Publié dans le cadre de notre série Perspectives Autochtones présentant des initiatives menée par des Autochtones pour lutter contre et répondre aux conséquences des changements climatiques.
Résumé
Ce document traite de la façon dont les politiques climatiques du Canada échouent à nouer des relations appropriées avec les peuples autochtones et à intégrer leurs systèmes de connaissances, ainsi que de la nécessité de décoloniser les politiques climatiques du Canada et de remédier à la violation des droits autochtones dans le cadre dont elles découlent. On se félicite du travail accompli sur les politiques actuelles; on les considère comme bien ficelées, et ce, malgré les manquements graves du gouvernement à son devoir envers les peuples autochtones. Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques de 2016 et le nouveau plan de 2020, Un environnement sain et une économie saine, ratent la cible de l’inclusion, de la consultation et de l’accommodement des Autochtones, comme l’explique en détail Decolonizing Climate Policy in Canada, un récent rapport publié par Indigenous Climate Action (ICA).
Les gouvernements ont la responsabilité de concevoir un plan climatique qui intègre la meilleure information disponible, et ils n’y parviendront pas sans faire une place au savoir ancestral autochtone. L’inclusion du savoir autochtone nécessite un certain niveau de respect et de compréhension. Pour accéder à ce savoir, le Canada doit se décoloniser, en se dépouillant de son pouvoir colonial pour entretenir une relation de nation à nation avec les Autochtones de son territoire, axée sur le respect de la terre et le vivre-ensemble, et en consacrant les efforts nécessaires à la réparation de sa relation brisée avec ces derniers.
Porte d’entrée aux efforts en cours visant la décolonisation des politiques climatique, cette étude de cas s’attaque notamment aux enjeux criants du processus d’élaboration des politiques gouvernementales au pays concernant la mobilisation significative des peuples autochtones en tant que détenteurs de droits. Le processus d’élaboration des politiques climatiques n’a pas réussi à reconnaître les peuples autochtones comme des détenteurs de droits ayant de l’agentivité et du pouvoir. La compréhension et l’intégration des systèmes de connaissances autochtones sont cruciales pour résoudre la crise climatique. Il existe une façon d’accéder à cette information : consulter les détenteurs de droits autochtones et respecter le savoir ancestral sur leurs territoires.
Pour la suite des choses, les initiatives autochtones doivent être défendues et écoutées avec le respect et l’attention que l’on accorde à la communauté scientifique. Il n’y a pas de chemin tout tracé pour nouer des relations avec les Autochtones; cette démarche demandera beaucoup de travail acharné et de détermination, qui incomberont aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.
Avertissement
J’aimerais reconnaître tous les efforts de nos communautés et nations autochtones, qui ensemble ont sonné l’alarme concernant les injustices subies par notre Terre sacrée. Je souhaite reconnaître que cette voix collective est née de conversations et d’établissement de relations, de cérémonies et d’un respect mutuel. Ainsi, je n’ai pas la prétention de faire cavalier seul; la force des Ancêtres parle avec moi et avec d’autres, et je leur prête ma voix. Ainsi, je ne peux affirmer être la seule auteure de cette étude de cas; elle constitue plutôt la somme d’une multitude de voix fortes et d’expériences autochtones. Lorsque j’écris « peuples autochtones », le terme englobe à la fois les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Lorsque je me reporte à la « Terre », je le fais en partant du principe que je parle d’une vraie personne, bien vivante et sensible, capable ressentir des émotions et de la douleur. Lorsque je parle de mes « Ancêtres », je parle des anciens : ceux qui nous ont quittés pour le monde des esprits, dont le corps physique n’était plus en mesure de demeurer sur notre Terre sacrée. J’utilise ces mots en français dans le but de vous transmettre de la meilleure façon possible mon intention et ma responsabilité envers le territoire, même si, comme je l’apprends, cette langue ne lui rend pas justice.
