7 Emplois sobres en carbone

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Les politiques climatiques nationales et internationales, ainsi que la transformation des marchés et des investissements qui en découle, auront des effets positifs et négatifs sur le marché du travail canadien. La transition vers une croissance propre ne peut réussir que si l’économie canadienne continue à générer des emplois de qualité dans l’ensemble du pays. Les données peuvent nous aider à comprendre et à suivre différentes tendances au fil du temps, orientant les décisions quant aux politiques afin d’améliorer la vie des Canadiens. Bien que l’incidence générale sur le marché du travail soit importante, les choix en matière de politiques doivent aussi tenir compte des défis à l’échelle sectorielle, régionale et individuelle afin de protéger ceux qui pourraient perdre leur emploi et d’aider davantage de Canadiens à profiter des nouvelles possibilités qui s’offrent.

Statistique principale 7 : Découplage des emplois et des GES

Si la transition vers un avenir sain et prospère est un succès, les emplois canadiens continueront d’augmenter avec la diminution des GES. Notre principale statistique pour mesurer les emplois sobres en carbone est donc l’écart entre les tendances en matière d’emploi et de GES de 2005 à 2018 (figure 7.1). Cette statistique montre le nombre d’emplois existants ainsi que les nouvelles sources d’emplois sobres en carbone, à l’heure où le Canada réduit ses émissions de GES. Entre 2005 et 2018, le nombre total d’emplois a augmenté de 16 %, tandis que les émissions de GES sont demeurées relativement stables (-0,1 %).

Dans la mesure où le total des émissions de GES diminue, peu importe le type d’emplois : ce qui compte, c’est que les Canadiens aient des emplois stables et enrichissants.

Fait à noter, cet indicateur n’établit aucune distinction entre les emplois « verts » et polluants, le premier terme étant généralement utilisé pour décrire la transition du marché de l’emploi vers une économie sobre en carbone (OIT, 2016). C’est là une bonne chose : la catégorisation des emplois en fonction de leur valeur environnementale présente bien des défis, mais offre peu d’avantages. En mesurant le degré de découplage, on met tous les emplois sur un même pied et on tient compte de l’incidence nette sur le marché du travail, en comptabilisant à la fois les pertes et les gains. À l’heure où le Canada découplera les GES de la croissance de son PIB, plusieurs emplois évolueront et nécessiteront davantage de tâches liées aux changements climatiques. Dans la mesure où le total des émissions de GES diminue, peu importe le type d’emplois : ce qui compte, c’est que les Canadiens aient des emplois stables et enrichissants.

D’un autre côté, l’objectif ne se limite pas nécessairement à une simple augmentation du nombre d’emplois par rapport aux émissions de GES. Il faut augmenter le nombre d’emplois et réduire les GES tout en favorisant une utilisation efficace de la main-d’œuvre. Le fait que la croissance de l’emploi a été plus lente que la croissance du PIB (indicateur 1) témoigne d’une augmentation de la productivité du travail, ce qui est généralement un facteur positif de croissance économique (encadré 7.1). Quoique légitime, cette limitation n’invalide pas la statistique utilisée ici; une croissance économique sans croissance de l’emploi peut présenter des défis pour la société.

ENCADRÉ 7.1 : EMPLOIS SOBRES EN CARBONE ET PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL

Si l’on considère la main-d’œuvre comme un intrant du rendement économique, l’utilisation d’un plus grand nombre d’employés par unité de PIB est inefficace. En fait, une croissance de l’emploi plus lente que la croissance du PIB témoigne d’une amélioration de la productivité du travail. Cette amélioration peut entraîner des profits et des salaires plus élevés, de nouveaux investissements et une assiette fiscale élargie, favorisant ainsi la croissance économique et la hausse du niveau de vie. L’automatisation accrue, par exemple, pourrait réduire les besoins en main-d’œuvre dans certains secteurs.

De nouvelles mesures de la productivité émergent toutefois, qui pourraient justifier des activités d’emploi moins efficaces aux effets bénéfiques pour l’environnement. Dans le cadre de ses études sur la croissance verte, l’OCDE a mis au point un indicateur plus général, la productivité multifactorielle corrigée des incidences environnementales, qui considère la main-d’œuvre, le capital et les ressources naturelles comme des intrants et les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique comme des extrants. L’intégration des considérations environnementales aux mesures de la productivité pourrait orienter les décisions sur l’optimisation d’intrants comme la main-d’œuvre, le capital et les ressources naturelles.

Certains objectifs sociaux pourraient également justifier des activités d’emploi moins efficaces. Par exemple, les investissements faits en 2020 par le gouvernement canadien pour le nettoyage de puits de pétrole et de gaz orphelins et abandonnés sont une source d’emploi pour les entreprises de services touchées par les restrictions liées à la pandémie de COVID-19 et par la chute des prix du pétrole. Cela peut sembler inefficace du point de vue du PIB généré par heure de travail, mais l’objectif est d’aider les entreprises à rester à flot et d’éviter des mises à pied, tout en réduisant un passif environnemental coûteux qui n’est pas pris en compte dans le PIB.

Sources : Anderson (2020); Baldwin et al. (2015); OCDE (2017); Winter et Moore (2013).

  1. Nous avons exclu les secteurs de la finance et des assurances, ainsi que les services professionnels, scientifiques et techniques, puisque ces secteurs sont extrêmement diversifiés et donc peu susceptibles d’être tous touchés par un même événement (à l’exception d’un ralentissement économique général). Ces secteurs sont aussi concentrés dans de grandes régions urbaines, où il est plus probable qu’il y ait création de nouvelles perspectives d’emploi.