorsqu’on m’a demandé de peindre mon interprétation du changement climatique, j’avais une image bien différente en tête. J’ai commencé environ huit peintures différentes, mais aucune ne correspondait à ce que j’avais imaginé. Je me suis battue pour la réaliser, mais elle ne venait tout simplement pas. À un moment donné, j’ai eu l’impression que c’était au-delà de mes capacités. C’est alors que m’est venue l’idée de la roue de la médecine : lorsque l’humanité est déséquilibrée, tout souffre. À l’heure actuelle, notre planète est en crise. Nous connaissons des chaleurs extrêmes, des incendies, des inondations et des destructions à un niveau monumental. Pour guérir notre planète, nous devons guérir l’eau. Ces peintures sont destinées à montrer l’espoir et la guérison.” – Sheri Lysons

Références

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