Bâtir un avenir sur la croissance propre
Lorsque vient le temps de mesurer les progrès relatifs aux changements climatiques, les gouvernements, les analystes et les militants ont trop souvent tendance à ne s’attarder qu’aux émissions de gaz à effet de serre. Mais le succès à long terme des politiques climatiques suppose des ajustements économiques et sociaux de taille, et ces politiques doivent tenir compte de la prospérité du Canada sur ces deux plans.
Inversement, les gouvernements ne doivent pas limiter l’évaluation de leurs politiques de croissance économique à la seule croissance du produit intérieur brut (PIB), car la négligence des enjeux climatiques minera à long terme l’économie du pays et le bien-être des citoyens.
La croissance propre articule les politiques climatiques autour des ambitions économiques et sociétales du pays (croissance du PIB, création d’emplois, contrôle du coût de la vie, santé). Plutôt que d’obliger à choisir certains objectifs aux dépens des autres, elle priorise des solutions intégrées qui permettent d’avancer sur plusieurs plans à la fois. La croissance propre propose aux Canadiens une vision – prospérer tout en combattant les changements climatiques – dont les deux objectifs s’encouragent mutuellement, pour peu qu’ils soient gérés avec soin.
Dans le contexte des changements climatiques, la croissance propre se définit comme une forme de croissance économique inclusive visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à augmenter la résilience climatique et à améliorer le bien-être de la population.
Afin d’illustrer concrètement le concept et de faciliter la mesure des progrès, le présent rapport propose et analyse 11 grands indicateurs statistiques, qui représentent tous les éléments nécessaires à une croissance propre réussie. Étudiés sur le long terme, ces indicateurs devraient permettre de départager les sphères où les progrès vont bon train de celles qui tirent de l’arrière et de comprendre où l’on manquent de données cruciales. Souvent, ils aident aussi à cerner les défis et les possibilités politiques et mettent en lumière le besoin de nouvelles méthodes de collecte et d’analyse des données à l’échelle des gouvernements et des entreprises.
La croissance propre : définition
Si la croissance propre peut englober tout un éventail d’enjeux environnementaux, nous avons choisi de nous concentrer sur les changements climatiques pour deux raisons : 1) il s’agit du plus gros obstacle à la croissance propre au Canada pour les prochaines décennies, et 2) l’Institut s’est donné comme mandat de mener des études et des analyses qui orienteront les politiques climatiques. Ainsi, pour nos besoins, nous plaçons la croissance propre à l’intersection des objectifs en matière de changements climatiques, de croissance économique et de bien-être.
Bien qu’elle fasse des changements climatiques une priorité, notre approche étoffe à plusieurs égards les définitions traditionnelles de la croissance propre ou verte (encadré A) : si la croissance économique et les émissions de gaz à effet de serre (GES) en forment évidemment le noyau, nous y avons greffé les notions de bien-être et de résilience face aux changements.
Chacune des trois composantes de la croissance propre (figure A) a son importance. Afin de combattre les changements climatiques, le Canada s’est fixé comme objectif de réduire considérablement ses émissions de GES d’ici 2030 et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. En outre, le pays s’est engagé, en adoptant le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, à assurer la résilience climatique de ses collectivités, c’est-à-dire à outiller les entreprises, les gouvernements et les particuliers pour composer avec les répercussions physiques des changements climatiques.
Par ailleurs, la croissance économique est essentielle à la prospérité des Canadiens – leur assurant de meilleurs emplois et salaires – et à l’obtention des ressources fiscales nécessaires pour offrir des services gouvernementaux de haute qualité. Plus largement encore, l’amélioration du bien-être permet d’assurer à tous les citoyens, peu importe leur bagage ou leur situation, un avenir prospère et sain dans un environnement propre et sûr. Cette notion revêt une importance toute particulière pour les communautés autochtones, dont les moyens de subsistance, la santé et le bien-être sont gravement menacés par les changements climatiques, et qui sont en bonne position pour contribuer à l’adoption de solutions naturelles et d’énergies propres. (YHI, 2019; FNCI, 2020).