Le sacré à l’honneur, la cérémonie dans chacun de nos gestes
Bon nombre des expériences les plus marquantes de ma vie ont commencé par des étincelles de compréhension et de connexion avec le tout premier amour de ma vie, le territoire. Jeune, j’ai eu la chance de connaître la beauté de notre territoire sacré et j’ai pu prendre, extraire et utiliser tout ce qu’il avait à me transmettre sans rien donner en retour. Puis, avec les années, j’ai appris que le beau, le transcendant et le splendide ne pourront le rester pendant sept générations si nous n’en prenons pas soin et n’établissons pas de rapport de réciprocité. Pour moi, c’est comme une cérémonie. Pour beaucoup de peuples autochtones, cette démarche relève de l’acte physique, spirituel et délibéré de la cérémonie. La cérémonie se trouve dans tout ce que nous faisons, et même dans les langues que nous parlons (Tssessaze, V., communication personnelle, 14 février 2021). C’est par la compréhension et la mise en pratique de ce principe que nous pouvons parvenir à reconnaître notre devoir inhérent de protection du sacré, à voir la Terre comme un système bien équilibré, connecté à notre être et à chacune de nos actions. Nous devons honorer le sacré (Whitecloud, 2021, 27 min 17 s).
Je suis convaincue que vous avez déjà entendu tout cela. Je le sais. Comme les voix collectives retentissantes des peuples autochtones partout sur la planète l’ont dit, la Terre est sacrée, la Terre est une incarnation de nos êtres et elle est nourricière (Bone et coll., 2012). Nous avons crié, protesté, nous sommes instruits au sens où l’État colonisateur l’entend pour que son gouvernement entende notre plaidoyer pour la protection du sacré. Or, tout comme moi, enfant, les gouvernements coloniaux ne voient que ce qu’ils peuvent prendre : des ressources. Cette approche d’extraction du territoire n’est pas bien différente de celle qu’ils ont utilisée avec notre peuple. D’abord, en s’attaquant à notre identité : en perturbant nos apprentissages ancestraux, on croyait pouvoir se débarrasser du « problème indien » (CVR, 2015). C’est vrai, beaucoup de dommages ont été causés et des lignées de connaissances ancestrales ont été perdues, des langues ont disparu et des générations entières d’Autochtones ont été violemment rayées de la carte (Palmater, 2015). L’État colonisateur n’a pas réussi à se débarrasser du « problème indien », mais encore aujourd’hui, nous pansons les blessures qu’il nous a causées.
Comme pour notre histoire orale, il n’a que retardé nos enseignements, car notre force collective, c’est de la voix du territoire et de nos Ancêtres du monde des esprits que nous la tirons. Notre savoir ne nous provient pas que par transmission générationnelle; il émane également de la cérémonie et de la connexion au territoire (Tssessaze, V., communication personnelle, 14 février 2021). Si mon Aîné n’était pas là pour me transmettre ses connaissances, mes Ancêtres me contacteraient. Nous formons un tandem avec la terre et l’eau, comme le cœur qui pompe le sang dans les veines, le système nerveux qui provoque actions et réactions, et le cerveau qui interprète l’expérience humaine. Voilà une prémisse importante pour comprendre que les peuples autochtones sont des gardiens du territoire. Il faut la comprendre pour s’entendre mutuellement (Wildcat, 2009).
La décolonisation des politiques climatiques n’est en aucun cas un effort isolé et ne peut se circonscrire à un événement ou à une action. Ce combat est né des nombreuses avancées aux quatre coins de notre Terre sacrée. Dans cette étude de cas, j’expliquerai sommairement comment j’ai intégré une équipe qui s’efforce de décoloniser les politiques climatiques au Canada, dans le cadre de ma contribution au rapport d’ICA, Decolonizing Climate Policy in Canada. Ce faisant, nous avons notamment déterminé que les processus et politiques adoptés dans les documents du Cadre pancanadien et d’Un environnement sain et une économie saine cultivent des rapports colonisateurs et d’exclusion totale des peuples autochtones en tant que détenteurs de droits et défenseurs du territoire, malgré la prétendue considération accordée à « l’importance des connaissances écologiques traditionnelles en ce qui a trait aux effets des changements climatiques et aux mesures d’adaptation » (Environnement et Changement climatique Canada, 2016 p. 4).
