5 Commerce résilient et sobre en carbone et capacité concurrentielle
Grâce à sa présence sur les marchés internationaux de produits et services résilients et sobres en carbone, le Canada favorise et stimule la croissance propre à long terme. Sa participation à ce type d’échanges est aussi un important indicateur de la compétitivité du pays sur des marchés mondiaux en plein changement.
Statistique principale 5 : Commerce des biens et services résilients et sobres en carbone
Le Canada peut contribuer à un cycle commercial positif en développant des technologies, des biens et des services liés au climat de bonne qualité et abordables. Cela lui permettrait d’accroître les exportations vers les pays souhaitant lutter contre les changements climatiques, tout en offrant ici même de nouvelles possibilités de croissance économique, propre de surcroît. Par ailleurs, l’importation de produits et services liés au climat peut favoriser la croissance des marchés mondiaux, stimuler l’innovation et réduire les coûts, et offrir à la population canadienne un plus grand choix à meilleur prix tout en réduisant les émissions de carbone associées aux biens et services qu’elle produit et consomme.1 Si un nombre suffisant de pays contribuent à ce cycle positif, la lutte contre les changements climatiques deviendra plus facile et moins chère avec le temps.
Pour évaluer les échanges commerciaux canadiens liés au climat, nous nous penchons sur les exportations et les importations nationales de produits environnementaux et de technologies propres (ETP) de 2012 à 2018.2 À l’heure où le Canada poursuit sa transition vers 2050, l’intensification des échanges commerciaux de produits ETP est un important volet de la croissance propre et de la compétitivité accrue du Canada dans une économie mondiale sobre en carbone.
Comme l’illustre la figure 5.1, ces échanges commerciaux ont augmenté, à la fois en chiffres absolus et en pourcentage du PIB. En 2012, le commerce des produits ETP représentait environ 1,2 % de l’économie canadienne, générant 20 milliards de dollars en PIB; en 2018, la part du PIB avait atteint près de 1,6 %, ou 30 milliards de dollars (en dollars constants). Cette tendance nationale reflète les tendances générales des marchés internationaux, où la demande de biens et services liés au climat continue de croître rapidement (Analytica Advisors, 2017; Elgie et Brownlee, 2017).
La figure 5.1 montre bien que la part actuelle des produits ETP est petite, ne comptant que pour 1,5 % de l’économie canadienne. On constate aussi qu’une fois corrigée en fonction de l’inflation, la croissance des produits ETP a été relativement lente. Il importe toutefois de ne pas minimiser la valeur totale de ces biens et services. Les échanges commerciaux de produits ETP ont augmenté plus rapidement que l’ensemble de l’économie canadienne. Et comme on l’a expliqué à l’indicateur 3, le secteur représente environ 3 % du PIB canadien lorsqu’on tient compte des exportations et des achats sur le marché intérieur.
Plusieurs autres tendances illustrées par la figure 5.1 méritent d’être signalées. Pour les exportations comme pour les importations, les produits manufacturés représentaient la plus grande partie des échanges commerciaux de produits ou services ETP (environ 65 % des importations et 45 % des exportations en 2018). Plus précisément, c’est le commerce des produits manufacturés complexes qui a connu l’une des plus fortes croissances. Les échanges de biocombustibles (exportations et importations) ont aussi augmenté considérablement, en grande partie à cause des exigences provinciales et fédérales en matière de mélange. Pour terminer, notons également que même si les exportations d’électricité propre (énergie nucléaire ou renouvelable) représentent plus d’un dixième de la valeur des exportations canadiennes totales de produits ETP, elles n’ont pas augmenté durant cette période. Dans toutes les catégories, la plupart des échanges commerciaux canadiens liés aux produits ETP (comme le reste des échanges commerciaux internationaux du pays) ont été conclus avec les États-Unis, totalisant 75 % des exportations et 61 % des importations (Provenzano et al., 2019).
Le commerce des produits ETP varie selon la province. La figure 5.2 montre le niveau relatif de ces échanges pour chaque province en 2018 (c.-à-d. la part du PIB provincial que représentent les exportations et les importations de produits ETP). Elle donne également des valeurs absolues pour mettre en lumière les provinces où ces échanges étaient les plus élevés (en dollars de 2012). Au Nouveau-Brunswick, par exemple, la part du PIB associée aux échanges de produits ETP était particulièrement élevée (environ 1,8 %), ce qui s’explique en grande partie par une augmentation du commerce (importations et exportations) de l’électricité nucléaire, des biocombustibles, de la biomasse et d’autres matières premières (Statistique Canada, 2020a). La valeur de ces échanges était toutefois moins élevée que dans la plupart des autres provinces (0,5 milliard de dollars).