Encadré A : Bref historique de la croissance propre
Diverses organisations ont proposé ou utilisé diverses définitions de la croissance propre à travers les années. Cette croissance fait d’ailleurs partie des piliers du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, avec l’atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre) et l’adaptation (accroissement de la résilience climatique). Dans ce contexte, le terme couvre souvent l’ensemble des programmes de soutien au secteur des technologies propres du pays.
Le Canada et le Royaume-Uni ont tous deux délaissé le syntagme croissance verte au profit de croissance propre, vraisemblablement parce que le second englobe davantage de sources d’énergie. Le concept de la croissance verte est né en Corée du Sud avant d’être adopté par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) après la crise financière de 2008. L’attrait principal de la croissance verte était l’idée qu’un pays puisse à la fois protéger l’environnement et faire croître son économie, à une époque où ces deux objectifs étaient perçus comme mutuellement exclusifs.
Des analyses et des études de plusieurs entités, comme l’OCDE et la Banque mondiale, démontrent clairement qu’une politique environnementale n’entraîne pas automatiquement une croissance économique, et inversement qu’une politique économique ne profite pas automatiquement à l’environnement. Les politiques doivent être sélectionnées soigneusement, notamment en fonction de leur capacité à encourager la croissance en favorisant l’efficacité, l’innovation, la création de nouveaux marchés, la confiance des investisseurs et la réduction des risques économiques liés à l’environnement.
Peu après la popularisation du terme croissance verte, la Banque mondiale y a ajouté le mot inclusive. Étant l’une des principales organisations internationales à œuvrer pour éradiquer la pauvreté et favoriser la prospérité des pays émergents ou en développement, elle avait conscience de l’importance d’assurer une certaine cohérence entre les pratiques de croissance verte et les grandes priorités sociétales. Le terme croissance verte inclusive a ensuite été adopté par le G20 (Groupe des Vingt), devenant une priorité transversale de son plan de développement. Depuis, d’importants rapprochements – qui ont soulevé des questionnements – ont été faits entre les pratiques de croissance propre, les droits autochtones et la réconciliation.
L’OCDE publie régulièrement un ensemble d’indicateurs de croissance verte comparant les résultats de ses pays membres dans diverses catégories. Ces indicateurs englobent un grand éventail d’enjeux et permettent de comparer les pays. Toutefois, beaucoup d’entre eux n’évaluent pas les données provinciales ou locales essentielles à l’orientation des politiques canadiennes.
Sources : GNUDD (2020a); OCDE (2011); YHI (2019).
La croissance propre repose sur une notion fondamentale : le progrès simultané des objectifs relatifs aux changements climatiques, à la croissance économique et au bien-être. Des écologistes, des chercheurs et des journalistes se sont demandé si ces objectifs étaient contradictoires, en conflit les uns avec les autres (Cassidy, 2020). Par le passé, la croissance économique s’est souvent accompagnée d’émissions de GES; on peut donc se demander si la prospérité et la réduction des émissions sont des objectifs intrinsèquement incompatibles, et si la lutte contre les changements climatiques se fait aux dépens de la croissance économique et de l’avenir des jeunes générations.
Mais la croissance propre est bel et bien possible et souhaitable (encadré B). Elle présente les avantages de la croissance économique – hausse des revenus, innovation, création d’emplois – tout en évitant ses effets indésirables, comme les émissions de GES et les iniquités sociales.
Avec cette approche, l’atteinte d’un objectif requiert l’atteinte de tous les objectifs.
Encadré B : Avantages de la croissance propre
Par Richard Lipsey, expert en croissance propre et professeur émérite de l’Université Simon Fraser
L’Institut canadien pour des choix climatiques se consacre à l’étude des politiques de croissance propre, qui visent à conserver les avantages de la croissance économique tout en atténuant ses effets indésirables. Ainsi, nous croyons qu’il est possible et souhaitable de marier croissance économique et protection de l’environnement.