Consultation des Autochtones : une façade
Le Cadre pancanadien n’a réussi ni à nouer de véritable relation de nation à nation avec les peuples autochtones ni à donner la priorité à l’intersectionnalité des enjeux climatiques pour les populations les plus touchées. L’application de ce cadre mal ficelé s’est ensuite étendue au nouveau plan climatique Un environnement sain et une économie saine. Une équipe formée de Jen Gobby, Rachel Ivey, et moi-même, en collaboration avec l’ICA, a établi que ces deux documents bafouent les droits autochtones du début de leur processus d’élaboration jusqu’à leur contenu, leur plan et leurs politiques (ICA, 2021 p. 10). Le rapport Decolonizing Climate Policy in Canada, élaboré à partir d’entrevues avec des décideurs et guidé par un cadre d’analyse des politiques fondé sur l’intersectionnalité (Hankivsky, 2012), vise à « critiquer et à développer des politiques contribuant à transformer les relations de pouvoir inéquitables qui maintiennent l’inégalité » (ICA, 2021).
Notre analyse examine également les plans fédéraux et les compare à des documents qui font valoir les droits autochtones, comme la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, les Appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et les rapports de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. L’expérience de la cofondatrice d’ICA, Eriel Deranger, avec les politiques climatiques du Canada ainsi que ses frustrations ont mené l’organisme à s’entourer de Jen Gobby et de moi-même pour cerner les lacunes des plans climatiques nationaux. Dans la prochaine phase du projet, nous travaillerons à intégrer des politiques climatiques autochtones au discours sur le climat du Canada.
Le problème le plus flagrant avec ces documents de politiques est le manque de représentation autochtone et de transparence quant à la façon dont les politiques canadiennes comptent intégrer les peuples autochtones. En outre, l’implication des Autochtones dans le processus de mobilisation, qui ne comportait « aucune description ou trajectoire d’élaboration de politiques pour les communautés autochtones, ne permettant pas l’obtention d’un consentement libre, préalable et éclairé », était au mieux sous la moyenne (Deranger, E., communication personnelle, 19 février 2021).
Les politiques actuelles le montrent : l’exclusion des peuples autochtones dans l’élaboration de politiques climatiques est le résultat d’un manque d’effort dans l’établissement de relations. En cherchant à résumer mon processus d’intégration d’une équipe qui analyse les politiques fédérales du Canada, j’ai examiné plus attentivement l’étincelle qui a mis le feu aux poudres, étant donné que je m’étais associée au projet à mi-parcours. Une chose était sûre : ce n’est pas un événement isolé, mais plutôt une suite d’histoires douloureuses et carrément irrespectueuses de mobilisation, de consultation et d’extraction des connaissances sur de nombreuses années. Bien qu’il n’en soit pas question spécifiquement dans cette étude de cas, nul besoin de creuser très loin pour trouver des anecdotes de processus de mobilisation irrespectueux des peuples autochtones.
La structure du Cadre pancanadien a été chapeautée par des groupes de travail qui ont éludé une mobilisation et une consultation véritables. Dans la composition même de ces groupes, les Autochtones ont été tenus à l’écart : le rapport Decolonizing Climate Policy in Canada révèle que « les peuples autochtones ont été structurellement exclus » des groupes de travail (ICA, 2021). En outre, le principal problème quant à la mobilisation – constaté trop souvent lorsqu’il est question de mobilisation de tous types avec le gouvernement –, était le peu de temps accordé, insuffisant pour permettre une réponse étayée (ICA, 2021). Au cœur du problème? Le manque de représentation autochtone en lui-même. « Ce n’est pas de l’inclusion, c’est du paraître. » : voilà la réponse des leaders autochtones à la politique de l’Alberta qui a servi de cadre et de guide de pratiques exemplaires au Cadre pancanadien (Deranger, E., communication personnelle, 19 février 2021).
