Cet article a précédemment été publié dans Corporate Knights.
Le premier budget fédéral du gouvernement de Mark Carney a été déposé. Il était attendu avec impatience dans la sphère des politiques climatiques, car il contient la nouvelle stratégie de compétitivité climatique du Canada.
Cette nouvelle stratégie arrive à un moment décisif pour réduire les émissions du pays et stimuler la compétitivité économique en cette période d’incertitude. Elle met fin à des mois de spéculations, nourries par certains signaux renvoyés par des choix stratégiques qui ont fait douter des engagements climatiques du gouvernement.
Alors, quel est le verdict? La stratégie n’est pas parfaite, mais représente un pas dans la bonne direction.
Le gouvernement doit maintenant rapidement la mettre en œuvre et l’étoffer des détails promis.
Voilà qui est essentiel si le Canada veut voir grimper les investissements au pays dans des projets sobres en carbone et s’atténuer l’incertitude qui fait stagner le développement économique. L’heure est grave : les partenaires économiques du Canada accélèrent leur transition énergétique, et le Canada risque de passer à côté de grands débouchés économiques en ce moment où il en a le plus besoin.
Quels sont alors les aspects les plus prometteurs de la stratégie de compétitivité climatique? Et lesquels créent le plus d’incertitude?
En tête de lice, la promesse de renforcement de la tarification du carbone industriel. C’est l’une des meilleures options à l’échelon fédéral pour réduire les émissions tout en maintenant les coûts bas pour les entreprises et en prévenant les répercussions sur les prix des produits de consommation.
Il faut souligner ce dernier point. La mésinformation sur cette politique pullule dans les derniers temps, mais rappelons ce que la recherche montre : la tarification du carbone industriel a des coûts infimes pour les Canadiennes et Canadiens. En effet, les effets sur la consommation des ménages approchent le zéro pour cent, selon une étude de l’Institut climatique du Canada.
Cela s’explique de plusieurs façons : le prix du carbone ne s’applique qu’aux grands émetteurs et n’engendre que peu de coûts pour eux – l’équivalent d’un Timbit par baril de pétrole. En outre, ces faibles coûts sur les produits industriels se répercutent à peine sur les coûts des biens de consommation finis.
Un des engagements pris dans la stratégie de compétitivité climatique est de corriger le prix de référence de la tarification du carbone industriel, qui sert à établir le prix plancher des systèmes provinciaux. On promet également de renforcer le filet de sécurité pour les provinces qui n’atteignent pas le seuil du modèle. De plus, le gouvernement établira une trajectoire de tarification du carbone s’étendant sur plusieurs décennies pour mettre l’industrie canadienne sur la voie de la carboneutralité.
Toutes ces promesses sont positives, mais les détails auront une importance capitale. Ils détermineront si la politique aura les effets escomptés, autant pour les émissions que pour la compétitivité du Canada.
Soulignons aussi l’engagement à achever la réglementation sur le méthane pétrogazier, pour remplir la promesse de longue date de réduire ces émissions néfastes de 75 % au cours des cinq prochaines années. Le Canada a déjà énormément progressé en la matière et ces réductions d’émissions à moindre coût donnent l’occasion à des entreprises canadiennes novatrices de mener la charge.
La stratégie reconnaît également la nécessité d’accroître significativement l’investissement dans le réseau électrique canadien. Le gouvernement promet de mettre en place sous peu le crédit d’impôt à l’investissement pour les technologies propres, et il réaffirme son engagement en ce qui concerne le Règlement sur l’électricité propre. Il confirme son intention d’achever la taxonomie nationale des investissements climatiques pour le secteur financier d’ici la fin de 2026. Et il réserve deux milliards de dollars pour un Fonds souverain pour les minéraux critiques qui effectuera des investissements dans des projets et des entreprises du secteur des minéraux critiques, notamment des investissements en capitaux propres, des garanties de prêt et des accords d’écoulement. Ces outils de partage des risques stimuleront l’investissement du secteur privé dans les projets canadiens afin de profiter d’importants débouchés pendant la transition énergétique mondiale.
Il n’y a rien de nouveau dans la stratégie concernant la norme sur la disponibilité des véhicules électriques, mais une annonce devrait suivre « au cours des semaines à venir ». Il n’y a pratiquement rien non plus à propos de l’adaptation climatique. Pourtant, les investissements dans l’adaptation ne sont pas du luxe : il sera crucial de moderniser les infrastructures en fonction des conditions météorologiques extrêmes pour éviter des milliards de dollars en perturbations du commerce et autres répercussions économiques. Cela devrait être un élément principal de toute stratégie de compétitivité climatique.
On me demande souvent mon opinion sur les progrès du nouveau gouvernement dans le dossier des changements climatiques. Je réponds honnêtement que « je garde espoir, mais que ma patience s’amenuise ». Maintenant que le gouvernement a déclaré ses intentions en la matière, il est temps de passer à l’action!