Cet article d’opinion a d’abord été publié dans Corporate Knights.
Le nouveau Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada propose une feuille de route complète, ambitieuse et transparente pour atteindre les objectifs climatiques nationaux. Prenant appui sur une modélisation crédible, il représente un grand pas en avant.
Mais c’est encore trop peu.
Si la modélisation est essentielle à la planification, ce n’est pas elle qui réduit les émissions réelles ou nous rapproche de nos objectifs. Notre réussite dépendra de la stratégie adoptée par le gouvernement pour déployer ses politiques – et de sa rapidité d’action.
Heureusement, le Plan est décent; selon notre analyse indépendante, il permettra de réduire les émissions de tous les secteurs et de toutes les sources de pollution majeures de notre économie.
Malheureusement, le Canada a moins de neuf ans pour concevoir et mettre en œuvre la plupart des politiques proposées dans le Plan. Selon notre évaluation, les politiques annoncés devraient permettre d’éliminer 100 mégatonnes d’émissions, soit 43 % de la cible, mais leur élaboration et leur déploiement sont encore dans les cartons. Et comme ne le savent que trop bien les mordus de politiques climatiques du pays, les consultations réglementaires et le processus de conception sont chronophages.
Le gouvernement fédéral doit user du peu de temps à sa disposition pour s’attaquer au plus important : les politiques qui, bien élaborées, assureront la majeure partie des réductions attendues. Voici donc les cinq politiques qui, selon notre analyse et notre modélisation, entraîneront environ les deux tiers des réductions d’émissions nécessaires pour atteindre la cible de 2030 du Canada :
- Ajustement continu de la tarification fédérale du carbone : Le gouvernement doit continuer de resserrer son système de tarification du carbone pour assurer de nouvelles réductions.
- Fixation d’un plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier : En tenant compte des interactions entre les politiques et la tarification du carbone, les règlements relatifs au méthane, etc., le Plan prévoit une réduction des émissions du secteur de 42 % par rapport aux niveaux de 2019 d’ici 2030. Ce plafond est bas; il faudra faire quelques pirouettes technologiques et financières pour le respecter.
- Création d’une norme sur l’électricité propre : Une norme visant la carboneutralité du réseau électrique d’ici 2035 est fondamentale à la décarbonisation du reste de l’économie.
- Parachèvement de la Norme sur les combustibles propres : Son élaboration s’est avérée quelque peu chronophage et ses dispositions devront être resserrées bien avant 2030.
- Déploiement urgent de projets pour réduire les émissions associées à l’utilisation des terres : Le Plan repose en grande partie sur les solutions naturelles. Le Canada doit agir rapidement pour planter des arbres, modifier les pratiques d’utilisation des terres et déployer des solutions réalistes à plus grande échelle.
Réductions projetées des politiques pour atteindre la cible de 40 % sous les niveaux de 2005
Ces cinq grandes priorités sont confrontées à la volonté d’exhaustivité du Plan de réduction des émissions, qui rassemble une quantité impressionnante de politiques auparavant éparpillées dans divers documents fédéraux. Par leur nombre seul, ces politiques permettront de réduire les émissions de tous les secteurs et de toutes les sources de pollution majeures de l’économie. Mais ce nombre est aussi une lame à double tranchant.
En effet, le recoupement de politiques nuit parfois à leur efficacité. Compte tenu de ce risque et de l’urgence générale de réduire les émissions du Canada, nous avons toutes les raisons de nous concentrer dans l’immédiat sur les cinq politiques qui nous feront parcourir le plus de chemin. Si nous réussissons à mettre en place ces politiques, il sera plus facile de placer le reste des pièces sur l’échiquier.
Voilà donc que nous entrons dans une décennie de gouvernance climatique. Le Canada a un plan. Un bon plan. Peut-être n’est-il pas parfait, mais ce n’est pas grave, car même si le temps presse, cette course demeure davantage un marathon qu’un sprint. Le Plan de réduction des émissions pour 2030 n’est qu’une première étape, pas la dernière. La priorité, maintenant, ce sont les résultats. Mettons le cap sur les cinq politiques qui nous feront parcourir le plus de chemin.
C’est ce à quoi doivent désormais collaborer le gouvernement, l’industrie, les experts-conseils et les experts des politiques climatiques.