Tous ne sont pas d’accord : certains doutent que la croissance propre soit possible, et d’autres, qu’elle soit souhaitable. Le premier groupe est d’avis que l’avancement de l’un des deux objectifs fait obligatoirement reculer l’autre, et le second, plus extrême, remet en question les bienfaits d’une croissance économique constante, soutenant que le modèle de croissance moderne est globalement tellement nuisible qu’il n’y aurait que des avantages à ralentir, voire à arrêter cette croissance pour protéger l’environnement.
Nous rejetons ces deux opinions. Dans l’ensemble, la croissance profite à toutes les sociétés, et on trouve des exemples comme la Suède, qui enregistre à la fois une baisse constante de ses émissions de gaz à effet de serre, une croissance économique et un haut niveau de bien-être de la population.
La croissance est principalement liée aux nouvelles technologies (nouveaux procédés de fabrication de produits existants, nouveaux produits et nouvelles approches de production, de distribution et de financement).
Les choses ont bien changé depuis la première décennie du XXe siècle : équipement dentaire et médical moderne, pénicilline, pontages, accouchements sûrs, prévention des maladies génétiques, ordinateurs personnels, disques compacts, télévisions, voitures, moyens de transport international rapides et accessibles, éducation universitaire abordable, chauffage central, climatisation, grande sélection d’aliments sans ptomaïnes ni risques de botulisme étaient inexistants, tout comme les nombreuses inventions qui ont allégé les corvées ménagères telles que détergent, machine à laver, cuisinière électrique, aspirateur, réfrigérateur, lave-vaisselle et toutes sortes d’autres produits ménagers nous facilitant la vie que l’on tient aujourd’hui pour acquis. Ces technologies ont aussi éradiqué d’horribles maladies qui estropiaient et tuaient, comme la peste, la tuberculose, le choléra, la dysenterie, la variole et la lèpre, pour ne nommer que les plus connues.
Pour nous qui vivons au début du XXIe siècle, il s’opère des changements tout aussi importants, mais différents, dans les domaines de la biotechnologie, de la nanotechnologie, de l’intelligence artificielle et des technologies propres. Si les avancées technologiques et la croissance qu’elles entraînent se poursuivent, on peut espérer vivre plus longtemps et en meilleure santé, éliminer le fardeau de nombreuses maladies héréditaires, remplacer certaines parties du corps par des prothèses contrôlées par une intelligence artificielle, éradiquer la surdité, créer des matériaux verts et découvrir des sources d’énergie capables de mettre fin au règne des combustibles fossiles.
La croissance moderne et la mondialisation ont profité au monde tout entier, sortant des milliards de personnes de la pauvreté pour leur donner le niveau de vie de la classe moyenne, mais elles ont aussi eu des effets indésirables. Les travailleurs non qualifiés, relativement rares à l’échelle locale dans les pays développés, ne sont devenus qu’une poignée parmi tant d’autres à l’international, et les émissions de gaz à effet de serre et autres dommages environnementaux ont augmenté. Ces conséquences doivent être atténuées par des politiques publiques, plutôt qu’en jetant le bébé avec l’eau du bain en stoppant la croissance.
Ces politiques correctrices doivent faire partie intégrante de la croissance propre. La génération actuelle peut s’estimer chanceuse que les technophobes n’aient pas réussi à convaincre les gouvernements de mettre fin aux avancées technologiques dans le passé, tout comme nos enfants et nos petits-enfants nous seront reconnaissants de ne pas avoir arrêté ou ralenti l’évolution des technologies qu’ils utiliseront dans 50 ou 100 ans.
Sources : Lipsey (2006); Lipsey (2019).
