La Saskatchewan mérite un débat sur l’électricité propre qui représente la réalité des faits

La rhétorique sur le Règlement sur l’électricité propre risque d’étouffer les préoccupations légitimes

Cet article est d’abord paru dans le Saskatoon Star Phoenix.

La compétitivité à long terme du Canada repose sur l’instauration d’un réseau électrique carboneutre sans compromis sur la fiabilité ou l’abordabilité.

Pour mettre en place les politiques qui nous amèneront à ce résultat, il faut un dialogue public constructif et bien ancré dans les faits. Or, ce qui s’est dit dernièrement sur la transition électrique de la Saskatchewan ne fait pas avancer le débat.

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Dans sa récente réponse au projet de Règlement sur l’électricité propre fédéral, le gouvernement de la Saskatchewan lance un signal d’alarme sur ce que cela pourrait représenter pour la province.

Le gouvernement prétend que le Règlement est « technologiquement et logistiquement inatteignable » et invoque des estimations de coûts pour défendre son point selon lequel l’électricité deviendrait ainsi inabordable.

On néglige la flexibilité

La Saskatchewan affirme que le Règlement « imposera un réseau électrique carboneutre à tout le Canada d’ici 2035 », et selon le premier ministre Scott Moe en mai dernier, il mènerait à la fermeture de toutes les centrales de gaz naturel de la province. Mais dans la réalité, ce n’est pas du tout le cas.

Le projet prévoit plutôt que les centrales au gaz les plus modernes continueraient à alimenter le réseau sans contrainte au-delà de 2035, et que l’ensemble des centrales produiraient de l’électricité d’appoint dans certaines limites en période de pointe ou en l’absence de production renouvelable.

Et en cas d’urgence, on pourrait recourir au gaz naturel selon les besoins, ce qui garantirait la fiabilité de l’alimentation en électricité.

La Saskatchewan compte en effet une grande centrale de gaz naturel déjà en fonction ainsi qu’une autre, en construction, dont l’ouverture est prévue pour l’année prochaine. Selon le projet de règlement, ces centrales pourront fonctionner sans contrainte jusqu’à la fin de 2039 et de 2044, respectivement.

Si l’on tient compte de la possibilité pour les centrales qui se moderniseront ou seront nouvellement construites de poursuivre leurs activités indéfiniment en vertu du Règlement (et même de se voir fixer une norme de rendement assouplie durant la première année) si elles effectuent le captage et stockage du CO₂, et aussi de l’exemption pour l’offre d’électricité d’appoint, il n’y a aucune raison de croire que la Saskatchewan devra délaisser le gaz comme source d’électricité.

On fausse les coûts et avantages

Le gouvernement prétend aussi que la conformité au Règlement coûtera 40 milliards de dollars à la Saskatchewan, mais ces chiffres ne résistent pas à l’examen. Selon SaskPower, les trois quarts de ce montant sont attribuables aux investissements en infrastructures d’électricité qui auront lieu de toute façon, avec ou sans le Règlement.

De plus, ces chiffres ne semblent pas tenir compte des grandes subventions fédérales offertes pour aider la province à se bâtir un réseau plus propre, montant qui, dans le cas de la Saskatchewan, pourrait monter à près de 2,6 milliards de dollars d’ici 2035.

Les investissements visant la production d’électricité rentable et propre protègent aussi les consommateurs contre la volatilité des prix de l’énergie fossile, et sont donc essentiels pour attirer davantage de fonds.

C’est le temps de discuter

Le gouvernement fédéral est en train de mettre la dernière main à son projet de Règlement sur l’électricité propre. C’est le moment idéal d’avoir une discussion ouverte, réfléchie et factuelle sur les obstacles et les avantages à la construction d’un réseau électrique plus grand, plus propre et plus intelligent dans chaque province.

Les préoccupations sur les retombées pour les provinces comme la Saskatchewan sont légitimes, et des changements pourraient être apportés pour veiller à ce que le Règlement leur convienne. C’est pourquoi l’Institut climatique du Canada a proposé d’en accroître la flexibilité pour favoriser l’abordabilité et la fiabilité du réseau.

Des enjeux considérables se posent pour les provinces comme la Saskatchewan dont le réseau électrique est très émetteur. Celles-ci méritent que leurs préoccupations et commentaires soient pris en compte. La Saskatchewan a la possibilité de proposer des idées constructives pour améliorer le projet de règlement sur l’électricité, comme l’a fait SaskPower récemment dans sa soumission au fédéral.

Mais les derniers arguments en date du gouvernement provincial ne font que brouiller les cartes.

Il est primordial que le débat public concernant le Règlement sur l’électricité propre soit vigoureux, oui, mais aussi représentatif de la réalité des faits. La population de la Saskatchewan mérite très certainement un discours plus sain entourant la construction et les avantages d’un réseau électrique qui serait robuste, propre, abordable et fiable.

Sara Hastings-Simon est professeure agrégée au Département de la terre, de l’énergie et de l’environnement et à l’école des politiques publiques de l’Université de Calgary, et coanimatrice du balado Energy vs Climate. Jason Dion est directeur principal de la recherche à l’Institut climatique du Canada, un organisme national de recherche sur les politiques climatiques.