Cet article a précédemment été publié dans The Hill Times.
Le Canada s’affaire à accroître sa compétitivité pour appuyer le commerce interprovincial et international et stimuler la croissance économique, et avec raison. Mais il n’y a pas que la nouvelle imprévisibilité américaine qui menace la compétitivité du pays. Les risques climatiques croissants peuvent miner tout autant les efforts d’édification nationale. À l’inverse, l’intégration proactive de la résilience à ces efforts peut rapporter gros.
L’infrastructure commerciale du Canada est particulièrement vulnérable aux changements climatiques. Épine dorsale de l’économie canadienne, le commerce est essentiel pour prévenir les répercussions des tarifs de l’administration Trump. En cette période de reconfiguration du commerce mondial, il est plus important que jamais que les routes, les chemins de fer et les ports canadiens continuent d’acheminer les marchandises et les services au-delà des frontières internationales et interprovinciales. Mais vu le climat qui se déstabilise, ces voies sont de plus en plus souvent perturbées.
Les dommages que les tempêtes causent aux infrastructures, aux chaînes d’approvisionnement et aux collectivités représentent déjà un fardeau économique et menacent de plus en plus la prospérité à long terme. Les données réelles montrent l’effet croissant des phénomènes climatiques sur l’infrastructure, la santé et la productivité. Les pertes assurées et non assurées causées par les inondations, les feux incontrôlés, la grêle, les tempêtes de verglas et les vents ont monté en flèche. En 2024, les dommages matériels assurés au Canada ont atteint 8,5 milliards de dollars, soit douze fois la moyenne annuelle de 700 millions de dollars entre 2000 et 2010. Et pour chaque dollar de dommages assurés, environ deux dollars de dommages non assurés s’ajoutent aux pertes économiques.
Bref, il tarde à l’ensemble du Canada de repenser ses politiques économiques et de résilience climatique.
Sans mesures d’adaptation décisives, les dommages climatiques et leurs conséquences sur l’économie canadienne ne feront qu’empirer. Selon les recherches de l’Institut climatique du Canada, les coûts supplémentaires engendrés au pays par les changements climatiques depuis 2015 ont atteint 25 milliards de dollars en 2025, l’équivalent de six mois de croissance du PIB. Si nous n’agissons pas maintenant, ce montant pourrait atteindre 78 à 101 milliards de dollars d’ici 2050, et un énorme 391 à 865 milliards de dollars d’ici 2100.
En 2021, les inondations extrêmes en Colombie-Britannique, rendues 60 % plus probables par les changements climatiques, ont coupé toutes les routes principales entre le port de Vancouver et le reste du Canada. La route de Coquihalla à elle seule a été endommagée à plus de 20 endroits, interrompant le transport de marchandises valant des milliards de dollars. Des lignes de chemin de fer ont été brisées, des camionneurs ont dû faire un détour par les États-Unis, des agriculteurs ont perdu du bétail et des exportateurs de céréales ont subi des retards massifs. Ces répercussions ne sont pas localisées : elles causent un choc économique à tout le pays.
Pour protéger son avenir économique, le Canada doit adopter une approche de renforcement de ses actifs qui correspond à l’ampleur et à l’urgence de la menace croissante et omniprésente d’un océan à l’autre.
À l’avenir, il faut voir l’infrastructure résiliente comme un projet d’intérêt national. Notre modélisation montre que les retombées sont substantielles : chaque dollar investi dans des mesures clés d’adaptation évite des pertes de PIB de 15 $. D’autres pays comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande agissent déjà, ayant reconnu l’importance des infrastructures et des chaînes d’approvisionnement résilientes à la stabilité économique.
Le Canada doit investir en lui-même et renforcer l’infrastructure essentielle au commerce qui permettra à son économie de résister aux chocs climatiques. Si nous ne parvenons pas à suivre le rythme, notre vulnérabilité augmentera et notre compétitivité s’amenuisera.
À l’instar de l’infrastructure énergétique, les grands projets d’adaptation, notamment ceux liés au commerce et à la productivité, exigent une action urgente et coordonnée de la part des gouvernements fédéral et provinciaux. La priorité immédiate des gouvernements du pays devrait être de protéger les corridors commerciaux et les infrastructures économiques contre les changements climatiques. Il faudra :
- déterminer quelles infrastructures commerciales essentielles sont menacées par des phénomènes climatiques extrêmes, par exemple celles des basses terres continentales de la Colombie-Britannique ou de l’isthme de Chignecto du Canada atlantique;
- consacrer une part des investissements dans les infrastructures commerciales – comme les 5 milliards de dollars promis par le Fonds pour la diversification de corridors commerciaux – à rendre celles prioritaires plus résilientes;
- établir des exigences techniques claires pour les nouveaux projets d’infrastructure commerciale afin d’assurer leur résilience aux changements climatiques.
La résilience climatique n’est plus négociable. Il faut redéfinir les investissements dans l’adaptation aux catastrophes climatiques de plus en plus perturbatrices comme étant essentiels au développement du pays et à la création de richesse à long terme. Les changements climatiques sont incessants, et aussi perturbateurs et imprévisibles que nos voisins du Sud. Nous sommes à la merci des dommages climatiques, et les gouvernements du Canada doivent placer le renforcement des infrastructures au cœur des projets d’intérêt national et de la stratégie économique, dès maintenant.