Loi sur le climat de la Colombie-Britannique

Cette étude de cas explore les principales caractéristiques de la loi modifiée de la Colombie-Britannique sur la responsabilité en matière de changement climatique de 2019. La législation prévoit la fixation d’objectifs sectoriels et intermédiaires de réduction des émissions, des exigences de déclaration régulière et établit un organe consultatif d’experts indépendants chargé de fournir des conseils.

En 2018, le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté la Climate Change Accountability Act, qui modifie et renomme la précédente loi intitulée Greenhouse Gas Reductions Targets Act (2007). Ce nouveau texte contient plusieurs modifications portant notamment sur l’établissement de cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030 et 2040 – en vue d’atteindre l’objectif de 2050 déjà fixé –, l’instauration d’un cadre de production de rapports sur les risques climatiques et les progrès réalisés en la matière, ainsi que sur l’habilitation du ministre à fixer des cibles de réduction des émissions par secteur.

En 2019, le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté le projet de loi 38, qui amende la Climate Change Accountability Act de 2018 dans le but d’instaurer un cadre de responsabilisation climatique plus large qui impose l’établissement de cibles intermédiaires de réduction des émissions par secteur (bien que celles-ci ne soient pas inscrites dans la législation), fixe des obligations redditionnelles plus détaillées et régulières pour le gouvernement et met sur pied un organe consultatif d’experts indépendant. Il donne également au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir d’édicter des règlements prescrivant des exigences et des cibles pour les bâtiments, le parc automobile et le carburant du secteur public. La présente étude de cas passe en revue les grands axes de la Climate Change Accountability Act de 2019 de la Colombie-Britannique, dans sa version modifiée (la Loi).

1. Enchâssement des mécanismes de responsabilisation dans la loi

Les modifications législatives de 2019 instaurent un cadre de responsabilisation climatique qui s’articule autour de plusieurs grands axes. Plus précisément, elles obligent le gouvernement de la Colombie-Britannique à :

  • établir une cible intermédiaire de réduction des émissions de GES en vue d’atteindre la cible de 2030 prévue par la loi;
  • établir des cibles de réduction des émissions pour certains secteurs;
  • respecter de nouvelles obligations redditionnelles, plus fréquentes et plus détaillées, concernant ses objectifs et ses politiques de limitation des changements climatiques et d’adaptation;
  • mettre sur pied un comité consultatif indépendant.

2. Définition claire des rôles et des responsabilités

Responsabilités du gouvernement

Aux termes de la Loi, le ministre responsable est légalement tenu d’établir des cibles de réduction des émissions, de nommer un comité consultatif, de rendre des comptes sur les progrès accomplis eu égard aux objectifs fixés et sur les mesures prises pour les atteindre, et de faire rapport sur les mesures de gestion des risques liés aux changements climatiques.

Les modifications législatives imposent également au gouvernement provincial et aux organismes publics de rendre des comptes sur les mesures prises pour limiter leurs émissions de GES (voir la section 5 pour en savoir plus).

Comité consultatif

La Loi modifiée met sur pied un comité consultatif indépendant chargé de conseiller chaque année le ministre sur les enjeux climatiques, en particulier sur :

  1. les plans et les mesures à prendre pour atteindre les cibles de réduction des émissions à long terme;
  2. les plans et les mesures à prendre pour limiter et gérer les risques climatiques;
  3. les perspectives de développement économique durable et de création d’emploi dans le cadre de la transition vers une économie sobre en carbone;
  4. les retombées des mesures de lutte contre les changements climatiques sur les particuliers et les entreprises.

Ce nouvel organe consultatif indépendant, appelé Conseil sur les solutions climatiques, aura le même rôle consultatif que le Conseil consultatif sur les solutions climatiques et pour une croissance propre, dont le mandat a pris fin en 2019 (ministère de l’Environnement et de la Stratégie en matière de changement climatique, 2020).

Il sera composé d’au plus 20 membres, dont la moitié devra être des femmes, et devra comprendre au moins un représentant des groupes suivants : collectivités locales, peuples autochtones, associations environnementales, milieu universitaire, syndicats, résidents des collectivités rurales et éloignées et milieu des affaires.

Les noms des membres du comité consultatif ont été annoncés en février 2020. La Loi impose au ministre de publier ces noms et fixe une limite de mandat de six ans. Soulignons qu’elle n’impose au comité aucune fonction de surveillance. Néanmoins, dans son rapport annuel, le ministre devra tenir compte de ses conseils.

