Crédit d'image: Un automobiliste roule sur une voie de service le long de la Transcanadienne fermée alors que les eaux de crue envahissent les fossés à côté de l'autoroute et les terres agricoles à Abbotsford, en Colombie-Britannique, le mercredi 1er décembre 2021. LA PRESSE CANADIENNE/Darryl Dyck

Le Canada veut diversifier ses échanges commerciaux, mais a besoin d’infrastructures adaptées aux changements climatiques

Quatre mesures peuvent aider à réduire le risque.

Alors que les décideurs cherchent à diversifier les marchés d’exportation du Canada en réponse aux tensions commerciales, le gouvernement fédéral mise sur des projets d’infrastructure et d’intérêt national pour stabiliser l’économie et favoriser la croissance. 

Pour l’instant, la liste prévoit l’amélioration de deux ports, un corridor économique pour l’Arctique et d’autres projets de ressources dont la réalisation pourrait dépendre d’investissements majeurs dans l’infrastructure.

Lors de la dernière campagne électorale fédérale, le parti libéral a proposé l’injection de 5 milliards de dollars pour améliorer l’infrastructure commerciale du pays, soit les routes, ports et aéroports qui assurent le transport des marchandises et le roulement de l’économie. Chaque année, ces infrastructures essentielles permettent l’échange de centaines de milliards de dollars entre les provinces et de plus de 1 billion de dollars avec d’autres pays.

Vu l’état des choses, il importe de construire de façon avisée. Les changements climatiques augmentent la fréquence et la gravité des sinistres, comme les inondations et les feux de forêt; de ce fait, l’infrastructure commerciale du Canada doit être résiliente afin d’assurer la stabilité de l’économique nationale.

Le coût de l’inaction est manifeste. Ces dernières années, le Canada a constaté l’effet néfaste des catastrophes climatiques sur le commerce et les pertes faramineuses qu’elles occasionnent.L’exemple le plus poignant date d’il y a tout juste quatre ans : la rivière atmosphérique de 2021 a déversé plus de 200 millimètres de pluie en à peine deux jours en Colombie-Britannique. Les inondations et glissements de terrain qui ont suivi ont isolé le port de Vancouver – par où passe le tiers des exportations canadiennes hors Amérique du Nord – du reste du pays pendant plusieurs jours. Par ailleurs, des dizaines de routes, ponts et chemins de fer reliant Vancouver aux autres régions ont été endommagés, dont la route de Coquihalla à plus de 20 endroits.

Les dommages en soi étaient monumentaux – le coût de la réparation des grandes autoroutes seulement est estimé à entre 1 et 1,5 milliard de dollars –, mais le coût des perturbations économiques fut encore plus grand.

La Colombie-Britannique avait perdu plus de 80 % de sa capacité de transport de marchandises, les camionneurs devaient faire un détour par les États-Unis, l’oléoduc Trans Mountain a été fermé, la chaîne d’approvisionnement forestière était sens dessus dessous, et les exportateurs agricoles pâtissaient de retards onéreux. Du côté du port de Vancouver, la perturbation des expéditions a occasionné des pertes commerciales d’environ 2,5 milliards de dollars, sans parler des pertes de 800 millions à 1,4 milliard de dollars en revenu et en productivité qu’ont causées les inondations.

Les inondations de 2021 en Colombie-Britannique ne sont pas une anomalie sans suite. Il s’agit au contraire d’un aperçu de notre avenir économique si l’on néglige de se préparer. Les changements climatiques ont fait monter de 60 % la probabilité que de telles rivières atmosphériques se produisent. On prévoit d’ailleurs que d’ici la fin du siècle, les précipitations extrêmes seront cinq fois plus fréquentes, et ce n’est qu’un danger climatique parmi tant d’autres qui peuvent interrompre la circulation des marchandises

Ce type de désastre est prévisible en ce qu’il provient de l’inadéquation climatique de nos infrastructures, laquelle est empirée par un sous-investissement chronique. Le Canada affiche en effet un déficit de 265 milliards de dollars au chapitre des infrastructures, et les routes, les ponts et les tunnels représentent la moitié des installations à rénover d’urgence. Le gouvernement de la Colombie-Britannique connaissait depuis longtemps la piètre condition des infrastructures de protection contre les inondations, mais il n’a pas agi.

L’adaptation des infrastructures publiques aux dangers climatiques nécessite des investissements massifs. Les municipalités, qui détiennent environ 60 % de ces infrastructures, ne peuvent relever le défi sans le soutien des pouvoirs fédéraux, provinciaux et territoriaux. Aussi doit-on mettre un terme, pour les nouvelles constructions, aux normes obsolètes qui sont inadaptées aux conditions climatiques à venir, s’appuyant sur d’anciennes données.

L’infrastructure commerciale nécessite des milliards de dollars d’investissement. Il est impératif que les gouvernements saisissent le bref moment qu’ils ont pour renforcer l’économie canadienne et l’adapter aux changements climatiques à long terme. Pour ce faire, ils peuvent :

  1. Intégrer le risque climatique aux nouveaux projets d’infrastructure commerciale. Exiger que l’ensemble des projets publiquement financés d’infrastructure essentielle pour le commerce évalue et prenne en compte le risque climatique dans la planification et la conception.
  2. Mettre à niveau l’infrastructure commerciale déjà installée. Par exemple, une partie du Fonds pour la diversification des corridors commerciaux peut servir à améliorer la résilience des corridors essentiels ou à risque élevé.
  3. Investir dans les infrastructures de protection. Restaurer ou construire des protections contre les inondations, comme des digues ou des levées, pour préserver les carrefours commerciaux vulnérables.
  4. Accorder aux gouvernements locaux un financement pour les infrastructures stables. Veiller à ce que les municipalités reçoivent du soutien à long terme pour adapter leurs infrastructures.

Les investissements majeurs du Canada dans de nouvelles infrastructures commerciales sont l’occasion de renforcer et de diversifier l’économie tout en la protégeant contre les dangers climatiques pouvant coûter des milliards de dollars. Les quatre mesures ci-dessus peuvent réduire le risque et éviter au Canada de se retrouver avec une infrastructure conçue pour le passé plutôt que pour l’avenir climatique qui approche à grands pas.

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