Au sujet de la série des profils technologiques de la transition énergétique: Ces profils se basent sur, et mettent à jour, l’analyse de l’Institut et mettent à jour les connaissances sur les valeurs sûres et les paris risqués technologiques qui guident la transition canadienne vers l’énergie propre.
Forces et faiblesses
Une technologie éprouvée et mature dotée d’une chaîne d’approvisionnement bien établie.
La source de production d’électricité la plus économique à ce jour à bien des endroits.
Un pilier central de la transition du Canada vers les énergies propres.
Un long processus pour choisir les sites et obtenir les approbations.
L’énergie éolienne terrestre, qu’est-ce que c’est?
L’énergie éolienne terrestre désigne l’énergie produite par les installations éoliennes commerciales situées à l’intérieur des terres. Il s’agit de regroupements relativement denses d’éoliennes multimégawatt raccordées au réseau électrique, qu’elles alimentent en énergie à grande échelle. L’éolien terrestre est une technologie éprouvée et mature dotée d’une chaîne d’approvisionnement planétaire bien établie et d’un bilan de plus d’un quart de siècle de rendement fiable à des coûts toujours moindres.
Ces dernières années, les installations éoliennes terrestres ont gagné en taille à l’image des turbines elles-mêmes. Une éolienne installée de nos jours aura en moyenne facilement trois fois la capacité de production de ses aïeules d’il y a 20 ans. Et si le vent est foncièrement une source inconstante qui ne produit pas tout le temps de l’énergie, les avancées technologiques ont rendu les éoliennes si efficaces qu’elles génèrent du courant même lorsque les vents sont relativement faibles. Le coût des appareils a également chuté de plus de 60 % entre 2009 et 2023, ce qui en fait la source d’électricité la plus économique dans bien des endroits au pays malgré sa variabilité.
Pourquoi est-ce important?
Technologie ayant fait ses preuves comme l’une des « bêtes de somme » de la production d’électricité moderne, l’éolien terrestre est essentiel à la décarbonisation du réseau électrique et à une production d’électricité propre suffisante pour répondre à la demande croissante. Il est déjà en usage à l’échelle commerciale autour du monde, et continue de prendre de l’expansion à un rythme record : il s’est ajouté plus de 100 gigawatts de puissance éolienne sur le globe en 2023.
L’éolien est un puissant moteur de création d’emploi et de croissance économique dans le monde rural au Canada. Les projets représentent aussi d’excellentes occasions de partenariat entre l’industrie et les communautés autochtones, nombre de ces partenariats ayant justement mené à une participation accrue de ces communautés et au développement des ressources énergétiques sur leurs terres. Le projet éolien de 300 mégawatts de Henley Inlet, par exemple, génère des retombées de 10 millions de dollars chaque année pour la Première Nation de Henvey Inlet; sa construction a aussi fait travailler 1 200 personnes et produit 25 millions de dollars d’activité économique directe pour les entreprises de la Nation.
Le Canada s’est établi comme l’un des grands joueurs dans le créneau de l’éolien terrestre, que ce soit en termes de production domestique ou de développement pour le marché national et international. Le pays arrive huitième au monde pour ce qui est de sa puissance éolienne installée, soit plus de 18 gigawatts. Ce chiffre s’est accru de 11 % en 2023 avec l’entrée en service de 1,7 gigawatt de nouvelle puissance éolienne à l’échelle du pays, dont plus de 90 % en Alberta.
L’éolien terrestre sera aussi un outil inestimable dans l’expansion du réseau électrique pour répondre à la demande nationale grandissante. Il sera aussi crucial pour l’atteinte des objectifs climatiques du Canada. Comme on le voit ailleurs dans le monde, le rythme de croissance est tout à fait possible à soutenir : l’État du Texas, par exemple, a triplé sa capacité de production éolienne terrestre entre 2014 et 2023, et ce en grande partie grâce à des incitatifs fiscaux et à la grande qualité de la ressource à l’échelle du territoire.
Pour le moment, le bouquet énergétique à travers le Canada ne comprend pas assez de puissance éolienne pour que l’inconstance de cette dernière pose vraiment problème, mais ce jour viendra. Heureusement, l’industrie ne manque pas d’outils pour donner plus de flexibilité au réseau et contrebalancer la variabilité de l’éolien, et ces options ne deviendront que plus faciles à intégrer avec le temps. Pensons ici au stockage par batterie, aux sources d’énergie stables comme les usines de gaz naturel et barrages hydroélectriques existants, à la gestion de la demande, et à une meilleure interconnexion entre les réseaux.
L’éolien terrestre s’emboîte bien dans les systèmes électriques en place, et vient compléter les autres sources d’énergie propre au Canada. Il contrebalance bien l’énergie solaire, que ce soit à l’échelle des saisons (le solaire brille particulièrement l’été tandis que l’éolien prend du souffle l’hiver) ou de la journée (l’éolien étant particulièrement productif la nuit). L’intermittence de ces deux énergies est palliée par le potentiel mobilisable à grande échelle de l’hydroélectricité dans les provinces où la ressource est abondante, ou du raccordement aux réseaux voisins là où ce n’est pas le cas.