Quelques tendances générales se dégagent de l’ensemble. En dollars, l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique ont été les plus grandes exportatrices et importatrices de produits ETP en 2018, comptant pour 80 % de l’ensemble des échanges canadiens. Ce ne sont toutefois pas toutes les provinces qui ont connu une hausse des échanges de produits ETP. La part de ces échanges a augmenté au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique, mais elle a diminué à Terre-Neuve, à l’Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et dans les territoires.
Les comparaisons entre les différentes provinces peuvent aussi fournir des renseignements importants sur les échanges. Les différences entre la Colombie-Britannique et l’Alberta sont particulièrement intéressantes. Même si leurs populations sont similaires, la part des échanges commerciaux liés aux produits ETP en Colombie-Britannique représentait environ le double de celle de l’Alberta en 2018 (1,8 %, comparativement à 0,9 %). Au total, ces échanges ont généré 4,4 milliards de dollars en Colombie-Britannique, comparativement à 3,1 milliards de dollars en Alberta.
L’exportation et l’importation directes ne sont pas la seule manière pour le Canada d’influencer le commerce mondial des biens et services résilients et sobres en carbone.
Le financement d’initiatives de lutte aux changements climatiques à l’étranger est un bon moyen pour le Canada de soutenir le cycle positif de commerce des produits et services résilients et sobres en carbone. Les sources de financement public et privé peuvent offrir un accès critique au capital dans les pays en voie de développement, soutenant des investissements qui réduisent les émissions et améliorent la résilience. Le financement canadien peut renforcer les capacités, les connaissances et les compétences essentielles qui génèrent d’importants avantages socio-économiques (OCDE, 2017a; SFI, 2018).
Il existe différents types de financement international public et privé, mais ce sont les données sur l’aide publique au développement (APD) qui démontrent l’effet catalyseur des fonds canadiens sur le commerce lié au climat à l’étranger. L’APD inclut l’aide financière accordée par les gouvernements canadiens aux pays en voie de développement afin de promouvoir le développement économique et le bien-être général, souvent grâce à des subventions, des prêts concessionnels et de l’aide technique (OCDE, 2018). La figure 5.3 montre la part de l’APD allouée par le Canada à des initiatives d’atténuation et d’adaptation entre 2010 et 2017. Bien que la part d’ADP consacrée aux mesures de lutte contre les changements climatiques ait considérablement diminué après 2012, elle est depuis revenue à son sommet initial. En 2017, plus d’un quart de l’APD canadienne a été consacrée à des initiatives d’atténuation et d’adaptation à l’étranger, ce qui était plus élevé que la part moyenne des autres pays de l’OCDE (17 %). La tendance à la hausse observée au Canada correspond toutefois à la tendance générale dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2017a).
Les investissements directs étrangers (IDE) sont un autre important volet du financement et du commerce liés au climat. Les investissements directs étrangers au Canada (investissements directs entrants) peuvent aider l’économie canadienne à s’adapter aux fluctuations des marchés mondiaux et favoriser la croissance économique. De même, les investissements directs sortants peuvent soutenir des activités internationales de lutte contre les changements climatiques, tout en élargissant le marché mondial des technologies propres et en permettant des économies d’échelle. Grâce au resserrement des normes de divulgation, les IDE peuvent aussi aider à atteindre d’importants objectifs sociaux et environnementaux, par exemple en satisfaisant aux exigences de consentement préalable, libre et éclairé et en mobilisant activement les peuples autochtones (voir l’encadré 5.1).
Encadré 5.1 : Normes de divulgation et exigences de consentement préalable, libre et éclairé
Les normes de divulgation des entreprises peuvent jouer un rôle important dans l’allocation d’IDE à des projets qui répondent à divers objectifs environnementaux et sociaux. Le Sustainability Accounting Standards Board, par exemple, vérifie si les projets liés aux ressources naturelles respectent la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Ces nouvelles normes internationales sont facultatives, mais elles ouvrent la voie à l’intégration aux IDE de processus de consentement préalable, libre et éclairé (ou de consultations), tant au Canada qu’à l’étranger.