3. Établissement de cibles intermédiaires de réduction des émissions

La Greenhouse Gas Reductions Target Act, adoptée en 2007, établissait des cibles de réduction des émissions de GES pour 2020 (33 % de réduction par rapportà 2007) et 2050 (80 % de réduction par rapport à 2007). La Climate Change Accountability Act de 2018 instaurait quant à elle de nouvelles cibles pour 2030 (40 % de réduction par rapport à 2007) et 2040 (60 % de réduction par rapport à 2007) et abandonnait la cible de 2020, que le gouvernement provincial prévoyait ne pas atteindre.

Les modifications législatives de 2019 imposent au gouvernement d’établir une cible intermédiaire avant celle de 2030 d’ici le 31 décembre 2020. Le ministre demeure habilité à fixer des cibles supplémentaires pour d’autres années ou périodes.

Les modifications obligent également le ministre à établir des cibles de réduction des émissions pour certains secteurs d’ici le 31 mars 2021. Il doit en outre revoir ces cibles avant la fin de l’année 2025 et au moins une fois tous les cinq ans par la suite. Le ministre peut établir des cibles de réduction des émissions pour d’autres secteurs à tout moment. La Loi ne nomme pas de secteurs spécifiques ni ne précise la façon dont ces secteurs seront définis ou répartis. Les cibles sectorielles seront établies après consultation des parties prenantes, des populations autochtones et des communautés de toute la province.

4. Production de plans d’action destinés à faire respecter les cibles intermédiaires

Chaque année, le gouvernement est tenu de déposer un rapport détaillant les mesures prises et proposées pour réduire les émissions de GES et gérer les risques climatiques. Ce rapport doit notamment faire état des dépenses passées et futures et de la manière dont ces mesures permettront d’atteindre les cibles et les objectifs prévus par la loi. Il doit également présenter les plans que le gouvernement a adoptés pour poursuivre le travail engagé en matière de réduction des émissions et de gestion des risques climatiques, et mentionner les conseils que le comité consultatif d’experts a donnés au ministre. Enfin, tous les cinq ans à compter de 2020, le rapport annuel devra comprendre une évaluation des risques climatiques.

5. Surveillance et responsabilisation

Les modifications législatives imposent de nouvelles exigences redditionnelles au gouvernement. Outre celles concernant les mesures prises et proposées (voir ci-dessus), le rapport annuel du gouvernement doit également comprendre les éléments suivants :

  • une évaluation des émissions de GES rejetées par la province au cours de la plus récente année civile pour laquelle des données sont disponibles;
  • une estimation des émissions de la province pour l’année civile durant laquelle le rapport est préparé;
  • une estimation des émissions de la province pour les deux années suivantes;
  • une estimation des émissions de la province entre le dernier rapport d’inventaire et l’année de préparation du rapport gouvernemental.

Cette approche améliore le mécanisme redditionnel actuel, qui s’appuyait jusque- là sur le rapport d’inventaire provincial, rapport qui accuse actuellement un retard de deux ans. Même si le rapport annuel dépendra toujours du rapport d’inventaire provincial, le gouvernement utilisera d’autres outils pour estimer les émissions de la province lors des années intermédiaires.

Le rapport annuel doit être déposé à l’Assemblée législative de la Colombie- Britannique au cours de l’année civile durant laquelle il est préparé. S’il n’est prêt qu’après l’ajournement de celle-ci, il doit être déposé lors de la première séance de l’année suivante.

Les modifications législatives imposent également au gouvernement provincial et à d’autres organismes publics de nouvelles exigences redditionnelles sur le plan climatique. Chaque année, le ministre doit préparer et rendre public un rapport de responsabilisation climatique, qui doit comprendre (entre autres) une estimation des émissions du gouvernement provincial pour l’année en cours, les mesures prises cette même année pour limiter les émissions du secteur public, les plans mis en place pour continuer de réduire ces émissions et les mesures prises pour atteindre les cibles fixées concernant les bâtiments, le parc automobile et le carburant du secteur public.

En outre, tout organisme public autre que le gouvernement provincial (ex. : société d’État, autorité de santé, conseil consultatif, tribunal, conseil scolaire) est tenu de publier un rapport annuel contenant les mêmes renseignements, sauf ceux concernant les bâtiments, le parc automobile et le carburant utilisé, qui ne s’appliquent qu’au gouvernement provincial.

6. Visées au-delà de la réduction des émissions

Les modifications législatives ne visent pas seulement la réduction des émissions; elles tiennent compte des risques climatiques, des mesures d’adaptation et de l’incidence globale des politiques climatiques sur les plans social et économique. Concernant l’adaptation, la Loi prévoit que le rapport annuel du ministre doit présenter les risques climatiques et les mesures que le gouvernement a pris et compte prendre pour les gérer. Tous les cinq ans, ce rapport doit également comprendre une évaluation détaillée des risques climatiques. La Loi oblige également les organismes publics à gérer les risques que sont susceptibles de leur poser les changements climatiques et à prendre des mesures pour limiter leurs répercussions sur l’environnement.