Le Cadre pancanadien et Un environnement sain et une économie saine ont peut-être des objectifs climatiques admirables, mais ils ratent leurs cibles – et c’est peu dire – en matière de mobilisation, d’inclusion et d’accommodement des Autochtones (ICA, 2021). « Selon mon expérience directe, il n’y a aucun intérêt, tant au provincial qu’au fédéral, de trouver des moyens d’intégrer concrètement les droits et le savoir autochtones, pour véritablement orienter les politiques. Des solutions concrètes passent par des relations et par des efforts considérables » (Deranger, E., communication personnelle, 19 février 2021). C’est à la suite de cette expérience que le besoin d’une analyse et d’une critique rigoureuses de l’élaboration des politiques climatiques fédérales s’est nettement fait sentir. La mobilisation des Autochtones découlait davantage d’une opération d’image et de plan de communication des organismes gouvernementaux que d’une volonté d’établir des relations équitables et significatives.
L’inclusion d’organismes politiques autochtones comme l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis ne constitue pas une consultation en bonne et due forme. S’il s’agit d’un premier pas important dans l’établissement de relations avec des organismes politiques autochtones, il ne faut pas perdre de vue que la mobilisation et les relations commencent à l’échelle de la communauté. Lorsqu’on se concentre sur les organismes politiques autochtones, on confirme cette réticence à sortir du statu quo dans la consultation (Wildcat, 2009). Le savoir ancestral autochtone n’est pas l’apanage des organismes politiques; il réside avec la population du territoire. De plus, le fait que les gouvernements n’incluent que les organismes politiques aux discussions sur les enjeux climatiques montre à quel point ils sous-estiment les connaissances traditionnelles autochtones et les années d’apprentissages inhérentes à une connaissance intime du territoire. Les résultats de Decolonizing Climate Policy in Canada confirment l’hypothèse que la consultation avec les organismes politiques autochtones était au mieux insuffisante et que ces derniers n’étaient pas considérés comme des décideurs (ICA, 2021). Au fil de notre analyse des politiques du Cadre pancanadien et d’Un environnement sain et une économie saine, le manque de compréhension et de reconnaissance des répercussions historiques et de l’interrelation des enjeux autochtones est apparu évident. Selon le rapport, « les plans fédéraux sur le climat omettent de traiter l’industrie des combustibles fossiles comme un facteur du changement climatique; un violateur des droits des Autochtones et un contributeur majeur à la vulnérabilité des communautés et des nations autochtones par le biais des impacts sur les eaux, les terres, les moyens de subsistance et les systèmes alimentaires » (ICA, 2021 p. 11).
Les enjeux autochtones liés aux changements climatiques prennent leur source dans le colonialisme; les présenter comme solution d’atténuation dans les politiques climatiques est à tout le moins erroné. Le soutien aux avenues de décolonisation et au renversement des habitudes actuelles dans l’élaboration de politiques constitue un pas vers la réconciliation. Il ne s’agit pas de remettre en question le travail acharné de ceux et celles qui œuvrent au sein d’organismes gouvernementaux et d’organisations environnementales, ou des alliés du domaine de la justice climatique. Le nœud du problème, c’est plutôt les relations entre les peuples autochtones et les colonisateurs du Canada (Whyte, 2019). Constamment sollicitées pour leur expertise sur les politiques, les organisations environnementales se penchent rarement sur leurs propres lacunes. Il ne faut pas en conclure qu’elles devraient parler au nom des peuples autochtones. Elles devraient toutefois créer et leur réserver un espace propice à la mise en valeur de leur savoir, en reconnaissant l’espace qu’elles occupent et en se demandant si ce dernier devrait faire une place à la voix autochtone.
La correction des inégalités dans les systèmes mêmes qui régulent l’île de la Tortue est littéralement une nécessité. On ne peut plus tolérer l’incapacité à établir des relations appropriées ni l’utilisation de cadres qui ne répondent pas à ce besoin (Wildcat, 2009). Lors de l’analyse, nous avons également remarqué que la motivation qui pousse les colonisateurs à extraire des ressources ne s’arrête pas à l’ensemble de notre parenté dans le monde naturel ni à tout ce que notre Terre sacrée recèle et continue d’offrir, mais s’étend jusqu’à la connaissance même de ce territoire qui nous a été donné au fil des générations ainsi que des cérémonies utilisées pour le guérir. La réparation d’une relation brisée demande du temps et des efforts, et commence par de l’intégrité (Whyte, 2019).