Notons par exemple que les marchés internationaux et les préférences des investisseurs évoluent avec les politiques publiques adoptées pour réduire rapidement les émissions de GES. Ces changements présentent à la fois des risques et des possibilités de croissance économique pour le Canada. Pour que l’économie du pays survive à la transition mondiale, il est crucial de réduire les émissions dans les secteurs à risque et de réinvestir les ressources dans l’exploration d’activités économiques et de nouvelles sources de croissance sobres en carbone.1
Une croissance soutenue peut aussi vaciller si l’économie n’est pas résiliente face à des changements climatiques qui comportent des risques importants, notamment le bris d’infrastructures et de structures construites, la baisse de la productivité des travailleurs et la perturbation des opérations ou des chaînes d’approvisionnement. Ainsi, c’est en renforçant la capacité du Canada à gérer ces risques et à se relever en cas de catastrophe qu’on favorisera l’atteinte des objectifs de croissance économique.
La technologie, les investissements et le commerce joueront ici un rôle essentiel. La capacité à faire croître l’économie tout en combattant les changements climatiques dépend grandement des efforts de création et d’adoption de technologies résilientes et sobres en carbone au pays.2 Les investissements publics et privés seront la clé du succès dans ce domaine. Et sur la scène internationale, le commerce et les investissements encourageront aussi l’expansion des marchés intérieurs et mondiaux pour de telles technologies et généreront des occasions d’affaires pour les exportateurs canadiens.
Au bout du compte, la croissance économique est un moyen d’améliorer la qualité de vie de la population, et non une fin en soi. Le problème d’une approche de croissance propre axée uniquement sur le PIB, c’est qu’elle ignore plusieurs facteurs fondamentaux du bien-être des citoyens.
Par exemple, les indicateurs économiques globaux peuvent camoufler des différences marquées entre les régions et les populations. La transition vers une économie résiliente et sobre en carbone ne peut pas réussir si elle aggrave le chômage dans certaines régions, exacerbe des inégalités existantes ou laisse les plus vulnérables encaisser tout le choc des changements climatiques. Il ne peut y avoir de croissance propre sans compréhension de ces enjeux et ajustements conséquents.
Cependant, la transition ne vise pas uniquement à protéger la population des risques. Il s’agit aussi d’améliorer le bien-être de tous. Par exemple, la réduction des émissions de gaz à effet de serre a le potentiel d’améliorer grandement la santé de la population. En effet, des polluants atmosphériques nocifs qui causent des maladies et des morts prématurées sont souvent émis en même temps que les GES. La transition pourrait aussi générer de nouvelles sources d’emplois et de revenus.
Enfin, la nature est au cœur même de l’économie, du bien-être humain et des changements climatiques. Un écosystème florissant peut capturer et retenir le carbone, empêcher les inondations, rafraîchir les zones urbaines, améliorer la qualité de l’eau et de l’air, produire de la nourriture et des ressources, aider la faune à prospérer et bien plus. Mais pour tirer pleinement avantage de tout cela, il faut d’abord bien comprendre les liens entre la nature et les activités économiques et humaines. Pour ce faire, il est essentiel d’inclure les communautés autochtones dans le processus de décision et de planification; elles ont en effet une connexion privilégiée avec la nature : leurs moyens de subsistance et leur bien-être y sont intimement liés, et elles sont les gardiennes et les protectrices de nombreux écosystèmes importants.
Mesure de la croissance propre
Afin de mesurer la croissance propre, nous avons créé une série d’indicateurs statistiques s’appuyant sur les approches utilisées au pays et à l’international ainsi que sur les résultats de consultations auprès d’experts internes et externes (encadré C). Utilisés ensemble, ces indicateurs constituent un point de départ pour la définition des priorités et l’évaluation des progrès en matière de croissance propre. Ils permettent d’étudier l’intersection des objectifs climatiques, économiques et sociétaux.
Les statistiques retenues ne permettent pas de mesurer parfaitement chaque facette de la croissance propre. Dans bien des cas, les données sont manquantes ou incomplètes. Toutefois, le processus de sélection et d’analyse des indicateurs est instructif en lui-même : il nous aide à mieux comprendre les relations entre les changements climatiques, l’économie et le bien-être de la société, et à déterminer les données et analyses supplémentaires potentiellement utiles, les points à approfondir et les politiques gouvernementales susceptibles d’appuyer la croissance propre.