Outre les questions d’adaptation, la Loi tient également compte des enjeux sociaux et économiques. En effet, le comité consultatif est tenu de formuler des conseils au ministre sur les perspectives de développement économique durable et de création d’emploi dans le cadre de la transition vers une économie sobre en carbone ainsi que sur les retombées des politiques climatiques sur les particuliers et les entreprises.

Les cibles sectorielles peuvent orienter l’élaboration de politiques, mais aussi comporter des défis

Dans ses modifications législatives, le gouvernement de la Colombie-Britannique s’engage à établir des cibles sectorielles d’ici 2021 et à les réévaluer une fois tous les cinq ans. Les cibles sectorielles fournissent des renseignements plus détaillés sur les mécanismes possibles de réduction des émissions et les secteurs visés. Toutefois, établir des cibles à l’échelle d’un secteur peut comporter quelques défis. Tout d’abord, la définition arbitraire d’un secteur peut poser problème, de même que la répartition des cibles. La façon exacte dont le gouvernement de la Colombie-Britannique compte définir et répartir ses cibles par secteur reste à déterminer, mais il s’est engagé à consulter pour ce faire les communautés, les particuliers et l’industrie (ministère de l’Environnement et de la Stratégie en matière de changement climatique, 2019). Ensuite, le fait qu’un secteur ne soit pas une entité tenue de rendre des comptes peut soulever des problèmes d’application et de responsabilisation. Néanmoins, dans le cas de la Colombie-Britannique, l’établissement de cibles sectorielles vise moins à renforcer l’application de la loi à l’échelle des secteurs qu’à définir des objectifs plus détaillés destinés à améliorer la planification et la surveillance et à instaurer des mécanismes de responsabilisation plus larges à l’échelle de la province. Enfin, l’imposition de cibles sectorielles fixes risque de limiter la flexibilité et de créer des rigidités susceptibles d’engendrer des réductions en partie économiques, alors que des réductions rentables seraient possibles ailleurs, ce qui peut entraîner des pertes d’efficacité. La réévaluation des cibles sectorielles tous les cinq ans permet de limiter ces risques en multipliant les occasions de prendre des mesures correctives si d’autres stratégies plus optimales se présentent.

Des rapports réguliers et détaillés favorisent la transparence et la responsabilisation

Les modifications apportées à la Climate Change Accountability Act en 2019 imposent au gouvernement provincial des obligations redditionnelles plus détaillées et régulières. Comme nous l’avons indiqué plus haut, les rapports annuels doivent présenter les mesures prises par le gouvernement pour réduire les émissions et gérer les risques climatiques, ainsi que les dernières tendances et projections statistiques en la matière. Cette approche constitue une amélioration par rapport aux pratiques redditionnelles actuelles de la Colombie-Britannique en matière d’émissions de GES. En effet, il est essentiel que les autorités, les parties prenantes et les particuliers disposent de données transparentes, périodiques et publiques concernant les progrès réalisés eu égard aux objectifs climatiques. Il est également indispensable que le gouvernement puisse rapidement prendre des mesures correctives s’il n’est pas dans les clous. En outre, cette façon de faire permet aux résidents de la Colombie-Britannique de mieux réclamer des comptes à leur gouvernement s’il ne respecte pas ses engagements climatiques.

Le manque de surveillance indépendante limite la responsabilisation

Certes, la création d’un comité indépendant chargé de conseiller le gouvernement sur les enjeux climatiques est essentielle pour renforcer la crédibilité du cadre de responsabilisation climatique. Néanmoins, la Loi n’oblige pas le comité (ou n’importe quel autre organe indépendant) à contrôler les avancées du gouvernement en la matière. Il s’agit là d’une lacune législative. En effet, un contrôle indépendant est indispensable pour garantir que les évaluations réalisées par le gouvernement sont fondées sur des faits et ne sont pas partisanes. Cette façon de faire favorise en retour la crédibilité et la transparence, ainsi que l’obtention d’une large adhésion.