Sources : Rohan (2019); SASB (2018).
La figure 5.4 montre les flux d’IDE canadiens en 2005 et en 2018 dans les dix plus importants secteurs. Il importe de noter que ces flux d’investissement ne soutiennent pas nécessairement des efforts internationaux de réduction des émissions ou d’amélioration de la résilience aux changements climatiques. Les IDE en extraction de pétrole et de gaz et en fabrication de produits dérivés du pétrole et du charbon, par exemple, ont presque doublé entre 2005 et 2018. Ces tendances témoignent de l’importance pour les investisseurs canadiens d’intégrer les risques liés aux changements climatiques à leurs processus décisionnels.
Les données de la figure 5.4 suggèrent toutefois une croissance importante des secteurs des services, qui produisent généralement moins d’émissions que ceux de l’extraction des ressources naturelles ou de la fabrication de biens. La plus forte croissance est survenue dans le secteur de la finance et des assurances, les IDE sortants ayant presque quadruplé entre 2005 et 2018. Avec la fluctuation des marchés mondiaux, le suivi des flux d’investissement peut révéler les domaines où les investisseurs canadiens s’exposent à des risques liés aux activités à fortes émissions, ou mettre en lumière de nouveaux débouchés
Comme nous l’avons expliqué à l’indicateur 3, il serait bon d’élargir la définition des technologies, produits et services inclus dans les données sur les produits environnementaux et les technologies propres de Statistique Canada. Cela permettrait de dresser un tableau plus complet de la progression de la croissance propre en ce qui a trait aux changements climatiques. La base de données ne tient pas compte des technologies soutenant la résilience et l’adaptation, ou de l’exploitation des minéraux nécessaires à certaines technologies propres, par exemple. Certaines des technologies ne figurant pas dans les données pourraient être d’importantes sources de commerce résilient et sobre en carbone.
Les données sur les flux financiers internationaux publics et privés liés au climat posent des difficultés semblables. Au Canada, le financement de la lutte contre les changements climatiques provient des secteurs public et privé dans l’ensemble du pays. Dans bien des cas, ces fonds s’ajoutent au financement d’autres donateurs (gouvernements, organisations, secteur privé), et servent à obtenir d’autres sources de financement privé dans le pays bénéficiaire. Le suivi de ces contributions individuelles à partir du Canada est donc complexe.
Toutefois, les méthodes de suivi des flux financiers s’améliorent. L’OCDE joue par exemple un rôle de premier plan sur la scène internationale avec son Réseau de recherche collaborative sur le suivi du financement climatique. Ce réseau met au point des normes internationales pour le suivi du financement public et de ses effets sur la mobilisation du financement privé (ECCC, 2019). De telles initiatives aident le Canada à mieux évaluer l’incidence de ses investissements à l’étranger.3
En conclusion, de meilleures données sur les flux financiers et le commerce des produits ETP offriraient un portrait plus juste de la compétitivité du Canada sur le marché international, sans toutefois être suffisantes à elles seules. La transformation des marchés mondiaux pourrait nuire à la compétitivité d’une large part de l’économie canadienne. Le risque est plus élevé pour les industries touchées par les échanges et rejetant de grandes quantités d’émissions comme le pétrole et le gaz, l’exploitation minière, la fabrication de produits chimiques, et le fer et l’acier. Mais d’autres secteurs de l’économie canadienne pourraient aussi faire face à des pressions concurrentielles, par exemple les fabricants automobiles canadiens qui produisent des voitures, des VUS et des camions fonctionnant à l’essence. Pour favoriser une croissance propre au Canada, nous devons mieux comprendre les risques liés au carbone; les données et les analyses actuelles sont toutefois limitées.
- La réduction des émissions de carbone associées aux biens et services importés est un facteur clé de la croissance propre. L’OCDE (2019) surveille les émissions de carbone associées aux échanges commerciaux; toutefois, ses données les plus récentes datent de 2011 et ne figurent donc pas dans le présent rapport.
- Pour la définition complète des produits ETP, voir l’indicateur 3.
- Par exemple, selon la norme de mesure de l’OCDE, on estime à 309 millions de dollars américains le montant du financement privé mobilisé pour des initiatives de lutte contre les changements climatiques entre 2017 et 2018, à partir d’une contribution canadienne de 213 millions de dollars américains. Toutes ces contributions ont été versées à des pays en voie de développement (ECCC, 2019).