Encadré C : Sélection des catégories et des statistiques pour les indicateurs de croissance propre
Pour sélectionner les catégories d’indicateurs présentées dans ce rapport, les experts et le personnel de l’Institut ont étudié diverses approches de croissance propre, notamment le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, la stratégie du gouvernement du Royaume-Uni, les indicateurs de croissance verte de l’OCDE, les rapports de la Banque mondiale sur la croissance verte inclusive, les indicateurs des objectifs de développement durable de l’ONU et la théorie économique du donut. Pour évaluer la pertinence de ces approches dans le contexte canadien de la lutte contre les changements climatiques, l’équipe s’est demandé comment les progrès pourraient être mesurés en 2050. Cette méthode a permis de déterminer la portée des catégories d’indicateurs, qui ont ensuite été précisées à l’aide d’un processus itératif pour obtenir les 11 indicateurs présentés à la figure B.
Puis, nous avons dû choisir les statistiques principales et secondaires pour chaque indicateur. Les options ont été évaluées selon les critères suivants : pertinence par rapport à notre définition de la croissance propre, utilité dans l’orientation des politiques gouvernementales, capacité à suivre les progrès à moyen et à long terme, accessibilité des données à travers les années, qualité des données et comparabilité à l’échelle nationale, provinciale ou municipale. Puisque peu de statistiques remplissaient tous nos critères, nous avons décidé de compléter les statistiques principales avec des statistiques et des analyses secondaires. Les résultats ont par la suite été présentés à plusieurs experts et intervenants externes afin de parfaire la sélection de données, la présentation et l’analyse complémentaire.
Tout d’abord, le cadre que nous proposons comprend deux indicateurs servant à définir les objectifs généraux de la croissance propre (figure A). Le premier indicateur, la croissance sobre en carbone, est celui qui se rapproche le plus de la définition traditionnelle de la croissance propre. Il mesure le découplage progressif des émissions de GES et du PIB et fixe le double objectif de faire croître une économie plus sobre en carbone et de réduire les émissions sans ralentir la croissance. Le deuxième, la croissance résiliente, vise à limiter les conséquences financières des changements climatiques pour le Canada. Bien qu’il manque des données, cet indicateur met en lumière certaines des sphères importantes dans lesquelles un meilleur suivi des coûts engendrés par les changements climatiques pourrait orienter les politiques et les stratégies d’investissement.
La deuxième catégorie d’indicateurs se compose d’outils qui favorisent la croissance résiliente et sobre en carbone, notamment le développement et l’adoption des technologies, l’investissement dans des infrastructures résilientes et sobres en carbone et le commerce résilient et sobre en carbone. Ces éléments interconnectés alimentent ensemble le moteur qui accélérera les progrès en matière de croissance propre. En développant des technologies qui permettent de réduire les émissions et d’augmenter la résilience plus facilement et à moindre coût, nous améliorerons nos chances d’atteindre concurremment nos objectifs économiques et climatiques.
Toutefois, la lenteur de l’adoption de nouvelles technologies est un obstacle de taille. C’est en nous attaquant à ce problème que nous pourrons renforcer le marché national de l’innovation et réduire l’intensité d’émission de la croissance. En outre, il sera essentiel d’investir dans des infrastructures durables. En effet, tout investissement dans une infrastructure qui n’est pas résiliente et sobre en carbone entraînera des coûts supplémentaires dans l’avenir. Par ailleurs, la construction d’infrastructures comme un réseau de distribution d’électricité ou des stations de recharge de véhicules électriques peut grandement faciliter le développement et l’adoption de nouvelles technologies.
Le commerce contribue également à la croissance résiliente et sobre en carbone. L’augmentation de la demande mondiale de produits et services résilients et sobres créera des occasions d’affaires pour les entreprises du pays tout en favorisant l’innovation et les économies d’échelle, ce qui réduira les coûts d’adoption des technologies à long terme. Pour accélérer le processus, le Canada peut augmenter ses importations et exportations de produits et services résilients et sobres en carbone, encourager financièrement les projets des pays en développement et adapter son modèle d’investissement direct étranger.
