Après avoir essuyé des revers cette année, la politique climatique canadienne a fini par s’imposer

Cet article est d’abord paru dans le Toronto Star.

À l’automne 2023, la politique climatique nationale affichait un avenir incertain : la situation « regardait mal », comme on dit.

Le projet de règlement sur l’électricité propre, publié en août, faisait l’objet de critiques gratuites de la part des Prairies; la tarification du carbone à la consommation s’avérait difficile à justifier à une époque où il en coûtait 8 $ pour une boîte de céréales, (même si tout le monde sait que le prix du carbone ne fait pas grimper celui du panier d’épicerie et que la plupart des ménages, en particulier ceux à faible revenu, obtiennent plus de réductions qu’ils n’en paient, n’est-ce pas?). Loin de calmer le jeu, la décision du gouvernement fédéral de supprimer la tarification du carbone pour le mazout à chauffage dans les Maritimes a mis le feu aux poudres.

Mon optimisme naturel en a pris un peu pour son rhume cet automne. Si vous m’aviez demandé, en octobre, ce que je pensais de la politique climatique au Canada, je vous aurais répondu franchement : « Rien qui vaille ».

Mais j’avais sous-estimé 2023. À la fin de l’année, la transition vers l’énergie propre du Canada a fait un retour en force des plus salutaires.

En décembre seulement, il y a eu une série d’annonces qui ont jeté les bases de la réduction significative des émissions. Le projet de règlement destiné à réduire les émissions de méthane, annoncé au début du mois, vise une diminution en amont des rejets de ce puissant polluant et agent du réchauffement planétaire par le secteur pétrogazier, de l’ordre de 75 % par rapport aux niveaux de 2012 d’ici à 2030. Il est communément admis que la régulation du méthane est l’un des moyens les moins coûteux et les plus efficaces de réduire la pollution générée par les combustibles fossiles, et comme ce gaz ne persiste qu’une douzaine d’années dans l’atmosphère, elle devrait aider à atténuer les effets sur le climat dès le court terme.

La réglementation sur le méthane venait aussi paver la voie à la mesure suivante : le cadre réglementaire pour plafonner les émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrogazier, qui a décrit une approche sectorielle à la fois raisonnable et nécessaire. La production de pétrole et de gaz est la source la plus importante et obstinément croissante de la pollution piégeant la chaleur dans le pays, et les reculs essuyés dans ce secteur viennent saper les progrès climatiques réalisés dans d’autres secteurs de l’économie.

La publication du règlement sur les véhicules zéro émission est venue couronner le tout. Ce règlement prévoit des mesures nationales pour assainir l’air et faciliter la vie aux Canadiens, qui pour la plupart souhaitent se procurer un véhicule électrique comme prochaine voiture.
Les véhicules électriques sont plus respectueux de l’environnement et plus compatibles avec le portefeuille des automobilistes : il ressort de l’analyse d’Énergie propre Canada sur les modèles populaires au pays que les Canadiens qui conduisent des véhicules électriques économisent beaucoup – souvent dans les 10 000 $ ou plus en frais d’entretien et d’utilisation – comparativement à ceux qui conduisent des véhicules à essence équivalents. Plus d’une douzaine de pays ont mis en place des politiques exigeant que les véhicules neufs qui sont vendus soient 100 % électriques d’ici 2035 au plus tard.

Outre les annonces en décembre, plusieurs autres grandes orientations ont progressé en 2023 et sont, sinon en train d’être enchâssées dans les lois, du moins plus près de leur mise en œuvre : le Règlement sur les combustibles propres, la mise à jour de la tarification du carbone et le projet de Règlement sur l’électricité propre. La Stratégie nationale d’adaptation, qui est l’un des mécanismes essentiels pour défendre la population contre les effets des changements climatiques, a été finalisée en juin dernier. La pertinence de ces mesures n’a jamais été aussi évidente que le mois où elles ont été mises au point, après des semaines de feux incontrôlés qui ont pollué l’air dans diverses collectivités au pays et les inondations dévastatrices en Nouvelle-Écosse.

Évidemment, c’est une chose que d’élaborer et d’annoncer une politique, mais c’en est une autre que de savoir si elle parviendra à réduire les émissions. Je n’ai pas de boule de cristal, mais j’ai en main une analyse indépendante du rapport de suivi du Plan de réduction des émissions de 2023 publié ce mois-ci. Selon ce document, les politiques actuelles fonctionnent, et le Canada est sur la bonne voie pour atteindre entre 85 et 90 % de son objectif d’émissions pour 2030. Dans mon domaine, on a cette tendance un peu clichée à saluer chaleureusement chaque annonce de politique pour immédiatement faire suivre d’une déclaration du genre « Nous avons encore beaucoup de pain sur la planche! » …mais c’est aussi la vérité : il faut redoubler d’effort, et rapidement. L’afflux d’annonces en décembre a eu l’effet d’un coup de fouet, mais maintenant, tout le pays, y compris tous les gouvernements provinciaux, doit continuer à aller de l’avant, en transformant ces propositions de politiques en projets de loi sans plus tarder.