Est-ce une valeur sûre ou un paris risqué?
En tant que source majeure d’énergie renouvelable, toute variable qu’elle soit, l’éolien terrestre est une valeur sûre. Il emploie une technologie éprouvée qui est déjà en usage à l’échelle commerciale au Canada et ailleurs. Et la puissance éolienne ne cesse de grandir partout non seulement en raison des politiques climatiques, mais aussi de sa nature éminemment économique.
Selon toute attente, cette puissance devrait croître considérablement, tant au pays qu’autour du monde, dans les années qui viennent. Des chantiers sont déjà en cours d’un océan à l’autre pour ajouter 36 gigawatts de nouvelle énergie renouvelable d’ici 2030. Hydro-Québec a récemment dévoilé un plan d’action qui prévoit l’ajout de 8 gigawatts de puissance éolienne terrestre à l’horizon 2030, ce qui triplera le bilan du Québec à lui seul. Au point de vue planétaire, l’AIE prévoit que les ressources éoliennes dépasseront le nucléaire d’ici 2025.
Un des grands moteurs de cette croissance est l’argument économique toujours plus fort en faveur de l’éolien. Un rapport de 2023 d’Énergie propre Canada indique que le coût des nouvelles installations éoliennes terrestres en Alberta et en Ontario reviendrait à 5 ¢ par kilowattheure, versus les 15 à 23 ¢ des nouvelles centrales au gaz dans ces mêmes provinces, selon leur type.
Quels sont les grands défis à relever?
Il n’existe aucune barrière technologique à l’augmentation rapide de la puissance éolienne terrestre au Canada. Cette dernière est d’ailleurs la filière de production d’électricité la plus économique dans de grands pans du pays, même sans tenir compte de la tarification du carbone pour la production fossile.
L’accélération de son déploiement n’est toutefois pas sans obstacle. Sur le plan réglementaire, le processus pour choisir les emplacements et approuver les projets demeure lent et hautement fastidieux. Les chantiers de bonne taille font aussi parfois l’objet d’une importante résistance de la population locale. C’est particulièrement courant là où les éoliennes viennent tout juste d’arriver dans le paysage, causant un certain choc par leur taille et leur proéminence.
L’existence de cette désapprobation sociale face aux éoliennes terrestres – entre autres en Ontario, avec sa Loi sur l’énergie verte – trahit la nécessité, pour les promoteurs de projets et la classe dirigeante, de prêter l’oreille aux griefs de la population et de lui démontrerles avantages dans le cadre d’échanges clairs et ouverts, et ce le plus tôt possible dans le processus.
Quelles sont les prochaines étapes pour les décideurs?
Le rôle premier de l’État dans l’accélération du développement de l’éolien terrestre consiste à simplifier les processus réglementaires – approbations, délivrance de permis, etc. – afin d’accélérer la réalisation des chantiers. Étant donné que les projets d’électricité relèvent principalement des gouvernements provinciaux, les politiques nécessaires varient d’une administration à l’autre, mais en général, la réglementation encadrant le choix de l’emplacement et l’autorisation des nouvelles installations éoliennes terrestres tend à être trop complexe et chronophage. Cela nuit non seulement à l’atteinte des objectifs climatiques, mais aussi à l’attraction de nouveaux capitaux et emplois dans un climat d’investissement mondial de plus en plus concurrentiel.
Les gouvernements provinciaux peuvent stimuler la croissance de l’éolien terrestre en se dotant de feuilles de route claires pour faire cadrer leurs systèmes énergétiques avec leurs objectifs climatiques, et en priorisant l’accélération des processus de planification et de développement. Ils peuvent également assurer par leurs politiques une consultation constructive de la population ainsi que des retombées locales des projets éoliens, tout en instaurant un cadre réglementaire prévisible et des processus clairs pour les promoteurs.
Il faut clarifier la réglementation et mieux confirmer son applicabilité à long terme – notamment par des mécanismes prévisibles comme la tarification industrielle du carbone ou un système d’échanges pour les grands émetteurs – si l’on veut éliminer les risques nuisant aux investissements nécessaires à l’expansion de la production éolienne terrestre au Canada. Les gouvernements devraient aussi envisager des incitatifs pour le stockage d’énergie à échelle commerciale et pour la gestion de la demande (ex. : compteurs et réseaux intelligents), comme les deux procédés contribuent à l’efficacité et au caractère économique des sources d’énergies renouvelables comme les éoliennes terrestres.
Puissance éolienne au Canada de 2007 à 2022, en mégawatts (Ressources naturelles Canada)
Production d’énergie éolienne terrestre, d’énergie éolienne en mer et d’énergie solaire, scénario de carboneutralité à l’échelle mondiale (Avenir énergétique du Canada en 2023)
Profil écrit par Chris Turner.