Nous avons appelé la dernière catégorie d’indicateurs « les fondamentaux ». S’il est techniquement possible de commencer à découpler les émissions et la croissance ou à réduire les coûts associés aux changements climatiques sans toucher aux fondamentaux, les progrès ainsi accomplis risquent d’être plus fragiles et moins durables. Nous avons déterminé les cinq sphères qui présentent le plus de risques, mais aussi de possibilités, dans le cadre d’une transition vers une croissance propre avantageuse pour tous.
Emplois sobres en carbone : Il est crucial que le Canada préserve des emplois stables et lucratifs à mesure que le monde se mobilise pour réduire les émissions de GES. La transition a le potentiel de détruire et de créer des emplois, et il faudra veiller à maintenir l’équilibre entre les secteurs, les régions et les citoyens. L’objectif sera donc de générer un gain global d’emplois tandis que les émissions diminueront, tout en limitant autant que possible les pertes aux échelles régionale et individuelle et en élargissant l’accès aux nouvelles possibilités d’emploi.
Énergie abordable : C’est là une autre source d’inquiétude pour les Canadiens qui ont du mal à joindre les deux bouts. Les familles à faible revenu sont plus vulnérables à l’augmentation des coûts des produits et services essentiels, comme le chauffage, l’électricité et le transport. La surveillance des dépenses essentielles pourrait mettre en lumière les problèmes et faciliter l’adoption de politiques équitables à mesure que les systèmes énergétiques évoluent.
Résilience inclusive : Les populations les plus vulnérables risquent de subir davantage les contrecoups des changements climatiques. Les familles bien nanties peuvent déménager, rebâtir, s’adapter et se relever plus rapidement que les personnes démunies, en mauvaise santé, âgées ou handicapées, ou faisant partie d’une minorité discriminée. Si aucune mesure n’est prise, les changements climatiques pourraient creuser les inégalités sociales. En connaissant mieux les groupes les plus vulnérables aux changements, les gouvernements seront plus à même de les protéger et de les aider. Nous utilisons la pauvreté comme indicateur de vulnérabilité, mais mentionnons aussi plusieurs autres mesures locales potentielles.
Air propre : Cette occasion exceptionnelle d’améliorer la santé de la population et de limiter les risques du réchauffement climatique pour la santé est souvent éclipsée par le travail de réduction des émissions de GES. De plus en plus d’études démontrent que les polluants atmosphériques augmentent les risques de maladies respiratoires, cardiaques et neurologiques, causant plus de 14 000 morts prématurées au Canada chaque année. Ces polluants étant souvent émis par les mêmes sources que les GES, le suivi des premiers pourrait mettre en lumière des occasions de réduire les seconds.
Écosystèmes florissants : La compensation des émissions de carbone et la plantation d’arbres gagnant en popularité, il est temps de prendre un peu de recul pour orienter les politiques selon une vue d’ensemble des écosystèmes du pays et des avantages qu’ils offrent. Malheureusement, nous n’avons que très peu de données sur les écosystèmes. Nous devons donc nous en remettre aux données sur l’utilisation des terres, les changements d’affectation des terres et les forêts contenues dans l’inventaire national des gaz à effet de serre du Canada, qui présente d’importants puits et sources terrestres de GES.
Les sections ci-dessous définissent et analysent chacun des indicateurs. La dernière section présente les conclusions principales qu’on peut en tirer ainsi que des constats et des recommandations visant à améliorer la collecte de données et l’élaboration de politiques.
- Nota : Pour les besoins de ce rapport, le terme carbone englobe l’équivalent dioxyde de carbone pour toutes les émissions de gaz à effet de serre.
- Les technologies résilientes comprennent tout ce qui aide à prévenir, à éviter ou à atténuer les conséquences des changements climatiques (ex. : robot-pompier, système de pistage des tiques, matériau de construction ignifuge).