Incapacité d’intégrer les systèmes de connaissances autochtones et l’interconnexion du sacré
La première étape d’une consultation significative consiste à rétablir les relations avec les peuples autochtones, et à tenir compte de leurs droits et de leur pouvoir. Pour ce faire, il faut d’abord que les colonisateurs arrêtent de tenir pour acquis que les peuples autochtones seront toujours disponibles pour leur expliquer le sacré. Nous sommes fatigués. Il est épuisant émotionnellement de se trouver dans une pièce remplie de gens qui cautionnent le racisme systémique, les préjugés coloniaux et les idéologies colonialistes que nous combattons depuis si longtemps. Les efforts non reconnus que les peuples autochtones doivent faire pour donner un cours accéléré sur les systèmes de connaissances autochtones sont rarement, voire jamais, intégrés à l’obligation d’accommoder, sans parler du point de vue des Autochtones sur des mesures d’accommodement comme l’offre spirituelle de tabac (McGregor, 2014). Dans des cadres de politiques comme le Cadre pancanadien et Un environnement sain et une économie saine, on décèle une volonté d’indiquer qu’il y a eu consultation des peuples autochtones. Toutefois, en tant qu’Autochtone, je n’y vois aucune preuve de consultation véritable : ce ne sont que des sentiments et des formules creuses. Les mots utilisés dans les deux politiques ne s’attaquent pas aux problèmes structuraux et au déséquilibre du pouvoir avalisés aujourd’hui par le gouvernement.
Comme l’indique l’avertissement au début de cette étude de cas, une relation réussie avec les Autochtones passe par la compréhension de leurs systèmes de connaissances sacrés, et c’est aux colonisateurs d’entreprendre le travail, la recherche et les discussions nécessaires à l’acquisition de cette compréhension. J’utilise souvent des analogies lorsque je raconte une histoire, car les histoires sont souvent racontées aux enfants pour leur apprendre des choses et les aider à comprendre l’Histoire (Deloria, 2015). Le Canada est l’intimidateur et l’abuseur qui a blessé les peuples autochtones et suscité une méfiance justifiée. Aujourd’hui, ce même intimidateur et abuseur demande pardon et exige la confiance, mais ne fait que le strict minimum pour en être digne.
Il est crucial d’intégrer les systèmes de connaissances autochtones pour comprendre l’histoire orale et le savoir ancestral sur le territoire. L’équilibre et l’interrelation doivent toujours être célébrés. La déconnexion actuelle au sacré renforce la mentalité coloniale de la hiérarchie du pouvoir et le droit présumé à l’extraction (LaDuke, 2020). L’endoctrinement de la religion a poussé la science occidentale hors du monde du sacré. La déconnexion entre le sacré et la science se constate partout dans la science occidentale, qui tente de remplacer le savoir traditionnel par des mots comme « animisme » et « épigénétique ». C’est grâce à notre savoir ancestral et à notre histoire orale que nous savons que les créations de la Terre sont des êtres vivants et sensibles, et que nos connaissances se transmettent par la mémoire filiale. Par la transmission de cette histoire, nous commençons à combler ces lacunes. Bien qu’on ne s’attende pas des colonisateurs qu’ils étudient et apprennent le sacré, on s’attend tout de même à ce que ce système de connaissances reçoive le respect et la compréhension qu’il mérite, et qu’on ne tente pas de l’écraser par des mots et des paradigmes coloniaux (LaDuke, 2020). Le savoir traditionnel et l’histoire orale doivent être considérés comme aussi valides que les données et les recherches des scientifiques colonisateurs (McGregor, 2014).