Élargissement de la portée au-delà de la réduction des émissions

Les modifications législatives ne visent pas seulement la réduction des émissions. Elles soulignent l’importance de la gestion des risques climatiques et de l’établissement d’objectifs plus vastes de croissance propre. Comme nous l’avons dit, la Loi met l’accent sur l’importance de la gestion des risques climatiques, notamment par l’intégration des conseils du comité consultatif au rapport annuel ministériel et la réalisation d’évaluations quinquennales des risques climatiques. Toutefois, même s’il est essentiel que le gouvernement rende des comptes sur les mesures qu’il a prises et qu’il compte prendre pour gérer les risques climatiques, il manque dans la Loi des exigences formelles qui permettraient de réduire réellement ces risques (comme pour les émissions de GES).

Outre la gestion des risques climatiques, la Loi met l’accent sur la croissance propre. En particulier, elle impose au comité consultatif de conseiller le gouvernement sur les perspectives de développement économique durable et de création d’emploi dans le cadre de la transition vers une économie sobre en carbone et sur les retombées des mesures de lutte contre les changements climatiques sur les particuliers et les entreprises. Même si cet ajout est digne de mention, la Loi n’oblige pas explicitement le gouvernement à inclure dans ses plans des mesures spécifiques de soutien des travailleurs, des collectivités et des industries touchés par cette transition.

L’absence d’un mécanisme de révision des cibles à long terme limite la crédibilité et la transparence

Même si la Climate Change Accountability Act instaure des cibles pour 2030 et 2040, elle ne modifie pas la cible de 2050, qui avait été fixée dans le cadre de la Greenhouse Gas Reductions Targets Act de 2007. Certains détracteurs ont demandé que l’on fixe une nouvelle cible de zéro émission nette pour 2050 afin de tenir compte des travaux des climatologues et des lignes directrices du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Ecojustice, 2019; Georgia Strait Alliance, 2019). Même si la Loi impose un examen quinquennal des cibles sectorielles, elle ne prévoit aucun mécanisme d’examen des cibles de réduction des émissions intermédiaires ou à long terme. Plusieurs des pays qui ont adopté une loi de responsabilisation climatique – notamment la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni – ont instauré des règles claires et codifiées régissant les mécanismes d’établissement des cibles et les circonstances relatives à leur examen. Cette approche favorise la transparence et la crédibilité tout en garantissant une certaine flexibilité si la situation évolue (ex. : évolution des travaux des climatologues ou des engagements internationaux). Sans ligne directrice claire en la matière, la Loi de la Colombie-Britannique risque de maintenir des cibles inadaptées aux travaux des climatologues ou de changer les cibles d’une manière qui ne semble pas transparente ou crédible.

Climate Change Accountability Act, 2019.
http://www.bclaws.ca/civix/document/id/complete/statreg/07042_01

Ecojustice. 2019. « New climate accountability bill triggers much-needed reboot of B.C. climate laws. » 31 octobre 2019.
https://www.ecojustice.ca/pressrelease/new-climate-accountability-bill-triggers-much- needed-reboot-of-b-c-climate-laws/

Gage, Andrew. « Looking for accountability in BC’s Climate Change Accountability Act. » West Coast Environmental Law. 14 mai 2018. https://www.wcel.org/blog/looking-accountability-in-bcs-climate-change-accountability-act

Georgia Strait Alliance. 2019. « B.C. strengthens Climate Accountability Act. » 30 octobre 2019.
https://georgiastrait.org/press/b-c-strengthens-climate-accountability-act/

Greenhouse Gas Reduction Targets Act, 2007.
http://bclaws.ca/civix/document/id/consol22/consol22/00_07042_01

Greenhouse Gas Reduction Targets Amendment Act, 2018.
https://www.leg.bc.ca/parliamentary-business/legislation-debates-proceedings/41st-parliament/3rd- session/bills/first-reading/gov34-1

Ministère de l’Environnement et de la Stratégie en matière de changement climatique de la Colombie- Britannique. 2020. Clean BC Building a cleaner, stronger BC: 2019 Climate Change Accountability Report. https://cleanbc.gov.bc.ca/app/uploads/sites/436/2020/02/2019-ClimateChange-Accountability-Report-web.pdf

Ministère de l’Environnement et de la Stratégie en matière de changement climatique de la Colombie- Britannique. 2019. « Climate action gets new teeth with accountability act. » 30 octobre 2019.
https://news.gov.bc.ca/releases/2019ENV0110-002082

Ministry of Environment and Climate Change Strategy. 2020. “Renewed team with help B.C. build on first year of climate action.” Government of British Columbia. 10 February 2020.
https://archive.news.gov.bc.ca/releases/news_releases_2017-2021/2020ENV0003- 000250.pdf

REMERCIEMENTS

Cette étude de cas a été préparée par Anna Kanduth de l’Institut climatique du Canada, avec l’aide de Jason Dion.