Prochaines étapes
La critique du Cadre pancanadien et d’Un environnement sain et une économie saine présentée dans le rapport Decolonizing Climate Policy in Canada a été produite en deux phases. La première portait sur l’analyse des lacunes, d’un point de vue autochtone, des deux documents. La deuxième se consacrera à mettre en lumière les politiques climatiques autochtones et à leur donner une place. Pour définir les orientations de la deuxième phase, nous avons créé un conseil consultatif d’experts autochtones provenant des cinq biomes du Canada, qui prêteront leur voix au territoire.
La formation du conseil consultatif est le fruit d’une observation : trop souvent, les consultations intègrent des représentants qui proviennent presque seulement d’organisations nationales autochtones. Ce faisant, on perpétue l’idée que les Premières Nations, les Inuits et les Métis sont un groupe homogène et que leurs représentants peuvent parler au nom des centaines de nations uniques d’un océan à l’autre. Cette idée donne également du poids à la définition d’un Autochtone en vertu de la Loi sur les Indiens, qui exclut beaucoup de gardiens du savoir des Premières Nations qui, sans avoir le statut d’Indien inscrit, ont un rôle à jouer. Cette forme d’« inclusion » est problématique et n’intègre pas directement l’ensemble des points de vue traditionnels et ancestraux des Autochtones sur les initiatives d’atténuation des changements climatiques.
Par la création d’un conseil consultatif, nous chercherons à pallier ce problème en sélectionnant des membres qui proviennent des cinq écosystèmes biotiques distincts connus sous le nom de biomes du Canada. C’est notre intention de donner aux terres un représentant qui transcende les frontières – celles du politique, des traités, des territoires et des langues. Il y aurait un représentant autochtone du biome traditionnel, qui en aurait l’expérience directe et qui aurait des liens avec la communauté, et veillerait à ce que les solutions soient axées sur le territoire. De plus, nous avons ajouté un représentant de la jeunesse. C’est au sein des systèmes de connaissances autochtones que nous continuons d’avancer et que nous faisons une place pour la prochaine génération de leaders. Le conseil consultatif, en collaboration avec Indigenous Climate Action, formulera les engagements nécessaires à des politiques climatiques justes et bien fondées pour l’ensemble des peuples autochtones et non autochtones.
Le chemin qui s’ouvre devant nous est jonché des échecs et erreurs du passé, et personne n’a la réponse qui permettrait la réconciliation au Canada. Fruit d’une série d’initiatives et d’un équilibre entre les idées, la réconciliation nous offre l’occasion d’intégrer une approche à double perspective. Cette étude de cas, ce point de vue d’une nehiyaw iskwew, se penche sur les tentatives pathétiques du gouvernement actuel visant à restaurer l’intégrité de ses relations avec les peuples autochtones. Ce même gouvernement a le luxe de disposer de ressources dans sa langue sur l’établissement de relations avec plusieurs nations, tandis que mes Ancêtres et professeurs doivent encore et toujours se démener avec des traductions difficiles à interpréter. Comme mes professeurs le disent, le travail n’est jamais terminé.
Remerciements/Kinanáskomitináwáw
À celle qui nous a donné la vie, notre Terre, qui m’a appris et m’a guidée.
Je souhaite exprimer ma plus sincère gratitude à tous les Aînés et gardiens du savoir qui m’ont guidée spirituellement et dans le cadre de cérémonies. J’aimerais souligner la contribution de Victor Tssessaze, pour sa relecture des passages de ce document portant sur la spiritualité. J’aimerais remercier l’équipe d’Indigenous Climate Action de son travail admirable et acharné pour notre Terre mère, notamment Eriel Deranger et Lindsay Monture.
Je veux remercier Jen Gobby, cette merveilleuse alliée dans le travail de décolonisation des actions climatiques, qui m’a gracieusement invitée à participer à la décolonisation des politiques climatiques. Je souhaite également remercier les jeunes autochtones qui, dans l’adversité, poursuivent la lutte de nos Aînés et protègent la terre et les eaux. Je souligne la participation de Carlie Kane qui m’a énormément aidée pour cette étude de cas.
À mon mari, Tyler, et mes enfants, Dominic, Zoe et Elena. Votre amour me nourrit.
Références
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